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Margaux Otter

Publié le

11 avril 2025 à 15h43, mis à jour le

11 avril 2025 à 15h57

Des conteneurs stockés à Francfort (Allemagne), le 8 avril 2025.

Des conteneurs stockés à Francfort (Allemagne), le 8 avril 2025. ARNE DEDERT/DPA/SIPA

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Le bras de fer entre les Etats-Unis et la Chine a franchi un nouveau cap quand Donald Trump a rehaussé, jeudi, les droits de douane appliqués aux produits du pays à 145 %. A la recherche d’autres débouchés, Pékin pourrait se tourner vers le marché commun de l’Union européenne.

Produits électroniques, électroménagers, voitures électriques, textile… Les portes des Etats-Unis se ferment à la Chine – à rebours du ton plus conciliant adopté envers le reste du monde – alors que Donald Trump a annoncé jeudi rehausser encore les droits de douane imposés à Pékin, portant les taxes à 145 %. L’Union européenne redoute de voir une déferlante de produits chinois, vendus à des prix défiant toute concurrence, s’abattre sur son marché. Sa crainte : que les industriels européens, ne pouvant suivre la cadence, soient poussés à la faillite.

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Car la croissance de la Chine repose largement sur ses exportations. Deux options s’offrent alors à elle : développer sa consommation intérieure, ce qu’elle n’a pas vraiment réussi à faire jusqu’ici, ou exporter vers d’autres pays et marchés. Et notamment l’Europe. « L’Espagne et l’Europe ont un déficit commercial important avec la Chine que nous devons nous efforcer de rectifier », s’est inquiété ce vendredi 11 avril le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez, après une rencontre avec le président chinois Xi Jinping. Mais « nous ne devons pas laisser les tensions commerciales entraver le potentiel de croissance des relations (…) entre la Chine et l’UE », a-t-il souligné.

Xi Jinping, lui, a appelé l’Union européenne à « résister ensemble » face à la guerre commerciale de Donald Trump. « La Chine et l’UE doivent assumer leurs responsabilités internationales, protéger conjointement la mondialisation économique et l’environnement commercial international, et résister ensemble à toute coercition unilatérale », a-t-il lancé. Sous-entendu : ne pas s’imposer des droits de douane réciproques.

Les patrons français inquiets

Du côté des patrons français, l’inquiétude est palpable. « On peut craindre que face à l’urgence qu’aura la Chine d’écouler ses produits, il n’y aura pas de limite à ce que la Chine se permettra de faire, à part la riposte que les autorités européennes seront capables de mettre en œuvre », s’est alarmé le patron de Cdiscount, Thomas Métivier, auprès de BFMTV. « On demande déjà à ce que la réglementation actuelle soit appliquée car aujourd’hui ça n’est pas le cas », a-t-il déclaré. Il s’est inquiété des stratégies de dumping appliquées par la Chine. « Il y a des stratégies de subventions à l’importation sur les colis chinois avec le soutien de l’Etat chinois », a-t-il dénoncé.

De son côté, Guillaume Gibault, le fondateur du Slip Français, marque de sous-vêtements made in France, a assuré à Franceinfo déjà subir une forte concurrence chinoise, qui pourrait s’accentuer avec les surtaxes imposées par Donald Trump à Pékin. A titre d’exemple, son pack de cinq slips fabriqués en France est vendu 93 euros ; le lot chinois, lui, coûte 20 euros. Pour la PME – qui a frôlé la faillite l’an dernier –, un afflux massif de produits chinois sur le marché européen pourrait être le coup de grâce. « On a transformé l’entreprise pour être capables de vendre à un prix compétitif, on a divisé les prix par deux (…) mais si on a des nouveaux concurrents qui arrivent encore moins chers, encore plus offensifs… A la fin, on n’est pas magiciens », a-t-il déploré.

« Il est probable que les fabricants dont les marchés habituels se ferment aux Etats-Unis se rabattent vers l’Union européenne pour trouver de nouveaux débouchés et baissent leurs prix pour continuer à faire tourner leurs usines », a pour sa part analysé auprès du « Monde » François-Marie Grau, délégué général de la Fédération française du prêt-à-porter féminin. « Le surplus de production va se déverser sur l’Europe à des prix bradés puisqu’ils voudront écouler leur production. Ça peut remettre effectivement en question la compétitivité de l’ensemble de nos entreprises. Donc c’est quelque chose qui serait extrêmement négatif », juge-t-il encore dans les colonnes de BFMTV.

Des mesures « anti-dumping »

Face à l’incertitude générée par la politique de Donald Trump, les pays de l’Union européenne sont sur le qui-vive. L’exécutif de l’UE avait déjà annoncé lundi la création d’une « task force » chargée « de surveiller les flux d’importations en temps réel ». Et, dans le cas où les craintes se matérialiseraient, l’institution promettait d’« utiliser tous les outils de notre arsenal de défense commerciale pour protéger le marché unique de l’UE […] ».

Cela pourrait passer par des mesures « anti-dumping » comme une augmentation des barrières tarifaires sur certains produits chinois. L’Europe avait déjà utilisé un tel procédé en 2019 sur l’acier chinois, lorsque Donald Trump avait imposé des barrières douanières importantes sur ce métal produit en grande quantité par Pékin. Depuis octobre 2024, les voitures électriques chinoises sont, elles, surtaxées à 35 % dans le marché commun – l’UE et la Chine ont convenu d’entamer des négociations visant à abolir ces frais de douane.

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Une autre stratégie serait, selon l’économiste Mary-Françoise Renard, professeure à l’université Clermont-Auvergne et auteure de « La Chine dans l’économie mondiale, entre dépendance et domination », interrogée par TF1 Info, « d’inciter à des investissements chinois, mais en y intégrant l’obligation de contenu en valeur ajoutée ». Cela reviendrait à autoriser l’implantation d’entreprises chinoise dont la production se ferait sur le territoire européen « avec éventuellement en contrepartie des transferts de technologie ».

Toute la difficulté pour l’UE consistera à se regrouper derrière une position commune, alors que les Etats membres ne sont pas tous menacés de la même manière ou que certains seraient frileux à l’idée de se mettre Pékin à dos. « Le point positif, c’est que la politique commerciale de l’Europe relève de l’autorité de la Commission européenne. Et par conséquent, chaque pays ne peut jouer séparément », conclut Mary-Françoise Renard.