Il gagne chaque année toujours plus de terrain, au point qu’il est désormais présent presque partout en France. Voici comment lutter contre le moustique tigre et se prémunir de ses piqûres potentiellement vectrices de maladies.

Il n’aura fallu qu’une vingtaine d’années au moustique tigre, pour coloniser la quasi-totalité de notre territoire. Arrivé en Europe par les ports italiens, il est repéré pour la première fois en 2004, à Menton, ville frontalière. « Il se répand très rapidement à la surface du globe, porté par la mondialisation du transport des marchandises. Les femelles aiment, par exemple, pondre dans les pneus usagés, qui sont transportés par bateaux à travers le monde, et qui se remplissent d’eau de pluie, permettant aux œufs d’éclore. Ce sont de véritables pouponnières à moustiques ! », explique Éric Marois, chargé de recherche Inserm dans l’équipe Réponses immunitaires chez les moustiques, à l’Institut de biologie moléculaire et cellulaire de Strasbourg.

Pendant la décennie suivant son arrivée, le moustique tigre s’est vite acclimaté à la douceur des régions du sud de la France. Aujourd’hui, il s’est implanté à peu près partout. « Les adultes voyagent facilement dans les véhicules ou les camions. Les autoroutes françaises correspondent aux principales voies de progression de l’insecte », confie le spécialiste. « Ce sont surtout la moitié sud du pays et quelques grandes métropoles, comme Paris ou Strasbourg, qui sont les plus colonisées. L’espèce poursuit son expansion vers le nord, tandis que le changement climatique rend de plus en plus de régions propices à son implantation, comme la Bretagne, par exemple », ajoute Guillaume Lacour, docteur en entomologie médicale à Altopictus, qui travaille depuis 2008 sur Aedes albopictus, nom scientifique du moustique tigre, et les vecteurs de maladies. Le dernier relevé, publié par le ministère de la Santé, le 16 mai 2025, est sans appel : le moustique tigre est désormais présent sur près de 85 % du territoire métropolitain.

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  • C’est le nombre de départements (sur les 96 de la métropole) qui sont colonisés par Aedes albopictus.

 Source : ministère de la Santé, 16 mai 2025.

Un nuisible sous surveillance

« Aedes albopictus, qui ne pique que le jour, est un moustique particulièrement nuisible et harcelant, au point de persuader les gens de rester enfermés à la belle saison, au lieu de profiter de l’extérieur… », assure Éric Marois. « Il est assez agressif et il est compliqué de s’en protéger. Surtout, sa piqûre fait mal ! », avertit Fabrice Chandre, directeur de recherche en entomologie médicale à l’Institut de recherche pour le développement (IRD).

En plus de perturber, voire de paralyser les activités humaines lorsqu’il pullule dans une zone, le moustique tigre inquiète par sa capacité à véhiculer des maladies. « Dans un rapport daté de juillet 2024, le groupe d’experts de l’Agence nationale de sécurité sanitaire a évalué à 6/9 ou 7/9 la probabilité qu’une épidémie d’un arbovirus, chikungunya, dengue ou Zika, transmis par Aedes albopictus survienne en France hexagonale dans les 5 prochaines années », annonce Guillaume Lacour. C’est pour cette raison que la bestiole est surveillée de près. « Chaque année, l’État, les agences régionales de santé et leurs opérateurs de démoustication mettent en place une surveillance entomologique dans l’Hexagone. Celle-ci combine une surveillance active de l’espèce, avec l’installation de pièges dans les villes et les points d’entrée du territoire, notamment les ports et aéroports, et une surveillance passive et participative reposant sur l’analyse des signalements effectués par le public sur le site signalement-moustique.anses.fr/  », confirme le docteur en entomologie médicale.

Les risques de propagation en France du chikungunya, de la dengue et du virus Zika sont bien réels (notez que le moustique tigre ne transmet ni le Covid ni le Sida !). « Les dangers restent tout de même moins importants que sous les tropiques, car l’hiver offre un répit et casse la dynamique de transmission des virus. Cependant la menace est plus élevée les années chaudes avec une forte prolifération des moustiques. Les voyageurs revenant des tropiques avec une infection peuvent facilement se faire piquer en métropole et déclencher une épidémie, prévient Éric Marois. Avec l’épidémie actuelle de chikungunya à La Réunion, où 10 000 cas par semaine ont récemment été recensés , le risque qu’un voyageur de retour de l’île rapporte le virus est beaucoup plus élevé qu’en temps normal ! » Lorsqu’un cas autochtone est détecté, il faut intervenir au plus vite. « Une enquête endémique est lancée dans une zone de 100 à 150 m autour du lieu de résidence du cas. Si Aedes albopictus est présent, une intervention de démoustication est réalisée dans les 3 ou 4 jours. Il faut entre 6 à 10 jours pour que le moustique soit en mesure de transmettre le virus, car sa contamination n’est pas immédiate », précise Nicolas Le Doeuff-Le Roy, chargé de projet du pôle de lutte préventive contre les moustiques tigres à la direction technique de l’Entente inter-départementale pour la démoustication (EID) Méditerranée.

Portrait-robot du coupable

  • Nom : Aedes albopictus, dit « moustique tigre ».
  • Origine : Asie du Sud-Est.
  • Taille : un demi-centimètre en moyenne.
  • Habitat : vit à 90 % en milieu urbain, à proximité de l’homme. On ne le retrouve pas dans la nature.
  • Signes distinctifs : abdomen effilé avec bandes blanches transver sales, ligne blanche médiane sur le thorax et anneaux blancs sur les pattes. Seul moustique totalement noir et blanc.
  • Période et rythme d’Activité : moustique diurne, pique surtout le matin et le soir. Présent d’avril/mai à octobre/novembre, avec des périodes de forte prolifération de début juillet à septembre.
  • Lieu de vie : majoritairement en extérieur, se déplace de quelques centaines de mètres autour de son lieu de naissance.
  • Zones des piqûres : chevilles et jambes principalement, car il vole près du sol.

Adopter les gestes barrières

Ces gestes, qui évoquent des souvenirs désagréables de la période Covid, sont pourtant la seule arme pour lutter efficacement contre la propagation du moustique tigre. Pour savoir comment agir efficacement, il faut comprendre le cycle de reproduction de l’insecte.

La femelle cherche très vite à s’accoupler et elle a besoin du sang d’un hôte (homme, chien, chat, oiseau…) pour fabriquer ses œufs. Durant toute sa vie (environ un mois), elle peut réaliser entre 8 et 10 repas sanguins et autant de phases de ponte. Chaque portée se compose, en moyenne, de 75 à 80 œufs, ce qui représente entre 750 et 800 œufs par femelle. Maligne, elle ne les met pas tous dans le même panier, elle n’en pond que quelques-uns dans plusieurs gîtes à la fois. Ses lieux de ponte favoris ? Nos récipients. « Le moustique tigre est très anthropophile pour le sang, mais aussi pour les gîtes larvaires, qu’il trouve dans les réservoirs d’eau artificiels : objets exposés à la pluie, collecteurs d’eau, gouttières bouchées, avaloirs pluviaux, arrosoirs…Beaucoup de ces gîtes larvaires artificiels sont pauvres en prédateurs et en espèces locales de moustiques susceptibles de faire concurrence au moustique tigre, d’où leur succès », explique Éric Marcois. « Vider l’eau stagnante de tous les récipients du jardin, de la terrasse ou du balcon, c’est 90 % du boulot de fait », assure Nicolas Le Doeuff-Le Roy.

Comme il faut au moins 8 jours entre l’éclosion d’un œuf et l’émergence d’une femelle adulte, nous pouvons empêcher la survie du moustique tigre chez nous en inspectant notre jardin tous les 7 jours. « La mesure de base indispensable, et suffisante si tout le monde participe, consiste à neutraliser les récipients pouvant servir de gîte larvaire. Il est donc nécessaire de vider, ranger, couvrir hermétiquement tout ce qui retient de l’eau, même en petite quantité : réservoirs, cache-pots, vases, regards de descente de gouttière, terrasse sur plots, pieds de parasol, matériels de jardinage… », détaille Guillaume Lacour. Et il faut même aller plus loin. Les larves meurent lorsqu’elles ne sont plus en contact avec de l’eau, mais « les œufs peuvent résister pendant plusieurs semaines voire plusieurs mois. Dès que l’eau revient, ils sont alors dans les bonnes conditions pour éclore », rappelle Fabrice Chandre. Aedes albopictus a pour habitude de pondre ses œufs sur les rebords des récipients lorsqu’ils sont remplis, il est important de passer un coup de brosse ou d’éponge à cet endroit pour les supprimer. « Les autres outils, comme les pièges, ne seront utiles que s’ils sont utilisés en complément de la neutralisation des gîtes larvaires », prévient Guillaume Lacour.

Chasse à l’eau stagnante

« Tant qu’il y a de l’eau stagnante dans votre jardin, les pièges ne servent à rien. Et gardez bien en tête que pour le moustique tigre, l’humain reste toujours plus attractif que n’importe quel piège », avertit Nicolas Le Doeuff-Le Roy, spécialiste de la démoustication (EID) Méditerranée.

Poser des pièges en renfort

Lorsque l’on subit les assauts répétés et nombreux du moustique tigre, on est prêt à tout pour y mettre fin. S’il est possible, par les bons gestes, de limiter son expansion durant sa phase aquatique (larvaire), que faire quand il est devenu adulte (phase aérienne) ? Pas grand-chose malheureusement… « Les remèdes de grand-mère ne sont généralement pas efficaces, ni les gadgets que l’on trouve parfois en pharmacie, comme les bracelets répulsifs, les dispositifs à ultrasons, etc. Les plantes n’ont globalement pas non plus prouvé d’effet répulsif, y compris celles dont on extrait des huiles essentielles répulsives, comme le géranium », confirme Guillaume Lacour. Ces huiles essentielles, bien que peu appréciées du moustique tigre, demeurent particulièrement volatiles et leur efficacité ne dure pas plus d’une dizaine de minutes. Les lampes à UV sont à proscrire : elles ne font pas la différence avec les autres insectes et tuent tout ce qui vole. Quant aux applications mobiles censées les faire fuir, elles n’ont aucun intérêt.

Certaines solutions peuvent tout de même réduire le nombre de ces nuisibles, comme les pièges. « Les plantes constituent le principal abri des moustiques adultes. Il peut être utile de repérer les endroits du jardin où ils s’abritent pour y installer des pièges », conseille Guillaume Lacour. Il en existe deux sortes : les simulateurs d’hôtes, pour attraper les femelles qui veulent piquer, et les pièges à oviposition pour capturer celles qui cherchent à pondre. Les pièges dotés d’un système lumineux ne sont pas recommandés, car ils ne ciblent pas uniquement le moustique tigre. « Les pièges vendus en France dont l’efficacité est scientifiquement prouvée sont les modèles de Biogents et Mosquito Magnet, et qui sont utilisés par les opérateurs de lutte antivectorielle. De nombreux autres dispositifs sont disponibles dans le commerce, mais pour beaucoup d’entre eux il n’y a pas de données comparées sur leur performance contre le moustique tigre, ou les données sont en cours d’acquisition. Le marché des pièges est en plein essor, et la diversité de systèmes utilisables devrait croître, pour le meilleur comme pour le pire. Il convient donc de se méfier des assertions non vérifiées », met en garde le spécialiste.

Rendre les moustiques stériles

Pour réduire les populations de moustiques tigres, une technique est en phase de test : des mâles irradiés, devenus stériles, sont relâchés dans la nature. Ils s’accouplent avec les femelles, mais leur descendance non viable entraîne une baisse de la population. Cette méthode, ponctuelle et ciblée, est utilisée à l’échelle d’une ville pour soulager la population et/ou prévenir une épidémie.

Les petites spirales que l’on fait brûler sont utiles, à condition de rester à proximité. Le moustique tigre ne volant pas très bien, il est sensible aux courants d’air : l’utilisation d’un ventilateur aide à le tenir à distance. Il n’aime pas non plus le froid, la climatisation est donc une barrière efficace s’il venait à s’aventurer dans votre intérieur.

La dernière solution reste le recours aux répulsifs à appliquer sur la peau. S’ils se présentent sous différentes formes (aérosol, crème, lotion ou stick), seuls quatre types de molécules sont autorisés : DEET, IR3535, KBR3023 (ou icaridine) et PMD (citriodiol). Leur durée de protection varie de 4 à 8 heures selon la substance utilisée et sa concentration dans le produit. Notez que les plus faibles concentrations sont indispensables pour les jeunes enfants et les femmes enceintes en raison de la toxicité de ces molécules.