C’est le genre d’histoire qui redonne foi en l’humanité. Elle commence par une bouteille à la mer. Un message envoyé à notre rédaction le 10 juin.

« Cela fait plus d’une semaine que la mascotte de notre quartier, un monsieur âgé toujours assis sous le pont de la rue Diderot à faire ses mots croisés, a disparu, ainsi que tous ses effets personnels. Nous sommes très inquiets », écrit une habitante.

Sur place, un restaurateur de la rue Miron confirme: « On connaissait bien ce monsieur. C’est triste de ne plus le voir. »

Renseignements pris, l’intéressé va bien. Il a été pris en charge par les services sociaux. L’histoire aurait pu s’arrêter là et ne pas mériter d’article.

Mais ce serait occulter la formidable chaîne de solidarité que nous avons découverte à cette occasion.

Une figure du quartier

Dans le secteur Miron-Diderot-Raimbaldi, Eduardo est très considéré. « Il est un personnage important ici ; tout le monde le connaît », introduit Sylvie, l’habitante qui nous a contactés.

Calme, silencieux, toujours un livre à la main, l’homme d’origine espagnole est unanimement décrit comme une figure du quartier, sympathique et sans histoire.

À 71 ans, il est installé dans le quartier depuis une bonne dizaine d’années. Et au fil du temps, une vraie mobilisation s’est organisée autour de lui.

Babette, par exemple, lui prépare à manger tous les jours, lave son linge, l’accueille chez elle pour une douche, lui apporte de l’eau fraîche l’été…

« Tout a commencé par une cigarette fumée ensemble, rembobine la septuagénaire. Et puis un jour, il m’a arrêtée dans la rue pour proposer à mon chien son biscuit, qui était trop dur pour ses dents. C’était tellement gentil d’y penser alors qu’il aurait pu simplement le jeter… Depuis, je l’ai pris en affection. Il me paraissait différent avec son humour, sa gentillesse, ses sudokus et son air intelligent. »

Une cagnotte à la boulangerie

Et Babette n’est pas la seule. « Il a une cagnotte dans ma boulangerie, glisse, avec bienveillance, Nadine, propriétaire de la boulangerie Michel Fiori. Les clients lui laissent de l’argent pour qu’il s’achète à manger ou un café. »

La pharmacie La Salamandre, à l’angle des rues Assalit et de Lépante, veille aussi sur Eduardo. En lui trouvant un médecin ou en lui dégotant des compléments alimentaires à bas prix.

« Nous nous occupons de son suivi médical », disent pudiquement les employés de l’officine.

« Quand il s’est fait ‘virer’ deux fois en trois semaines par la police, nous nous sommes débrouillés pour lui retrouver des palettes et un matelas », abonde Julie, d’Espace à vendre, rue Assalit.

« Ce monsieur n’a jamais embêté personne. Son seul vice, c’est de fumer », sourit la galeriste.

Mais les années dans la rue pèsent de plus en plus sur le septuagénaire. Déjà opéré de la cataracte il y a quelque temps, Eduardo a été affaibli l’hiver dernier par une vilaine pneumonie.

De quoi décupler les efforts de Babette pour lui trouver un toit et un revenu. « Je ne peux pas le laisser comme ça… »