Qui protégera les usagers des transports franciliens dans les mois à venir ? Depuis plusieurs semaines, différents opérateurs se battent pour obtenir les lignes de bus de Paris et de la petite couronne qui s’ouvrent à la concurrence, et succéder ainsi à la gestion historique de la RATP. Ce jeudi soir, le conseil d’administration d’Île-de-France Mobilités (IDFM) devait voter l’attribution de 37 lignes qui devraient revenir notamment au franco-allemand Transdev ou encore à l’italien ATM SPA.

En plus d’ouvrir la porte des transports en commun à des sociétés privées (processus qui avait démarré dès 2021 en grande couronne), Valérie Pécresse, présidente de la région et d’IDFM a souhaité accompagner le processus d’une autre ouverture à la concurrence : celle de la sécurité dans ces transports. Historiquement, ce sont les unités du GPSR – la « Sûreté RATP » – qui patrouillaient dans les bus. Désormais, lorsqu’un opérateur privé remportera une ligne, il sera aussi chargé d’en assurer la sécurité.

« La sécurité va diminuer dans les bus d’Île-de-France »

« Il faut être très clair, la sécurité va diminuer dans les bus d’Île-de-France, assène une source proche du dossier, tout simplement parce que les sécurités privées n’auront pas les mêmes prérogatives que celles du GPSR. » Concrètement, ces derniers agents sont assermentés et ont donc les pouvoirs de contrôle, d’intervention, de verbalisation et d’éviction des usagers. Ils ont également le droit de porter des armes de catégories B et D (armes à feu, matraques). Depuis peu, ils ont même le droit de procéder à des palpations et d’intervenir à proximité des gares.

« Dénués de ces prérogatives, les agents de sécurité privés ne pourront pas travailler de manière préventive et devront attendre qu’un délit soit commis pour intervenir en appelant la police », ajoute la même source. « Pour résumer, ils auront les mêmes pouvoirs qu’un agent de sécurité de supermarché », s’indigne Arole Lamasse, secrétaire générale de l’Unsa groupe RATP.

IDFM croit à la stratégie du monde

Une vision dont IDFM se défend. Contactée par 20 Minutes, l’organisation assure considérer la sécurité des usagers, comme celle des agents, comme « une priorité ». Pour cela, elle annonce 500 agents de sécurité « recrutés pour le réseau bus de Paris et de petite couronne ». « Cela signifie que la présence humaine sera multipliée par cinq. En effet, ces agents seront dédiés à leur territoire, là où le GPSR effectue la grande majorité de ses patrouilles (80 %) sur le réseau ferré (métro et RER) », dit-elle.

La stratégie d’IDFM se base donc en premier lieu sur la dissuasion avec une présence accrue, afin d’améliorer le « sentiment de sécurité » des voyageurs. Mais pas que. L’organisation assure que les agents privés seront formés « aux gestes techniques, à la déontologie, à la législation, à la lutte contre les violences sexuelles et sexistes et à la connaissance des acteurs du continuum de sécurité dans les transports ».

Retrouver ici notre dossier RATP

Valérie Pécresse a annoncé vouloir aller plus loin sur leurs prérogatives en leur donnant – dans le cadre de l’adoption de la loi Tabarot – la possibilité de pouvoir effectuer des saisies d’objets dangereux et de leur faire bénéficier de l’expérimentation du port de caméras-piétons. Des moyens à ajouter aux brigades cynotechniques et à la Brigade régionale de transports, créée en 2024.

Une coordination centralisée à la préfecture de police

Quel que soit leur employeur, toutes ces unités porteront un seul et même uniforme reconnaissable et siglé. Mais surtout, ils seront tous coordonnés par des agents d’IDFM qui intégreront, d’ici la fin de l’année, le Centre de Coordination Opérationnelle de Sécurité dans les transports (CCOS). Installé dans la préfecture de police, il donne accès aux 80.000 caméras de vidéoprotection déjà mises en place sur le réseau.

Autant d’arguments qui ne suffisent pas à convaincre les opposants à cette privatisation. « L’effet de dissuasion ne va pas faire long feu une fois que les gens auront compris que ces agents ne peuvent rien faire, commente notre source proche du dossier. Et jusqu’à preuve du contraire, nous n’avons pas entendu que la préfecture de police ou le ministère de l’Intérieur aient prévu augmenter les effectifs et les renforts. Donc ils n’auront pas plus de moyens pour lutter contre les incivilités. »

Inquiétudes chez les usagers et dans l’opposition

Idem du côté des usagers. Marc Pélissier, responsable Île-de-France de la Fnaut, explique : « Un centre de coordination, c’est bien. Mais il y a des lignes qui chevauchent des zones différentes. Est-ce qu’on enverra vraiment l’équipe la plus proche s’il y a un problème ? Et si cette équipe appartient à un autre opérateur ? Si aucune patrouille de police n’est dans le secteur à ce moment-là ? On ne va pas cacher qu’il y a une légère inquiétude. »

L'opposition régionale appelle à un rassemblement en opposition à la privatisation du réseau de transport francilien. L’opposition régionale appelle à un rassemblement en opposition à la privatisation du réseau de transport francilien.  - X

Une inquiétude partagée par l’opposition régionale, qui a prévu de manifester ce jeudi soir devant le siège de la région. « Les agents privés n’ont pas du tout le même niveau de formation que les agents du GPSR qui travaillent très bien. D’ailleurs, les bavures sont extrêmement rares et on a rarement à se plaindre de leur travail », commente Céline Malaisé, présidente du groupe de Gauche au Conseil régional. Elle explique le choix de la région autrement que par une volonté de sécurité. « Valérie Pécresse veut seulement diminuer brutalement les coûts. Des agents non formés coûtent beaucoup moins chers. C’est une posture brutale et idéologique. »

« C’est simplement une lutte idéologique de Valérie Pécresse qui veut prendre la main sur la sécurité en Île-de-France, et notamment dans les transports, ajoute la source proche du dossier. Elle veut créer sa propre police régionale, et ça commence par l’éviction des forces de sécurité de la RATP et de la SNCF. »