Une astuce pour se détendre les articulations et se faire une belle peau à peu de frais : les bains de posidonie, ces herbiers marins en danger qui protègent notamment la côte de l’érosion et qu’on trouve au bord des plages. « Les banquettes de posidonies ne sont pas sales, au contraire, assure Charles-François Boudouresque, professeur émérite à l’Institut méditerranéen d’océanographie (MIO) à Marseille. Se baigner dans cette bouille de feuilles, c’est de la thalassothérapie. Elles sont très riches en tanins et très bonnes pour la peau. En plus, les insectes piqueurs comme les puces ou les moustiques n’y viennent pas. Jusqu’au 19e siècle, on en faisait même des matelas. »
Peur de l’inconnu, impression que c’est sale, beaucoup d’entre nous abordent les plages en s’accommodant plus facilement d’un paquet de chips vide qui traîne que de la nature qui s’y développe. « Pourtant, souligne Marie Monin, directrice du parc marin de la Côte bleue, où les aires marines et les zones protégées multiplient la biodiversité par sept, redonnant le sourire aux pêcheurs alentour, une plage n’est pas qu’un morceau de sable ou un parking. C’est l’entrée dans un monde ou des espèces vivent et se reproduisent, vers, vives, végétaux, crustacés. Il y a quelques jours, par 1,5 mètre de fond à Carry, j’ai trouvé deux hippocampes jaunes avec ma fille. »
Des hippocampes jaunes au bord de la plage
Ces petits fonds côtiers, cette zone qui part du sable pour aller jusqu’à 50 m de profondeur, intégrant les lagunes ou les graus, font l’objet d’une attention toute particulière. « Car ils présentent différents écosystèmes, roches, vase, sables ou herbiers qui interagissent, précise Charles-François Boudouresque. Un poisson peut aller pondre dans un écosystème, les larves se développer dans un autre, les adultes vivre dans un troisième. »
Alors que les interventions s’accumulent à Nice, où la conférence des Nations Unies sur l’Océan tente d’étendre les aires marines protégées et de trouver des solutions face à la surpêche et les pollutions, les scientifiques et acteurs de terrain jouent le pragmatisme. Sur le catamaran Mayba affrété par France Nature Environnement dans la baie des anges, ce mercredi matin, Fatiha El-Messaoudi, experte à l’Agence de l’Eau Rhône – Méditerranée – Corse, montre la côte. « Il suffit de regarder ce trait particulièrement bétonné pour comprendre la multiplicité des pressions sur le littoral et ces petits fonds. Parfois, on ne peut plus restaurer ces nurseries qui nous nourrissent et protègent. Mais on peut préserver ce qui existe, avec des bouées, des mouillages, des limitations de rejets en mer via les réseaux pluviaux. On peut aussi replanter des herbiers. »
La pêche à la dynamite détruit tout en Albanie
Il faut toutefois compter une quinzaine pour que des posidonies réapparaissent, là où une station d’épuration est venue assainir les eaux côtières en filtrant les rejets. « On est sur la Méditerranée heureuse, reprend Charles-François Boudouresque. En France, le problème des pollutions est devenu mineur à côté de la surpêche et de l’aménagement littoral. Mais sur la rive sud, on revient cent ans en arrière. Les rares stations d’épuration ne fonctionnent pas. En Albanie, les fonds sont tapissés d’oursins qui adorent les pollutions et ils n’ont plus de prédateur à cause de la pêche à la dynamite qui a tout détruit. Il ne reste que la friture. »
Impossible de se décourager ou de battre en retraite, toutefois. Sur la Côte bleue, Marie Monin est fière d’avoir « emmené depuis 30 ans plus d’enfants en classes de mer qu’il n’y a d’habitants. Les gens ont envie de connaître et sensibilisent les autres. » Petit à petit, les petits fonds côtiers retrouvent des couleurs.