Le juge lui a donné rendez-vous dans plus de deux ans : «On se revoit le 28 octobre 2027, à 9 heures.» «Du matin ?» a même jugé bon de clarifier la traductrice depuis l’écran où trône sa silhouette sur un fond fluo. «Oui, du matin», appuie le magistrat en roulant des yeux avec lassitude, avant d’avancer cette taquinerie : «D’ici-là, vous aurez quand même le temps de monter votre dossier.» Demandeur d’asile, Santiago (1) opine dans un demi-sourire emprunté, avec cette voix trop forte, trop pleine d’assurance contrefaite − avec laquelle il a gauchement répondu à côté de bien des questions de la cour − pour ne pas trahir l’exact inverse : l’épaisse panique qui baigne ses yeux charbonneux. Et pourtant, il a entendu le juge souligner que sa demande d’asile politique paraît substantielle, selon les critères fixés par la loi américaine, et qu’il n’aura qu’à en fournir les éléments de preuve d’ici la prochaine fois.
Ce vingtenaire équatorien lève donc son mètre cinquante et quelques pour empocher sa convocation à cette lointaine échéance de la procédure de régularisation aux Etats-Unis – un pays où il est arrivé à pied, fin 2023, via le désert du sud de l’Arizona, et où il bénéficie depuis lors d’une liberté conditionnelle en attendant d’être reconnu ou rejeté par un système d’asile totalement saturé. Et puis, il quitte la salle d’audience comme à contrecœur, à pas lents et fébriles, les mains enfoncées dans sa veste de jean clouté. Dans le vestibule attenant, il