REPORTAGE – Située à Carquefou, elle a été retenue pour laver les nouveaux contenants réemployables disponibles dans quatre régions. Une étape importante pour cette entreprise qui a vu le jour en 2016 sous forme d’association.
Le cliquetis des verres résonne dans un immense hangar de 2500 mètres carrés. Après avoir arpenté un long tapis roulant, des bouteilles transparentes à l’air flambant neuf sortent les unes après les autres d’une lessiveuse géante. Bienvenue chez Bout’ à Bout’, la plus grande usine de lavage multicontenants en verre de France installée à Carquefou, dans l’agglomération nantaise.
En ce jeudi 12 juin, l’entreprise vit un jour particulier. Quelques heures plus tôt, le retour de la consigne du verre vient d’être officiellement lancé dans les supermarchés de quatre régions (Pays de la Loire, Bretagne, Normandie et Hauts-de-France). Désormais, les consommateurs ont accès dans de nombreux magasins de la grande distribution à des produits conditionnés dans des emballages en verre réemployables. Ces empaquetages seront nettoyés jusqu’à 50 fois avant d’être réutilisés.
Lancée par un collectif de citoyens engagés
Dans le cadre de cette expérimentation qui a vocation à s’étendre dans la France entière, Bout’ à Bout’ a été choisie par Citeo pour nettoyer les emballages des Pays de la Loire, de la Bretagne et de la Basse-Normandie. Une belle récompense pour cette structure née en 2016, dont l’ambition est de développer à grande échelle une filière de réemploi des contenants en verre. «À la base, c’était une association portée par un collectif de citoyens engagés dans une démarche de zéro déchet. C’était plutôt militant. L’idée était de recréer une boucle de réemploi qui avait été abandonnée il y a plusieurs années», raconte Charlotte Delpeux, responsable communication chez Bout’ à Bout’.
«J’ai rencontré Célie Couché, la fondatrice, il y a dix ans. Elle est arrivée avec cette idée de dingue de remettre la consigne sur la métropole», témoigne Mahel Coppey, vice-présidente de Nantes-Métropole en charge des déchets, de l’économie circulaire et de l’ESS, qui lui avait d’ailleurs remis le prix de l’innovation sociale en 2017. «À l’époque, tout le monde la regardait en disant : “c’est quoi ça ?”», se remémore l’élue, visiteuse régulière de l’usine ouverte en 2023 après une levée de fonds de 7,3 millions d’euros.
«On a commencé à amorcer la filière au niveau local. Maintenant on opère sur toute la façade ouest de la France», observe la porte-parole Charlotte Delpeux. Bout’ à Bout’, où travaille une trentaine de personnes, coopère avec un réseau de 350 points de collecte, pour récupérer des contenants – principalement des bouteilles – ayant hébergé un contenu alimentaire.
Jusqu’à maintenant, on avançait avec des producteurs locaux très engagés écologiquement
Charlotte Delpeux, responsable communication chez Bout’ à Bout’
Le nouveau marché qui s’ouvre avec le retour de la consigne vient conforter l’entreprise dans ses objectifs. «Jusqu’à maintenant, on avançait avec des producteurs locaux très engagés écologiquement», rapporte la communicante. Or, «si on veut démocratiser une pratique au quotidien, on ne peut pas faire qu’avec des personnes sensibilisées. Pour nous, c’était important d’aller toucher des produits dans la grande distribution de toutes les gammes de prix, et d’avoir un système interopérable et national.»
Malgré ces avancées, le déploiement reste lent. Tandis qu’il présente un algorithme capable de détecter les anomalies de lavage, aux côtés d’un robot impressionnant, le directeur du site partage quelques chiffres clés : «L’année dernière, on a lavé 3,6 millions de bouteilles. La capacité maximale est de 60 millions par an», relate Antoine Delaunay. «La ligne s’ennuie un peu, le robot n’est pas à sa capacité maximale.»
L’expérimentation de Citeo vise le déploiement de 55 millions de produits réemployables dans 750 magasins d’ici 2026. Cela devrait bénéficier à Bout’ à Bout’, qui partage le marché du nettoyage de la consigne avec l’usine lilloise de Haut La Consigne. Difficile toutefois de chiffrer la hausse de la cadence à venir. Tout dépendra de l’attitude des consommateurs.
Modèle économique fragile
«Le réemploi est un métier de centimes. Aujourd’hui, le modèle économique est basé sur le fait de revendre des bouteilles propres à des producteurs. Cela leur coûte quelques centimes. Et malgré tout, il y a plein de charges et de coûts de logistique. Pour que la filière soit rentable et viable, il faut beaucoup de volume», résume la responsable de la communication, Charlotte Delpeux.
De retour du salon Reuse Economy Expo, Célia Rennesson – dirigeante de Réseau Vrac et Réemploi – l’assure : «Le réemploi n’est plus une niche environnementale mais bien un levier de performance économique et de souveraineté industrielle». Outre l’aspect financier, les acteurs mettent en avant les bénéfices écologiques. Selon l’Ademe, l’impact carbone d’un contenant réutilisé devient inférieur à celui d’un emballage en verre à usage unique au bout de trois à quatre cycles de réemploi, avec une économie de 75% d’énergie et 33% d’eau.