Comment a germé l’idée de faire ce livre ensemble ?
André Buffard : « J’ai écrit des polars judiciaires, ce qui permet de se cacher derrière les personnages. Mais j’ai toujours gardé un certain nombre de dossiers en me disant que, quand j’aurais le temps, j’écrirais. Le temps passe et je n’ai toujours pas trouvé le temps. Je connais Marie Perrin depuis une dizaine d’années, quand elle est devenue chroniqueuse judiciaire pour Le Progrès. J’ai alors trouvé quelqu’un judiciaire qui va raconter une histoire, saisir l’humain et les tournants d’un procès. Le chroniqueur judiciaire doit extraire la substantifique moelle du procès et Marie Perrin le fait très bien. Je me suis dit qu’elle était l’intermédiaire la plus en phase pour écrire ces histoires qui rappellent que la réalité dépasse souvent la fiction. »
« Derrière chaque procès, il y a un humain et des personnages hors normes »
Que retrouve-t-on dans ce livre ?
A. B. : « Ça ne se veut pas des mémoires d’un avocat, qui tournent souvent à un récit d’exploits ennuyeux. L’idée était de raconter des histoires et la vie des gens. Marie Perrin fait la synthèse de l’affaire et je raconte les événements. Je propose une histoire dans l’histoire. Pour l’affaire Romand par exemple, je raconte les trois reconstitutions. Derrière chaque histoire, chaque procès, il y a un humain et des personnages hors normes. »
Marie Perrin : « On passe de dix grands procès qui ont défrayé la chronique, à des affaires insolites comme celle de l’empoisonneuse de Tarentaise, mais aussi à des rencontres improbables, par exemple avec l’acteur Pierre Richard ou l’homme d’affaires Bernard Tapie. On ne fait pas le résumé des procès. Ce n’est pas un livre technique mais il s’agit plutôt des 1 000 vies d’André Buffard à travers le monde et au coin de la rue. »
« On découvre l’affaire du côté des coulisses. Cela permet de découvrir des choses incroyables. Je mets les lecteurs au défi de ne pas découvrir quelque chose dans chaque procès, même sur une affaire aussi médiatisée que celle de Jean-Claude Romand, le faux médecin qui a abattu ses parents, sa femme et ses deux enfants. »
« Le travail d’un avocat est de rendre à un accusé son humanité »
Ce qui ressort de ce livre, c’est l’humain. Même des assassins comme le terroriste Carlos ou Chanal retrouvent une part d’humanité…
A. B. : « Le travail d’un avocat est de rendre à un accusé son humanité, peu importe le crime qu’il a pu commettre. Je raconte par exemple l’attitude de Chanal quand il écoute le nouveau disque de Johnny. Je raconte le côté humain et ça casse avec l’image du monstre. »
M. P. : « Cet aspect humain est très important chez André Buffard. Il y a beaucoup de procès où l’on s’ennuie et d’autres où les planètes s’alignent. Avec lui, rien n’est acquis. Le procès devient une matière vivante et l’on comprend que la justice sert à quelque chose. »
Ce livre permet également de retracer en filigrane votre carrière qui a débuté dans le football…
A. B. : « J’ai eu deux vies professionnelles. Durant une dizaine d’années, j’ai été très impliqué dans le sport. J’ai passé mon DESS en 1972 avec un mémoire sur le statut du joueur professionnel. J’étais passionné de foot, supporter de l’ASSE. Je suis rentré au conseil d’administration de l’AS Saint-Étienne en 1978, sous le règne de Roger Rocher. Certains administrateurs découvrent une double comptabilité, ils me demandent de faire quelque chose. Je vais voir Rocher pour l’avertir qu’on va lui demander des précisions au prochain CA. Il hurle, me fait sortir et en 24 heures tous les médias nationaux sont là. Si j’avais mesuré la masse de menaces, de violences, je n’aurais pas eu le courage de le faire. Mais quelque part, je pense qu’on a empêché que le club ne soit liquidé. »
« Il est plus difficile de se faire respecter qu’avant »
Votre carrière dans le football ne s’est pas arrêtée là pour autant ?
A. B. : « Après cette expérience, j’ai côtoyé les plus grands joueurs du championnat de France, conseillé de grands entraîneurs comme Aimé Jacquet. Je me suis retiré quand Bernard Tapie est rentré dans le foot. J’ai défendu Alex, Aloisio et Levytsky dans l’affaire des faux passeports. Il y a deux ans, j’ai encore défendu les intérêts de Bayal Sall quand il était au Qatar. Mais dans l’ensemble, j’ai quitté le foot au début des années 90 et je suis revenu à mes premiers amours : le pénal. J’ai eu rapidement de grands procès comme Chanal, Romand, Carlos ou Action directe. »
On voyage également dans ce livre…
A. B. : « Pour défendre SNF pour un vol de brevets, je suis allé à Pékin. J’ai plaidé à Los Angeles. J’ai dû me rendre en Angola pour retrouver un assassin, mais aussi en Amérique du sud, etc. »
En 53 ans et 800 procès d’assises, avez-vous noté une évolution du métier d’avocat ?
A. B. : « Les débats sont plus musclés qu’avant. La défense est plus difficile, car la grande délinquance est liée au trafic de drogue. Il est plus difficile de se faire respecter qu’avant. »
Un autre procès approche, celui de l’affaire à la sextape à la mairie de Saint-Étienne. Qu’est-ce qui vous a convaincu de défendre Gilles Artigues ?
A. B. : « Il y a d’abord le drame d’un homme victime d’un chantage odieux dont la vie a été brisée. J’étais incrédule quand il m’a raconté cette histoire. Quand j’entends cet enregistrement où le directeur de cabinet dit “vos enfants ne s’en remettront pas…” et que le maire ne réagit pas, je décide de le défendre. Cette scène pour moi résume tout. Le reste, c’est à la justice de dire qui a fait quoi. »
Séance de dédicaces au Progrès le 21 juin
Coups de Maître est édité par Le Progrès. Le livre est en vente au prix de 19,60 € chez les marchands de journaux et sur la boutique de notre site, ou en scannant ce QR code.
Deux séances de dédicaces de Marie Perrin et André Buffard sont programmées :
– À la Librairie de Paris, le 18 juin à partir de 17 h 30.
– À la rédaction du journal Le Progrès (6 esplanade de France, quartier Châteaucreux), le 21 juin, de 10 h 30 à 12 heures.