« Lorsque j’arrive à la Basilique Notre-Dame, je vois des fourmis bleues partout. C’est-à-dire que ça court de partout et personne ne sait ce qu’il y a à faire. »

Le chaos est total, rappelle Marc (1), policier national. Ses hommes et lui sont arrivés moins de cinq minutes après les équipes de la police municipale de Nice.

Ils ont vu l’horreur de leurs propres yeux, pris d’énormes risques en pénétrant dans l’édifice. « On ne connaît pas le nombre de victimes, on ne connaît pas le nombre d’auteurs. Et en plus, on nous parle de deux sacs piégés », rappelle-t-il.

Il a fallu progresser vers l’inconnu et créer une zone d’exclusion avant l’arrivée des équipes du Raid.

Pourtant, jusqu’au procès qui s’est tenu en février à Paris, les policiers nationaux intervenus lors de l’attentat de la basilique Notre-Dame de Nice, le 29 octobre 2020, n’étaient même pas reconnus comme parties civiles (2).

Totalement oubliés de l’instruction, c’est grâce au travail de leur avocate, Maître Émilie Farrugia, qu’ils ont pu enfin faire entendre leur voix.

Une reconnaissance tardive, mais essentielle

Alors que la police municipale est rapidement mise en avant par les autorités locales, la police nationale, elle, reste dans l’ombre. « On s’est senti abandonnés », souffle Marc.

Il raconte la solitude, la reprise rapide du travail, les stigmates physiques et psychologiques et surtout, l’absence de suivi: « Un psychologue, on en a vu deux, trois fois. Et après, si vous ne le faites pas de votre propre initiative, c’est fini. Vous repartez. »

Me Farrugia, qui a rejoint le dossier après la clôture de l’instruction, explique leur démarche: « Se faire reconnaître partie civile, je pense que pour beaucoup de fonctionnaires et pour le syndicat Alliance Police national, c’était très très important, car il ne faut pas oublier que certains ont démissionné après cet attentat. Ça va les aider à franchir une étape psychologique. ».

Une vérité révélée

Il a fallu se battre. Leur constitution en partie civile, qui a été reconnue il y a peu par la Cour, a même été remise en cause dès le premier jour d’audience, car « il y a eu un jugement incident sur la recevabilité », souligne Me Farrugia.

Mais le combat a été victorieux: « On a fini à 12. On a eu zéro perte du moment où on a décidé de se constituer. ».

Et leurs témoignages ont marqué comme le précise Marc. « On a beaucoup éclairé la juridiction sur comment ça s’était vraiment déroulé à l’intérieur. Il y a une partie de l’histoire qui n’avait pas été révélée. » Sans, toutefois, insiste Marc, « remettre en cause l’action qui a été menée par la police municipale ce matin-là ». 

1. Le prénom a été changé.

2. Une partie civile est une personne qui s’estime victime d’une infraction et intervient dans la procédure pénale pour demander la réparation de son préjudice.