Quelque 70 collégiennes ont participé à la journée « FéminiMath » au lycée Joffre, une initiative visant à encourager les filles à s’engager dans les filières scientifiques. Encadrées par des étudiantes en classe prépa, elles ont découvert le quotidien exigeant mais accessible de ces cursus, pour lutter contre l’autocensure et les stéréotypes de genre.
De jeunes femmes scientifiques pour inspirer des collégiennes. L’initiative « FéminiMath » lancée cette semaine au lycée Joffre a permis de semer une petite graine qui désormais ne demande plus qu’à pousser et à se propager.
Car promouvoir l’égalité fille-garçon dans les filières scientifiques n’est pas chose aisée, mais avec cette journée, les jeunes filles auront davantage les cartes en main.
« Accrochez-vous sans vous préoccuper des autres »
Quelque 70 collégiennes issues de six établissements ont ainsi été invitées à rencontrer des étudiantes de prépa PSI (classes réputées comme l’une des filières les plus exigeantes) et à « tester » leur vie pendant quelques heures. Avec l’objectif d’inciter les jeunes filles à suivre – si elles le souhaitent – des études scientifiques et surtout de ne pas se l’interdire.
Réparties en petits groupes, les adolescentes ont ainsi été chapeautées par une « marraine » de circonstance. Carys, Jeanne, Zoélie, Romane, Lucie et quelques autres ont accepté de les guider et de les accompagner pour leur faire découvrir leur quotidien, leur expérience de vie et même leurs doutes. D’autant plus quand les résultats des concours aux écoles d’ingénieurs tombent dans la journée…
Car être une « cador » en maths, physique, chimie ce n’est pas si facile. « Il ne faut pas se leurrer il faut quand même beaucoup travailler, mais être une fille ou un garçon ne doit en rien changer la donne. »
« Notre objectif est de démonter tous les a priori et préjugés liés à notre formation. Les sciences, les maths ce n’est pas un sujet tabou pour les filles. Nous, nous sommes des filles normales, nous ne sommes pas plus intelligentes que les autres », annonce l’une des étudiantes.
Et une autre de reprendre : « Si vous avez une envie, un domaine de prédilection, accrochez-vous sans vous préoccuper des autres. »
Et au départ un peu intimidées, les collégiennes ont donné leur point de vue. Miangola en 3e au collège Croix-d’Argent est plutôt sûre d’elle : « Moi, je veux faire des mathématiques et je ne me suis jamais posé la question du genre. Il faut dire que dans ma famille, on est que des filles et on est plutôt scientifiques… »
Pour sa camarade Alexandra, « c’est un peu plus flou. Mais je dois me décider rapidement entre les langues et les sciences de l’ingénieur ». Un choix qui va conditionner son affectation dans tel ou tel lycée dès la rentrée prochaine.
Une autre élève avoue qu’elle aime bien les sciences, mais que ses résultats ne sont pas toujours excellents. Un doute rapidement balayé par la rectrice de l’Académie en personne : « Je crois que certains garçons ne se posent pas du tout la question des résultats pour choisir la filière qu’ils aimeraient intégrer… »
Car Carole Drucker-Godard avait tenu à faire le déplacement exprès pour soutenir cette initiative qu’elle juge « particulièrement intéressante. » Et qui n’a cessé de répéter à ces jeunes filles présentes qu’elles avaient toute la légitimité à choisir leur voie.

Une table ronde avec la rectrice.
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Un manque de confiance plus avéré chez les filles
Le message du projet « FéminiMath » est clair : peu importe le projet d’études, il ne faut pas s’autocensurer. Un constat prégnant pourtant chez les jeunes filles qui manquent apparemment de confiance par rapport aux garçons ou qui ne se sentent pas, à un moment donné, forcément légitimes à entreprendre certaines formations.
Une notion que la rectrice a tenté d’expliquer, même si les ressorts sont « souvent induits de manière inconsciente, dans les familles, à l’école, par les professeurs… On est davantage exigeant avec les filles. »
« Pourtant elles réussissent autant que les garçons et même mieux : les résultats leur sont plus favorables. Donc il ne faut pas juste aimer les maths, mais il faut oser les maths. » Et de marteler : « Il n’y a aucune raison de ne pas avoir confiance. Bien au contraire, cette mixité est primordiale partout, dans tous les pans de la société. »

Les collégiennes ont même pu assister à un cours de mathématiques en conditions réelles.
Midi Libre
Après avoir assisté à divers ateliers dans les laboratoires de l’établissement et des échanges, espérons que les collégiennes auront vraiment assimilé, même dans leur inconscient, que l’ambition ne devrait jamais être une affaire de genre.

Alexandre Marino, l’inventeur de FéminiMath avec la rectrice Carole Drucker-Godard.
Midi Libre
« Les filles ont tendance à se sous-estimer »
C’est un homme qui a impulsé le projet « Féminimath ». Pour Alexandre Marino, professeur de maths en classe préparatoire, le manque d’élèves féminines dans les formations scientifiques est dû au manque de confiance principalement.
Il est ainsi devenu « l’inventeur » de cette journée. « Avec mon parcours professionnel mais aussi personnel – j’ai une fille de 13 ans – je remarque que les filles ont tendance à se sous-estimer. En tant que professeur, c’est une mission qui m’incombe de faire bouger les choses. »
Il a donc conçu Féminimath, créé un logo pour l’occasion et convaincu ses étudiantes de participer. « C’est beaucoup de travail, mais ça vaut le coup. »
Et pour faire comprendre aux collégiennes présentes que la place des femmes dans les domaines scientifiques reste certes encore à conquérir mais qu’elle est surtout à prendre, il a animé une conférence en s’appuyant sur deux exemples.
Celui de Sophie Germain, première femme à remporter un prix de l’Académie des sciences – c’était en 1816, mais qui n’aura pas eu droit sur sa tombe à l’inscription de son titre de « mathématicienne ».
Et celui de Maryam Mirzakhani, la première femme lauréate de la médaille Fields en… 2014.
Ne reste plus qu’à cette génération de s’emparer des sciences.