Les vidéos ne durent qu’une trentaine de secondes, mais elles sont révoltantes. Ces images, diffusées sur le réseau social Snapchat, montrent des pensionnaires des Ehpad Korian L’Astrée (Saint-Étienne) et Korian La Mounardière (Saint-Priest-en-Jarez) filmés dans des situations dégradantes.
Trente jours pour faire appel de sa radiation
On découvre notamment une petite dame décédée, gisant sur son lit de mort. Entre ses mains jointes, quelqu’un a glissé un paquet de cigarettes. Le film comporte une légende, terrible : « Elle part dans sa tombe avec des clopes ».
D’autres films, du même acabit, sont également sortis. Une pensionnaire partiellement dénudée qu’on fait danser de façon grotesque sur son fauteuil roulant. Un monsieur auquel l’auteure autorise un baiser sur la joue, assorti d’un commentaire désobligeant. « Tu voulais gratter mieux. Il veut, hein ? ».
L’auteure de ces enregistrements navrants, une infirmière salariée de l’Ehpad Korian L’Astrée, a été dénoncée par un lanceur d’alerte anonyme. Notre journal La Tribune-Le Progrès a révélé les faits en mai 2025. L’affaire a suivi son cours.
Outre une plainte déposée au pénal par une famille, l’intéressée a été convoquée le 11 juin devant la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des infirmiers Auvergne-Rhône-Alpes. La décision a été rendue ce vendredi 13 juin : une sanction disciplinaire de radiation du tableau de l’ordre est infligée à Lisa de Miranda.
La jeune femme, licenciée par Korian qui s’est insurgé contre ces faits de maltraitance au moment de leur révélation, a trente jours pour faire appel auprès de la chambre nationale à compter de la réception de la décision. Cet appel aura un caractère suspensif. À défaut d’appel, la radiation deviendra définitive et exécutoire à l’expiration du délai.
L’infirmière regrette et a engagé une psychothérapie
La décision rédigée par la chambre disciplinaire confirme les informations dévoilées le mois dernier par notre journal : le signalement anonyme parvenu le 6 décembre 2024 aux services de l’agence régionale de santé (ARS), la convocation de Lisa de Miranda le 17 février 2025, la suspension le 1er avril pour une durée de cinq mois par la directrice générale de l’ARS qui a saisi dans la foulée la chambre disciplinaire, la décision le 19 mai du conseil départemental de l’Ordre des infirmiers de s’associer à la plainte de l’ARS.
Entendue, l’auteure des vidéos « sollicite l’indulgence du conseil pour qu’une fois sa sanction purgée, elle puisse reprendre sa profession ». Elle « entend reconnaître l’intégralité des faits qui lui sont reprochés et réitère ses profonds regrets de les avoir commis dans un contexte où elle n’a pas mesuré leur gravité ».
Lisa de Miranda, qui se dit « consciente de la gravité » de ses actes, explique « avoir engagé une psychothérapie pour comprendre comment elle a pu agir ainsi ».
D’abord aide-soignante avant de devenir infirmière coordinatrice et responsable dans l’établissement Korian L’Astrée où elle exerçait, elle dit « conserver une passion pour ce métier et les soins à apporter aux personnes qu’elle a en charge ».
Les vidéos diffusées « par vengeance » selon l’infirmière
L’une des images, que nous n’avons pas visionnée, montrerait une collègue de Lisa de Miranda photographiée sans qu’elle en ait conscience et accompagnée d’un commentaire désobligeant « de nature à nuire à cette consœur dans l’exercice de sa profession et au niveau personnel ».
L’hypothèse d’une « vengeance » au sein de la maison de retraite est avancée. Lisa de Miranda soutient en effet « qu’elle n’est pas à l’origine de la diffusion de ces vidéos et photographies sur un réseau social ». Mais la chambre disciplinaire constate « qu’elle n’allègue ni n’apporte aucun élément de nature à démontrer que ces diffusions l’ont été à son insu. En tout état de cause, Mme de Miranda a reconnu avoir transmis ces vidéos à une tierce personne, laquelle les aurait diffusées par une volonté de lui nuire ».
La chambre a donc considéré que « les faits retenus à l’encontre de Mme de Miranda constituent de graves manquements aux règles de déontologie des infirmiers. Par ailleurs, si elle fournit plusieurs attestations de ses collègues relatives à ses compétences en tant qu’infirmière et formatrice et sa bienveillance à l’égard des patients, les pièces produites à l’instruction pour établir les manquements reprochés ne peuvent pas confirmer ces assertions quant à sa bienveillance et son professionnalisme.
Vers un recours contre cette décision ?
Enfin, les seuls regrets de l’intéressée quant aux nombreux faits reprochés ne peuvent en atténuer la gravité au regard notamment des patients vulnérables dont elle avait la charge, ni même sur l’image de la profession ». Ce qui « ne permet pas le maintien de Lisa de Miranda au sein de la profession ».
L’infirmière vidéaste devrait faire un recours contre cette décision de radiation définitive.
Nous mentionnons le nom d’un mis en cause lorsque l’infraction qui lui est reprochée est en lien direct avec l’exercice de sa profession. La non-divulgation de l’identité entraînerait un risque de confusion avec d’autres personnes. Notre charte éditoriale est consultable sur www.leprogres.fr