Par

Thibault Nadal

Publié le

14 juin 2025 à 11h26

C’est un petit bout d’Histoire qui passe entre leurs mains. Après 15 jours à être le centre du monde et à avoir les caméras braquées sur lui, le tapis rouge du Festival de Cannes (Alpes-Maritimes) se repose à Marseille, dans le 14e arrondissement plus précisément. Dans les entrepôts de la Réserve des Arts Méditerranée, il est bichonné et reconstruit afin de lui offrir une seconde vie.

Le fruit d’un partenariat noué en 2021 entre l’association et la grande messe du 7e art. «Il nous considère comme un prestataire de gestion des déchets», reconnaît auprès d’actu Marseille Jeanne Ré, coordonnatrice communauté et événement au sein de cette association.

Des kilos de tapis reçus chaque année

Après avoir été abîmée et foulé par les célébrités du monde entier, la moquette – qui est changée une fois par jour lors du Festival pour sa partie centrale – parcourt les 175 km qui séparent Cannes de Marseille. Mais contrairement aux mondanités de la Croisette, le transport est, lui, un peu moins glamour. « Les morceaux arrivent sur des palettes qui nous sont amenées par des camions », confie avec le sourire Jeanne Ré.

C'est ce tapis rouge que les stars montent lors du Festival de Cannes.
C’est ce tapis rouge que les stars montent lors du Festival de Cannes. (©Fabien Binacchi / actu Marseille)

Dans les 800 m2 d’entrepôt situé dans les quartiers nord de Marseille, démarre ensuite un véritable travail d’orfèvrerie. Pour s’occuper des kilos de tapis reçus, la Réserve des Arts Méditerranée fait appel à des « valoristes », chargés de sa « réhabilitation ». Des personnes qui viennent spécifiquement travailler lors de périodes déterminées.

Quand il (le tapis) arrive, on commence notre travail en le nettoyant, car il a des trous, des traces de pieds ou de cigarettes par exemple. Ensuite, on passe l’aspirateur. Enfin, on découpe des bouts afin qu’il soit parfaitement uniforme pour ensuite être réutilisé.

Jeanne Ré
Coordonnatrice communauté et événement chez la Réserve des Arts Méditerranée

Un travail qui se fait sur « un temps long », car plusieurs semaines sont nécessaires pour traiter les dizaines de kilos reçus. « Notre but est de valoriser chaque bout de tissus », détaille Jeanne Ré, qui ajoute que l’association récupère en plus l’affiche et plusieurs autres éléments scénographiques du Festival.

Le tapis revendu à « des prix précaires »

Une fois remis en état, le tapis est proposé à la vente. À un prix défiant toute concurrence : 1 euro le kilo, soit 33 centimes du m2. « C’est de la seconde main destinée à des artistes et des étudiants, donc on propose des prix précaires », argumente Jeanne Ré.

Mais attention, les morceaux de tapis ne sont pas accessibles à tout le monde. « On n’en fait pas un argument de vente marketing », développe Jeanne Ré qui explique craindre que des gens ne se déplacent que pour ça. Pour éviter des mésaventures, il est vendu sous un nom un peu différent : « moquette feutrée simple fine rouge », peut-on lire dans le coin boutique.

De toute manière, un premier filtre assez important est obligatoire pour pénétrer dans les entrepôts : il faut être adhérent de l’association. Aujourd’hui, l’antenne du sud de la France en compte 1 200. Mais en faire partie demande nécessite « d’avoir un pied dans le milieu artistique ».

C’est quoi la Réserve des Arts ?

La Réserve des Arts est une association née en 2008 à Paris. Elle compte aujourd’hui une boutique et deux entrepôts dans la région. « Les fondatrices ont constaté que les entreprises du secteur culturel produisaient beaucoup de déchets », retrace Jeanne Ré.

En 2020, une antenne s’ouvre dans le sud de la France, à Marseille donc. Dès 2021, l’association travaille avec le Festival de Cannes, son « client emblématique ». Cinq personnes y sont salariées. « Notre modèle repose sur la collecte : on sauve des matériaux et on les reconditionne », poursuit Jeanne Ré.

Seuls les habitants du Canet (14e) ont parfois des dérogations, car la Réserve des Arts espère y développer une vie de quartier. « On a envie que les gens viennent, qu’ils se saisissent de cet espace, poursuit Jeanne Ré. On est dans une démarche d’ouverture afin de créer des liens forts. On veut se rendre indispensable. »

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