« L’art ne doit écarter rien ni personne. Comme la Miséricorde », répétait le pape François. Le pontife, décédé le 21 avril 2025, n’a pas fait école dans la paroisse Notre-Dame du Folgoët-Abers-Côte des légendes. La nouvelle exposition du sculpteur nantais Bernard Nicolas devait être installée au sein de la chapelle Saint-Eloi, à Ploudaniel, du 15 juillet au 15 août 2025. Il vient d’apprendre qu’elle ne correspond pas « à l’esprit que notre diocèse souhaite donner aux expositions estivales dans nos chapelles », a estimé la commission diocésaine d’art sacré, dont les religieux de la paroisse avaient sollicité l’avis.
« Très honorée »
Rien ne laissait présager une telle issue. Au cours de l’été 2024, le sculpteur, qui a notamment réalisé la Marianne de la mairie de Molène (29), exposait déjà dans une chapelle, à Loguivy-de-la-Mer (22). Ses œuvres ont visiblement plu. En décembre 2024, il est appelé par une membre de « Arz e chapeliou Bro Léon » (*). Cette association organise chaque été un circuit culturel, mêlant patrimoine et création contemporaine, dans seize chapelles du Léon. « Elle me disait être « très honorée » de pouvoir accueillir l’une de mes expositions au sein de la chapelle Saint-Eloi, à Ploudaniel », se souvient Bernard Nicolas.
Personnages suppliants
L’artiste fait alors une proposition à l’association : s’inspirer du vers de Baudelaire suivant : « On m’a donné de la boue et j’en ai fait de l’or ». Ce choix revêt à ses yeux une grande cohérence : depuis une vingtaine d’années, il pétrit de l’argile pour en faire des visages en céramique, auxquels il allie des corps de métal parfois habillés d’une feuille d’or. Ses personnages, intrigants, suppliants, semblent rechercher la miséricorde de leurs semblables. Une convention tripartite est signée. Il se met au travail en janvier 2025 et façonne quinze sculptures.
Veto de dernière minute
Mais toutes les parties ne l’avaient pas paraphée… Car, le 28 avril, un courrier l’informe que la commission d’art sacré diocésaine a retoqué son projet « (qui) n’entrait pas dans le cadre de ces expositions ». Bernard Nicolas tombe des nues, veut connaître la raison de ce veto de dernière minute. « La commission n’a pas à motiver son avis », lui répond le délégué diocésain Philippe Jamault. Contacté, le diocèse indique que la décision « relève de la responsabilité de l’affectataire des lieux ». En clair, du prêtre de la paroisse.
« Aspect morbide »
Joint, le père Don Erwan Courgibet estime que « dans une chapelle, c’est décalé ». Il met en avant « un aspect figuratif qui (lui) a semblé morbide ». Prise entre deux feux, l’association Arz e chapeliou Bro Léon reconnaît simplement, par la voix de son président Jean-Yves Guillerm, qu’« honnêtement, nous pensions que ça devait aller ». Un peu embarrassé, il se propose d’inviter Bernard Nicolas en 2026, « dans une chapelle désacralisée ou tout autre lieu adéquat ».
« Je ne peux leur donner raison, ou tort »
L’artiste, pas rancunier, a accepté, mais cette absence d’explication lui reste en travers de la gorge, lui qui a aussi exposé dans des chapelles au cœur des Mauges, en Anjou. Il y voit la patte de la communauté Saint-Martin, à qui la paroisse a été confiée en septembre 2024. Les religieux de cette congrégation renouent avec la soutane, se font appeler « Don », sont souvent issus des scouts d’Europe ou de l’armée et adeptes de la messe en latin. « Nous avons nos critères; la paroisse les siens », répond le président de « Arz E Chapeliou Bro Léon »
* L’art dans les chapelles du Léon