La place de la république était noire de monde ce samedi lors de la mobilisation en soutien aux Palestiniens. L’eurodéputée LFI Rima Hassan, membre de l’équipage du Madleen arraisonné par l’armée israélienne en début de semaine, a été acclamée.
Son nom fuse de-ci de-là parmi la foule. On la montre du doigt. «Bravo Rima ! Rima, une photo ?». Un coup de tête à gauche, cliché. Un autre à droite, sourire. Rima Hassan affiche une mine rayonnante. Pressée par une petite foule qui s‘empresse autour d’elle dans le cortège parisien de la marche pour Gaza, qui marche de République à Nation ce samedi après-midi, l’eurodéputée franco-palestinienne est «la star», selon les termes des manifestants qui l’entourent. Voilà trois jours, elle est revenue d’Israël où la «flottille de la liberté», partie avec quelques denrées humanitaires pour braver le blocus sur Gaza, s’est vue stopper par une intervention de l’armée israélienne. Les 12 passagers à son bord ont été expulsés. Trois ont refusé et sont encore sur place.
Ce samedi après-midi, la place de la République est bondée. «Nous sommes tous des hommes enfants de Gaza !», scandent les milliers de personnes – 150.000 selon la CGT et LFI – mobilisées. Les militants se disent pour certains galvanisés par l’épisode de la flotille. Manon* et son compagnon, un drapeau dans chaque main, expliquent que cela leur a fait «franchir le cap» et qu’il s’agit de leur première manifestation pro-Gaza. «Cette histoire m’a révoltée. C’est la goutte qui fait déborder le vase», glisse Manon. «Le journaliste Yannis Mhamdi de Blast, je le suivais déjà. Je l’ai trouvé courageux», glisse-t-elle au sujet d’un des membres de l’équipage encore en Israël, «et Greta Thunberg permet de montrer le lien entre l’aspect anticolonial de la lutte climatique», se félicite encore la manifestante.
Des militants pro-Gaza place de la République.
Elisabeth Pierson / Le Figaro
La manifestation s’est voulue rassembleuse. Pour motiver les troupes, cinq syndicats (CFDT, CGT, Unsa, Solidaires et FSU) avaient souligné dans un communiqué conjoint que ce rassemblement s’inscrivait dans le «cadre du week-end mondial de mobilisations». Ils ont été rejoints par les partis de gauche, LFI, PS, PCF et EELV, ainsi que le collectif national pour une Paix Juste et Durable entre Palestiniens et Israéliens (CNPJDPI), Attac ou encore Urgence Palestine. Dans l’Humanité aussi, plusieurs personnalités dont la Prix Nobel de littérature Annie Ernaux, la chanteuse Angèle, le rappeur Médine, le Prix Goncourt Pierre Lemaitre, avaient appelé à rejoindre les cortèges – aucun n’est aperçu toutefois dans le cortège parisien.
Des avis mesurés sur la flotille
Près de la tribune, les habituels élus insoumis sont au rendez-vous, siglés de leur écharpe tricolore. Jean-Luc Mélenchon, Louis Boyard, Éric Coquerel ou encore Manuel Bompard. Rima Hassan, l’air digne, se hisse sur la tribune sous les hourras, avec deux autres membres de l’équipage du Madleen. «On a été beaucoup critiqués, beaucoup méprisés aussi. Mais tous ceux qui nous ont critiqués ont brillé par leur inaction, leur passivité, leur complicité», clame l’eurodéputée franco-palestinienne, qui avait été accueillie en grande pompe sur cette même place mercredi soir par des centaines de soutiens.
«Beaucoup d’entre vous je le crois se sont identifiés aux passagers sur ce bateau. Cela a été un signe d’espoir. Jusqu’au dernier jour, à la dernière heure, nous avons résisté», continue-t-elle. «Nous ne voulons pas d’une France complice ! Macron doit nous entendre de là où il est, et en ce sens la lutte doit continuer», exhorte l’eurodéputée sous les acclamations.
La manifestation a rassemblé ce samedi plusieurs milliers de personnes, 150.000 selon les organisateurs.
Elisabeth Pierson / Le Figaro
Rima Hassan est la «star» du cortège LFI.
Elisabeth Pierson / Le Figaro
Lorsque l’on s’éloigne du cortège LFI, les avis sur l’efficacité de la «flotille» sont plus mesurés. Pour Sylvie, grande fidèle des mobilisations pro-Gaza, se dit «pas forcément convaincue». «Rima Hassan pour moi ne représente rien. Elle ne m’inspire pas plus que d’autres», soupire cette encartée du PCF, qui n’aime pas trop quand LFI s’approprie les mobilisations et déplore leur «hystérie permanente». Elle juge qu’il faut «la jouer collectif». «Il faut que le mouvement vienne du peuple palestinien, avec notre soutien bien sûr. Comme le Vietnam à l’époque», compare cette sexagénaire, keffieh sur les épaules. «Ça ne finira jamais de toute façon… un enfant gazaoui qui a vu toute sa famille tuée, que voulez-vous que ça donne dans 20 ans ?».
«Les médias en ont trop fait», réagit à son tour Jean-François. «Ce n’était pas humanitaire, mais une opération politique». «L’héroïsation» de Rima Hassan a été selon lui «totalement exagérée». «Après, si l’objectif était de parler de Gaza, on peut dire que cela a été efficace. Personnellement, cela fait des mois que je pense qu’il aurait fallu faire des opérations comme ça à Rafah, sur la frontière», estime ce manifestant qui a travaillé une partie de sa vie dans l’humanitaire.
Tension boulevard Voltaire
Lorsque le cortège s’élance vers 15h en direction de Nation, un incident survient boulevard Voltaire. Au balcon d’un immeuble, un groupe de personnes agite un petit drapeau israélien et salue les manifestants d’un geste de défi. La foule s’électrise. «Sionistes, fascistes, c’est vous les terroristes !», scandent-ils en chœur. «Nazis !», crient certains, «cassez leur la gueule !». La police se déploie devant l’entrée de l’immeuble. La foule finit par reprendre son chemin.
Bastien*, qui brandit un immense drapeau palestinien, voit ce combat dans le temps long. «Cela fait 77 ans, ce n’est pas en un voilier humanitaire qui va changer les choses», dit-il, tout en se félicitant des effets de l’opération, comme ces convois partis de Tunisie et d’Égypte, avec des dizaines de milliers de militants pro-palestiniens en route vers Gaza. Ce chirurgien parisien est de toutes les mobilisations, dès que ses gardes de nuit le lui permettent. Aujourd’hui, il est particulièrement en colère après l’attaque «Rising Lion» déclenchée vendredi par Israël en Iran. «De quel droit ?», s’insurge-t-il. «Pourquoi l’Iran n’aurait pas droit à l’arme nucléaire ? Chacun son pays», récrimine le jeune parisien.
Manuel Bompard, lui, se dit très fier de l’équipage du voilier Madleen. Il le dit très fort au micro. «Briser le blocus de Gaza est un devoir !», clame le coordinateur de La France insoumise, exprimant son «soutien» et sa «compassion» pour les trois membres d’équipage «détenus encore de manière illégale». «Ils sauvent notre honneur. Ils ont porté notre humanité. Gloire à celles et ceux qui se mobilisent !». Et l’insoumis d’appeler à d’autres formes de mobilisation, comme la suspension des jumelages avec les villes israéliennes.