Le procès du voyeur de la piscine Georges-Hermant s’est tenu ce vendredi 123 juin à Paris (photo d’illustration au Royaume-Uni en 2017)

JUSTIN TALLIS / AFP

Le procès du voyeur de la piscine Georges-Hermant s’est tenu ce vendredi 123 juin à Paris (photo d’illustration au Royaume-Uni en 2017)

FAITS-DIVERS – À aucun moment il n’a cherché à nier les faits. Bras croisés dans le dos, Emmanuel L. était jugé à Paris, ce vendredi 13 juin, pour « voyeurisme aggravé » après une plainte déposée par Laurène Daycard.

Le 1er avril dernier, la journaliste se rhabillait dans les vestiaires de la piscine Georges-Hermant, dans le XIXe arrondissement de la capitale, lorsqu’elle remarque que quelque chose cloche. « J’aperçois un sac à dos qui dépasse sous la cloison. Il y a un petit trou dans le tissu, la taille d’une brûlure de cigarette. Sauf que la lentille d’un smartphone est positionnée au niveau de ce trou. Je hurle de colère – “Mais, c’est pas vrai, on est en train de me filmer !” », raconte-t-elle dès le lendemain dans une publication Instagram. Le suspect est placé en garde à vue puis libéré sous contrôle judiciaire.

Ce vendredi, lorsque la présidente de la 23e chambre correctionnelle rappelle les faits, le corps gringalet d’Emmanuel L. se balance discrètement de droite à gauche. Puis, sans hésiter, l’homme reconnaît sa culpabilité d’un « oui » franc.

Dans l’enceinte du tribunal, le profil de ce prévenu interroge. Célibataire et sans « expérience affective », le prévenu de 38 ans vit seul dans un appartement de l’hypercentre de la capitale dont sa mère est propriétaire. Il n’a ni amis, ni contacts réguliers avec les membres de sa famille. Malgré un DUT en informatique, il n’a jamais intégré le monde travail, à l’exception de quelques stages.

« Je cherchais des femmes belles »

« Sa vie n’est pas normale », reconnaît son avocat, qui souligne que l’expertise psychiatrique fait état d’un « handicap relationnel et professionnel ».

Emmanuel L. raconte avoir commencé son activité de voyeur au mois de septembre 2024, inspiré par des « vidéos sur Internet de gens qui filmaient à travers des trous ». « Ça me paraissait facile », dit-il. Au fil des mois, ses visites à la piscine deviennent plus fréquentes, jusqu’à deux fois par semaine. « Toujours regarder les mêmes vidéos, c’est lassant. L’idée était d’en avoir plusieurs. Je cherchais des femmes plus intéressantes, plus belles, plus à mon goût », développe-t-il.

La perquisition de son matériel informatique a permis de retrouver plus de 1 500 vidéos et photos à caractère pornographiques et pédopornographiques. « Selon ses termes, il a filmé des femmes et des jeunes filles, mais pas en dessous de 12 ans », explique Me Lucie Lecarpentier, l’avocate de Laurène Daycard. « Certains de ces fichiers étaient filmés par lui, d’autres achetés sur le darknet », ajoute l’avocate.

À ce titre, le parquet de Paris a ouvert une enquête incidente pour détention d’images pédopornographiques.

« J’ai peur que ça recommence »

Vue des milliers de fois, la publication de Laurène Daycard a également donné lieu à un flot de témoignages. « Hier encore, j’ai reçu un message d’une femme qui a été victime d’un voyeur à la piscine Georges-Hermant, de la part de quelqu’un qui avait un mode opératoire similaire », a témoigné Laurène Daycard au HuffPost en marge du procès.

Plus de deux mois après les faits, la journaliste est encore marquée par cette violation de son intimité. « J’ai peur que ça recommence lorsque je suis dans des lieux fermés comme des cabines », confie-t-elle à la barre. « J’ai un travail stressant et difficile, nager était mon loisir et ma façon de gérer mon stress, il l’a gâché », poursuit-elle, expliquant se rendre désormais uniquement dans des piscines non mixtes.

« Il a une formation informatique, j’ai très peur de ce qu’il a pu faire de ma vidéo. Est-ce qu’il l’a diffusé sur Internet ? Sur des réseaux de voyeurs ? », s’inquiète en outre Laurène Daycard.

De son côté, Emmanuel L. assure avoir immédiatement supprimé la vidéo de la victime, sans même savoir ce qu’elle contenait.

Plusieurs mesures annoncées par la ville de Paris

À la barre, les yeux rivés vers le sol, la voix tremblante, Emmanuel L. finit par présenter ses excuses à Laurène Daycard. « Je regrette. Tout ça, c’est fini. Les piscines, c’est fini », promet-il. « Avec le recul, je me dis que c’était absurde », ajoute l’accusé.

Après le témoignage de Laurène Daycard, la mairie de Paris a annoncé une série de mesures pour lutter contre le voyeurisme dans les piscines publiques, notamment une inspection des 40 piscines gérée par la municipalité pour « constater et régler les éventuels problèmes de trous dans les parois des vestiaires », ou encore « une présence plus régulière des agents dans les zones de vestiaires et la détection des comportements suspects ».

Emmanuel L. a été condamné ce vendredi à dix mois de prison avec un sursis et à 140 heures de travaux d’intérêt général, accompagnés d’une obligation de travail, de soin et d’indemniser la victime. Il a également interdiction d’apparaître dans les piscines et les salles de sport à Paris et d’entrer en contact avec la victime.