Alors que le conte dont l’Éducation nationale avait annulé la commande s’apprête à paraître, son auteur diffuse une vidéo rassemblant acteurs ou hommes politiques.

Jul avait bien une idée de bandeau : « Déjà 900.000 exemplaires non-vendus ». On reconnaît là le sens de l’humour de l’auteur de Silex and the City et Luck Luke, qui a vu le ministère de l’Éducation nationale annuler, en mars, la distribution aux CM2 de son adaptation de La Belle et la Bête. L’affaire avait viré au feuilleton. Alors que le livre s’apprête à sortir en librairie, le 18 juin, Jul se félicite : « Les lecteurs vont pouvoir lire et juger enfin par eux-mêmes. »

Avant la décision d’Élisabeth Borne, 900.000 enfants devaient recevoir cette relecture contemporaine de l’œuvre de 1757 dans le cadre de l’opération « Un livre pour les vacances ». Pour justifier l’annulation, la ministre a épinglé une « ironie pas compréhensible pour les enfants de dix ans ». Jul a dénoncé, en retour, une « censure » de la part de l’ancienne première ministre. Mûri sous Gabriel Attal, le projet avait été poursuivi par Nicole Belloubet et Anne Genetet, avant d’être enterré.

Beaucoup de bêtises ont été dites à propos du contenu du livre par Élisabeth Borne

Jul

À la veille de la sortie du livre, Jul se félicite de nouvelles marques de sympathie. Une vidéo – dont il est à l’initiative – à laquelle participent des personnalités de divers horizons : les actrices Anna Mouglalis, Golshifteh Farahani et Judith Godrèche, les écrivains Amélie Nothomb et Sylvain Tesson, les animateurs Stéphane Bern et Augustin Trapenard. Parmi les personnalités politiques, François Hollande, Édouard Philippe, François Ruffin ou… Nicole Belloubet, l’ancienne ministre de l’Éducation nationale. Tous lisent de courts extraits de La Belle et la Bête, depuis une chambre ou leur salon.

« Nous avons enregistré un film en matière de soutien avec une trentaine de personnalités d’univers antagonistes, qui partagent la valeur sacrée de la création et savent l’importance de l’éducation », indique Jul, de son vrai nom Julien Berjeaut. Qui a diffusé la vidéo sur ses réseaux sociaux avec une légende éloquente : « Censurer La Belle et la Bête ? ».

Un tirage à 20.000 exemplaires

L’agrégé d’histoire, auteur de BD et dessinateur de presse, estime ainsi que l’affaire de La Belle et la Bête pourrait avoir un tome 2. « Il y aura sûrement d’autres rebondissements politiques. Mon rôle est d’être dessinateur, de faire rire, et je n’ai pas envie d’endosser un costume de chevalier. Mais j’apprécie que d’autres s’emparent du sujet. Ce texte de la culture classique le mérite », résume le dessinateur qui avait notamment reçu, au cœur de la polémique, le soutien de Gabriel Attal.

« Beaucoup de bêtises ont été dites à propos du contenu du livre par Élisabeth Borne, en parlant, par exemple, d’un père alcoolique. Cela ne reflète en rien l’album, il y a eu une extrapolation de la réalité des dessins », tempête Jul. Qui poursuit : « Les pédagogues savent que les enfants ont un degré de sophistication bien supérieur à celui que leur prêtent les sphères administratives de l’Éducation nationale. »

La Belle et la Bête a été tiré à vingt mille exemplaires environ, par la maison d’édition GrandPalais-RMN. Une solide mise en place pour un ouvrage jeunesse, qui reste certes incomparable avec les centaines de milliers d’exemplaires prévus. Une mention précise dans le dossier de presse de l’éditeur que celui-ci est conseillé « à partir de dix ans ». L’âge d’un élève de CM2, donc…

Couverture de La Belle et la Bête, conte illustré par le dessinateur Jul.
GrandPalais RMNÉditions