L’invasion de l’Ukraine au plus près de celles et ceux qui la subissent, dans un moyen métrage documentaire incroyable.
On connaissait Peretjatko pour ses longs métrages de fiction à la fois farfelus, référencés et politiques : La Fille du 14 juillet (2013), La Loi de la jungle (2016), La Pièce rapportée (2020)… Mais ce court-métragiste réputé et prolifique (une dizaine à ce jour) de 51 ans est aussi un documentariste de talent. La preuve avec ce moyen métrage incroyable.
Voyage au bord de la guerre prend d’abord pour alibi de retrouver le petit village ukrainien que le grand-père du cinéaste a fui très jeune, avant la Seconde Guerre mondiale, pour aller fonder une famille en France. Le documentaire prend les atours d’un film familial jusqu’à son 16 mm, format à l’origine semi-professionnel, utilisé ici avec une vieille caméra à ressort.
La guerre au ras du sol
Souvent muet, post-synchronisé ou commenté en voix off par le réalisateur (avec un petit côté godardien qui ne sent pas l’hommage idiot, avec un humour assumé), le voyage en Ukraine de Peretjatko sur la terre de ses ancêtres, initié quelques semaines avant le début de l’invasion russe puis réitéré l’année suivante en pleine guerre, nous permet de découvrir ce qu’est cette (une ?) guerre, mais au ras du sol, au quotidien, vue par des gens de tous les jours qu’il interviewe au hasard des rencontres et qui tentent de se débrouiller (il n’y a plus d’essence, les alcools forts sont interdits ? On en trouve “miraculeusement”).
On y découvre des personnes qui ont évidemment peur (ou pas) de mourir, surtout quand on leur annonce qu’il faut quitter leur planque illico presto parce qu’elle va être bombardée et qu’elles s’enfuient sous les tirs des Russes, à découvert. Vous préférez mourir tout de suite ou demain ? Un jeune homme explique que seul l’humour le plus noir permet de survivre, et les soldats russes en prennent plein la poire. Sans pathos, sans concession, sans illusion, sans prétention, Peretjatko réussit en une heure à nous montrer une guerre vue de l’intérieur, comme aucun reportage télévisé n’y est jamais parvenu. Admirable.
Voyage au bord de la guerre d’Antonin Peretjatko (Fra., 2024, 1 h 02). En salle le 18 juin.