LETTRE EXCLUSIVE ABONNÉS – La revue de presse européenne, par Édouard de Mareschal.

Chers abonnés,

L’actualité offre parfois des résonances intéressantes. L’attaque fulgurante menée par Israël contre l’Iran dans la nuit de jeudi à vendredi rappelle celle menée par l’Ukraine dix jours plus tôt, dans la profondeur du territoire russe. Certes, l’État hébreu reste le maître incontesté en la matière ; on l’a vu en septembre 2024 avec l’incroyable opération par laquelle il a fait exploser simultanément plusieurs milliers de bipeurs et talkies-walkies utilisés par le Hezbollah libanais. Mais l’opération «Toile d’araignée» menée par l’Ukraine est une vraie réussite de son service de sécurité, le SBU. D’autant qu’elle s’est accompagnée d’autres opérations notables : l’explosion le 3 juin d’une charge contre un pilier du pont de Crimée, suivie deux jours plus tard d’une frappe réussie contre des lanceurs de missiles balistiques Iskander-M dans l’oblast de Briansk (situé en Russie, à la limite de la Biélorussie).

Derrière ces succès du SBU, salués par le Mossad lui-même, il y a un visage inconnu à l’étranger jusqu’alors : celui de Vassyl Maliouk. Âgé de 42 ans, le chef des services de sécurités ukrainiens n’en est pourtant pas à ses premiers faits d’armes. La Gazeta Wyborcza qui consacre un long portrait au «cerveau derrière le Mossad ukrainien», rappelle qu’il a été élevé le 8 mai dernier au rang de «Héros de l’Ukraine», le plus haut titre honorifique qui puisse être décerné par Kiev. Comme beaucoup de ses compatriotes, il a fait ses classes dans le Donbass dès 2014. Maliouk avait intégré les services à ses 18 ans, tout en entamant des études de droit à l’Académie du Service de sécurité d’Ukraine. En 2020, il devient chef adjoint du SBU et prend la tête du principal département, consacré à la lutte contre la corruption et le crime organisé. Quand la Russie lance son invasion, le 24 février 2022, il est vice-ministre de l’Intérieur. Il participe alors à la défense de Kiev, avant de retourner au SBU dès mars où il reprend ses fonctions. Puis à l’été 2022, il prend la tête du SBU après qu’Ivan Bakanov est démis de ses fonctions par Volodymyr Zelensky.

Image transmise par les services ukriniens de l’explosion déclenchée le 3 juin sous le pont de Kertch qui relie la Russie à la Crimée.
EyePress News / EYEPRESS via Reuters Connect

Vassyl Maliouk a entrepris une chasse aux agents russes au sein du SBU, mais aussi d’autres institutions étatiques. Il s’est aussi attaqué aux liens entre l’Église orthodoxe rattachée au patriarcat de Moscou et le Kremlin, ce qui lui a valu des accusations de persécution religieuse. Mais il a également multiplié les opérations extérieures, comme la spectaculaire attaque au camion piégé menée le 8 octobre 2022 sur le pont de Crimée. Attaque qu’il revendique neuf mois plus tard, au détour d’une cérémonie de présentation de timbres émis en l’honneur du SBU. Les services ukrainiens mènent en octobre 2023 la première attaque de drones maritimes de l’histoire, contre la base de Sébastopol, endommageant plusieurs navires russes. Les drones, développés par le SBU, portaient le doux nom de «Sea baby», une référence à peine voilée à Vassyl Maliouk, dont le nom signifie «bambin» en ukrainien.

Ses services mènent aussi des opérations homo, non revendiquées. Elles ciblent «les traîtres et les criminels de guerre russes, tant dans les territoires occupés qu’en Russie même», précise La Gazeta. C’est ce qui lui vaut son surnom de «Mossad ukrainien», dont la réputation n’est plus à défendre depuis le début de la guerre contre la Russie.

Cap sur «l’économie féministe»

Emma Holten.
Claudia Vega.

«Les hommes sont généralement plus riches que les femmes, mais leur vie est souvent plus pauvre et ils sont plus malheureux» : Emma Holten, auteure et militante féministe, apporte un point de vue original sur les différences de salaires et les inégalités économiques désormais bien connues entre les hommes et les femmes. Pour elle, le modèle économique dominant ignore la valeur du travail domestique, de l’éducation des enfants et des soins apportés aux aînés. Mais plutôt que de chercher à monétiser ces pans entiers de notre vie qui échappent encore à des indicateurs purement financiers, elle plaide pour «économie féministe».

Dans son livre, Deficit. How Feminist Economics Can Change Our World, Emma Holten ne se limite pas à dire que les femmes sont victimes d’une oppression systémique ou qu’elles devraient mener la même vie que les hommes. «Au contraire, d’une certaine manière, ce sont les hommes qui souffrent le plus dans ce système : ce sont eux qui travaillent trop, passent peu de temps en famille, et tombent plus souvent malades», dit-elle dans une interview à La Repubblica. Dans son livre, la journaliste dano-suédoise plaide pour une meilleure reconnaissance de toutes ces réalités non quantifiables en pensant les politiques publiques autrement qu’en termes purement économiques.

La phrase de la semaine

Mark Knopfler en concert, en 2015 à Séville.
CRISTINA QUICLER / AFP

Je n’avais jamais vraiment réalisé l’importance de cet album pour beaucoup de gens. […] L’album est devenu la bande-son de la vie de nombreuses personnes. Les gens m’abordent de temps en temps, me racontent ce qu’ils vivaient ou traversaient à sa sortie, ou comment les chansons les ont accompagnés à différents moments de leur vie : la naissance d’un enfant, un mariage, une histoire d’amour, un deuil, une rupture, la solitude… mais aussi dans instants de bonheur ou d’accomplissement. Pour eux, ces morceaux sont devenus des repères dans le temps.

Mark Knopfler, auteur-compositeur et guitariste de Dire Straits

En cinquante ans de carrière, Mark Knopfler a créé un son unique à la guitare avec un jeu en «fingerpiking» qui le rend reconnaissance entre mille. Pilier de Dire Straits, il se plie à une nouvelle campagne de promotion pour la réédition de Brothers In Arms, album mythique du groupe britannique sorti en 1985 et qui s’est écoulé à plus de 30 millions d’exemplaires, ce qui en fait l’un des plus grands succès de tous les temps. Il a été longuement interviewé par Die Welt.

À lire aussi

Sur TikTok, on retrouve plus de 62.000 vidéos sous le hashtag « tretinoin », totalisant plus de 3 milliards de vues. Ce médicament contre l’acné, souvent acheté sous le manteau, est pourtant loin d’être anodin. Pris avant ou au début d’une grossesse, il peut provoquer fausses couches et graves malformations chez le fœtus, rappelle le quotidien suisse Tages-Anzeiger qui se base sur de nouvelles données de la compagnie d’assurance santé Helsana.

«Des grands magasins du XIXe siècle à l’ultra-fast fashion de Shein et Temu, qu’est-il arrivé à la mode ?» : Avant de devenir journaliste et d’animer la matinale de France Culture, Guillaume Erner a travaillé dans une boutique de vêtements du Sentier et écrit sur la sociologie de la mode. Après l’adoption par le Sénat de la loi anti-fast fashion, il analyse les grands bouleversements du marché de la « fringue ».

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