Dans le parc de la Corbie, à Dammartin-en-Goële (Seine-et-Marne), c’est ambiance révisions à ciel ouvert, sous 30 °C. Assis sur une table en bois, une dizaine de lycéens de terminale révisent leur année de philosophie… via leur smartphone. À trois jours de l’épreuve du baccalauréat, ils n’ont pas le choix : leur prof n’a presque jamais été là de l’année.

« J’ai appris la notion de justice grâce à une vidéo de @mathildestudy », explique Sofia, portable à la main, en balayant l’écran de son TikTok. Comme elle, plusieurs élèves se forment en ligne avec des créateurs spécialisés : @serial.thinker, @selenedepoche… « C’est structuré, ça nous aide. Parce que sinon, on serait largués », ajoute Sienna, élève en terminale générale.

Une année blanche en philosophie

Leur situation est loin d’être isolée : cinq classes sont concernées dans leur lycée — trois générales et deux technologiques. Leur professeur de philosophie, absent à la rentrée de septembre, est arrivé courant octobre… avant de disparaître à nouveau début 2025. « Il est revenu quelques fois entre-temps, mais jamais de façon stable », précise Aya.

Résultat, sur les 17 notions au programme, les élèves affirment n’en avoir vu qu’une poignée. « Cinq, maximum », estime Paolo et Ilhan. Pour le reste, c’est système D. « On nous a dit de nous débrouiller, donc on regarde des vidéos, on essaie de comprendre à partir de sujets des années passées… »

Des démarches sans effet

Face à l’ampleur du problème, le proviseur, M. Faure, a envoyé fin mai un mail aux élèves concernés, assurant avoir « saisi plusieurs fois le rectorat » et transmis leurs noms à la Maison des examens en vue d’un éventuel aménagement de l’épreuve.

Mais contactée par Le Parisien, la Maison des examens affirme n’avoir reçu aucune consigne spéciale : « Aucun aménagement d’épreuve ni de consignes de correction n’ont été donnés. En revanche, le jury de délibération sera informé de chacune de ces situations lors des délibérations. »

Une génération qui s’accroche… en ligne

Malgré le stress, certains veulent garder espoir. « On se doute bien que ce n’est pas de la faute du lycée mais ce n’est pas normal de ne pas avoir eu de remplaçant pendant si longtemps », glisse Dana. « Personnellement, je suis en colère. Si je rate cette matière, il se peut que je ne puisse pas décrocher la mention que je me suis fixée. Et c’est frustrant car ce n’est pas de mon ressort » ajoute Aya, dépitée.

Au total, ils sont plus d’une centaine à se retrouver dans cette situation pénible. Mais loin d’être un cas isolé à échelle nationale. Selon une étude du Snes-FSU réalisée en 2024, il manque au moins un professeur dans 56 % des collèges et des lycées français.

Soraya, parent d’élève, soupire : « On a échangé plusieurs fois avec la direction mais le rectorat n’a pas pu nous envoyer de remplaçant. J’espère que mon fils pourra s’en sortir durant l’épreuve. Ce n’est pas normal de savoir qu’il va devoir composer avec des lacunes et une inégalité de départ. Même sa petite-soeur, qui passe le bac de français en 2026, n’a pas eu de professeur de français cette année, en seconde… »