Il a fait son retour au « rond-point des Shadoks », comme l’ont baptisé les riverains. « Il », c’est le panneau aux couleurs de l’Eurométropole (vert, il n’y a pas de hasard…) notifiant en date du 12 juin la déclaration préalable de travaux de « réaménagement de la rue Mélanie à Strasbourg-Robertsau ». Si d’aventure vous étiez tombés dans une faille spatiotemporelle, sachez que la rue dont tout le monde parle fait à nouveau, depuis ce mardi 10 juin, l’objet de travaux. Ce, jusqu’à la fin du mois. Non, ce n’est pas une mauvaise blague.
Exit les places de stationnement et la verdure
Objectif : défaire (partiellement) ce qui vient d’être fait, en restaurant un double sens de circulation, sans pour autant sacrifier la piste cyclable bidirectionnelle de 300 mètres qui relie l’ex rond-point Lamproie à la voie verte menant à la forêt de Pourtalès , constituant ainsi le chaînon manquant de l’EuroVélo 15.
Exit, en revanche, les « niches de repli » dédiées aux automobilistes. Et par voie de conséquence, la vingtaine de places de stationnement qu’elles permettaient de préserver pour les riverains. Exit, aussi, la quinzaine d’arbres plantés. Ils ont été délogés dès cette semaine et pourraient bientôt trouver refuge du côté de la Cité de l’Ill… en espérant qu’ils survivent. Les travaux de voirie débuteront lundi 16 juin.
À moins d’un an des prochaines échéances municipales et après une phase de concertation démarrée en 2021 , mais qui n’aura jamais réussi à infléchir le projet ni à rapprocher les intérêts contradictoires, forcément, le sujet crispe, polarise, exaspère… et tombe pour certains à point nommé, offrant une occasion rêvée de souffler sur le feu de la polémique et de taper sur la municipalité en place. Les convictions – le « dogmatisme », diront les opposants – des uns se heurtent aux intérêts des autres. Mais aussi à la réalité des usages, dans un quartier où le nombre de voitures dépasse deux par foyer, et où le citadin en mal de verdure vient volontiers s’oxygéner (parfois en voiture).
Un papier posé par la municipalité déjà « taguée » par des habitants. Photo Valérie Walch
Un rétropédalage forcé
Face au chaos circulatoire et aux montées au créneau des riverains , des hôteliers de Pourtalès et autres associations criant à la gabegie, sans compter le buzz national de ce que beaucoup considèrent comme « la chronique d’un ratage annoncé », la Ville n’avait plus d’autre choix que de rétropédaler. Un comble s’agissant d’une piste cyclable.
Même l’élu référent du quartier, Marc Hoffsess, a dû se résoudre à l’idée que l’habituation ne se ferait pas et qu’il faudrait revoir la copie, et repartir ainsi pour un nouveau round de travaux à plusieurs dizaines – centaines ? – de milliers d’euros (le projet a déjà coûté quelque 880 000 €).
Il espère que « les travaux correctifs permettront de répondre aux situations dangereuses vécues ces dernières semaines, en garantissant le confort et la sécurité de tous les usagers de cette voie et en rétablissant le double flux de circulation ».
Le retour du double sens classique
Reconnaissant que « la circulation automobile alternée a clairement montré ses limites » et que la collectivité s’est résolue à « revenir sur ce choix » en optant pour un double sens classique, il précise aussi que « le stationnement des riverains ne pourra plus se faire sur voirie, mais devra s’organiser sur les emprises privées ». Parce qu’à choisir, mieux vaut, comme nous l’a glissé en « off » une source bien informée, « mécontenter 50 personnes, plutôt que 2 000 ! »
Pour le reste, il aura fallu attendre ce jeudi 12 juin pour obtenir une réponse officielle à une demande d’interview avec un élu – Pierre Ozenne, tant qu’à faire, puisqu’il est l’adjoint en charge des espaces publics partagés – formulée vendredi 6 juin.
Las ! Pas d’interview ni de rendez-vous sur le terrain en vue ; à la place, un (long) mail explicatif dont 90 % de sa teneur se résumant à retracer l’historique du dossier et à rappeler les préconisations du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) en matière de largeur de pistes cyclables.
Le montant des travaux ? Mystère.
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Une offre de stationnements « utiles » reconstituée dans un second temps ?
« Dans un second temps, une offre de stationnements utiles aux visiteurs (aides à domicile, artisans…) et de dépose minute pourrait être reconstituée. […] Le service compétent va engager une étude dans ce sens », conclut la voix officielle, assurant qu’ « il s’agit bien de répondre à l’ensemble des besoins et de considérer de manière équilibrée l’ensemble des usages ».
Pas sûr que cela suffise à calmer la fronde. Rue Mélanie, ce jeudi 12 juin, la lettre explicative de Marc Hoffsess aux habitants du quartier était clouée au pilori d’un poteau de signalisation, barrée d’un « Tout ça pour ça, quatre ans après !!! », suivi d’un « déjà 850 000 euros… Et combien encore ! » Le long de la voie, côté piste cyclable, comme une invite à observer la situation ubuesque aux premières loges, deux « chaises de protestation » dénonçant « l’échec » et la « réponse punitive » de la municipalité ont aussi été installées.
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Les arbres plantés ont déjà disparu. À l’issue des travaux « complémentaires » programmés rue Mélanie, les places de stationnement auront elles aussi disparu… Mais le double sens de circulation sera restauré. Photo Valerie Walch
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Une chaise installée en guise de protestation. Photo Valerie Walch
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Les arbres plantés ont déjà disparu. À l’issue des travaux « complémentaires » programmés rue Mélanie, les places de stationnement auront elles aussi disparu… Mais le double sens de circulation sera restauré. Photo Valerie Walch
Une vidéo de Jean-Philippe Vetter documentant la suppression des arbres – « un comble pour une municipalité qui se dit écologiste ! », fustige l’opposant LR – constitue une réplique supplémentaire du nouvel épisode de cette mauvaise série à rebondissements.
Mercredi 18 juin de 17 h à 21 h, un « Forum citoyen Robertsau Wacken-Cité de l’Ill » se tiendra place du Corps-de-Garde, à Strasbourg, en présence des élus du quartier et de services. L’occasion d’évoquer les projets en cours (la rue Mélanie, mais pas que).