INTERVIEW – L’humoriste joue dans la comédie Avignon au cinéma et poursuit la tournée de son spectacle, «La Promesse d’un soir».
Humoriste, actrice, ex-chroniqueuse à la radio et à la télévision, Alison Wheeler se métamorphose en comédienne de théâtre dans Avignon, le premier long-métrage de Johann Dionnet. Elle y incarne Coralie, star de la pièce de boulevard Ma sœur s’incruste, au côté de son ami Stéphane (Baptiste Lecaplain), qui prétend, lui, jouer dans Le Cid pour séduire Fanny (Elisa Erka), une artiste de renom. Auréolé du grand prix au Festival de l’Alpe-d’Huez, ce film offre à l’actrice une nouvelle partition et la ramène à ses débuts, lorsqu’elle se produisait sur scène dans des comédies. En parallèle, elle poursuit la tournée de son one-woman- show La Promesse d’un soir, qu’elle achèvera à Paris, au Grand Rex, en janvier prochain.
Madame Figaro . – Qu’est-ce qui vous a séduite dans le film Avignon ?
Alison Wheeler. – Tout. J’y incarne une femme en couple, qui tient tête à son homme plus âgé, qui est dotée d’un fort tempérament mais qui est aussi une vraie amie pour le héros. J’ai aimé que ce film convoque quelque chose du Splendid et qu’il soit une déclaration d’amour aux comédiens du théâtre de boulevard, et de théâtre en général. Il s’adresse à tous ceux qui ne se sentent pas à la hauteur pour intégrer un milieu dit élitiste. Ce complexe a résonné en moi : je peux avoir le sentiment de ne jamais être invitée à la bonne boum.
Pourtant, avec vos chroniques sur Canal+, France Inter, Quotidien , vous avez rejoint une certaine élite…
Je ne m’en rendais pas compte parce que ça m’impressionnait moi-même d’y travailler. En réalité, on fantasme les gens snobs : on les perçoit comme une masse informe alors que tout le monde, eux y compris, connaît des hauts, où la confiance est au sommet, et des bas, où l’estime de soi est nulle. L’humeur est fluctuante, chacun tente de vivre avec ça. Ce qui m’importe, c’est d’essayer de trouver de l’intérêt dans tout : j’aime bien m’encanailler en regardant la trash TV, et m’élever en écoutant des podcasts de personnalités intelligentes.
Êtes-vous déjà allée au Festival Off d’Avignon en tant que comédienne ?
Non, jamais. Quand je jouais dans des pièces de boulevard à mes débuts, on me disait : «Si tu n’as pas fait Avignon, tu n’es pas une vraie.» J’avais l’impression que c’était le Vietnam des acteurs, un endroit où l’on se bat et dont on ne revient pas indemne.
Que reste-t-il de vos débuts au théâtre ?
L’école me plaisait, mais je voulais travailler, faire rire vite, et la scène restait le chemin le plus court pour y parvenir. Le boulevard m’a apporté du bon, mais les rôles que j’interprétais, souvent caricaturaux, ne me renvoyaient pas une image très favorable de moi. J’adorais en revanche le collectif, je me sentais protégée, surtout quand on jouait face à sept personnes les soirs de grève… La troupe apporte une rythmique que j’adore : c’est une chorégraphie à plusieurs.
Ce qui m’importe, c’est d’essayer de trouver de l’intérêt dans tout
Alison Wheeler
Le cinéma était-il l’objectif de départ ?
Oui, et lorsque l’on y goûte, on ne peut plus s’en passer. C’est merveilleux, le cinéma : on apprend un texte, puis on nous envoie une voiture, on nous habille, on nous crème le visage, on nous applique de l’eye-liner parfaitement, on savoure des repas délicieux tous les jours… On est tellement assisté que le retour à la réalité a quelque chose d’un peu brutal, mais j’aime cette variation de rythmes.
Quelles sont vos envies de comédienne ?
J’ai décroché un petit rôle dans Miss Mermaid, de Pauline Brunner et Marion Verlé, qui suit le portrait d’une femme de ménage, interprétée par Aloïse Sauvage, qui se lance dans le mermaiding (une pratique consistant à nager comme une sirène). Plus globalement, j’aimerais continuer à m’amuser, à jouer avec des actrices que j’admire, comme Joséphine de Meaux ou Laure Calamy, que je trouve irrésistibles, drôles, et qui ressemblent aux femmes de mon entourage.
Avignon révèle un snobisme vis-à-vis du boulevard. La comédie est-elle un genre méprisé au cinéma ?
Je ne crois pas que le cinéma appartienne aux films d’auteur ou aux comédies. Tous les genres cohabitent. Mais on cherche souvent une validation, on veut plaire à l’autre. Je suis persuadée qu’il y a des acteurs de drames qui rêvent de comédies, et inversement.
J’aime bien m’encanailler en regardant la trash TV, et m’élever en écoutant des podcasts de personnalités intelligentes
Alison Wheeler
Quels petits boulots avez-vous exercés à vos débuts ?
Beaucoup de missions d’hôtesse : indiquer les toilettes, tendre des micros habillée comme une bibliothécaire de film X dans les années 1980. Quand j’y repense, c’était vraiment le début de la fin d’un règne… Et, ayant mon Bafa, j’ai assuré l’animation dans des centres de vacances pendant plusieurs étés. Je m’occupais du club enfant jusqu’à 16 heures, j’enchaînais avec les jeux apéro en famille et le spectacle du soir. On était en représentation toute la journée, les vacanciers pensaient qu’on leur appartenait. À la fin de la saison, je rentrais sur les rotules et en larmes, parce que je m’étais attachée à des enfants que je ne reverrais jamais.
Vous êtes en tournée avec votre spectacle La promesse d’un soir . Que vous apporte la scène ?
De l’espace. Je ne savais pas que la scène était aussi bienveillante. L’exercice est, certes, difficile, mais finalement moins que la télévision ou la radio, qui ne laissent pas tellement le droit à l’erreur. Sur scène, on peut prendre le temps d’aller chercher ce qu’on veut raconter : le public aime bien m’observer travailler, réfléchir, essayer de nouvelles choses. Il adore être dans la confidence de la fabrication d’un spectacle.
Que représente le Grand Rex, où vous achèverez votre tournée en janvier prochain ?
La féerie des eaux ! Ça me plaît de jouer dans cette salle, parce que j’ai l’impression qu’elle me correspond. C’est assez génial de finir en beauté là-bas. Et puis, je pense déjà à un deuxième spectacle. Maintenant que je sais ce que c’est, j’ai envie de recommencer.
Avignon, de et avec Johann Dionnet, Baptiste Lecaplain, Elisa Erka… «La Promesse d’un soir», du 6 au 9 janvier 2026, au Grand Rex, à Paris.