Succès public en vue pour « 37 secondes », cette série qui raconte, en six épisodes, l’affaire du Bugaled Breizh, le chalutier de Loctudy qui a sombré le 15 janvier 2004 en Manche, en… 37 secondes. Ce drame qui fit trois morts et deux disparus (les marins de l’équipage) est resté inexpliqué, la justice française ne parvenant pas à dire si c’est une croche dans une dune de sable ou une croche avec un sous-marin qui a envoyé le bateau par le fond. Comme l’ensemble des proches des victimes, l’armateur du bateau, Michel Douce, a toujours défendu l’hypothèse du sous-marin. Avec, en point de mire, la Royal Navy qui était aux commandes de deux exercices de lutte anti-sous-marine le jour du naufrage de son chalutier : l’Aswex04 et le Thursday War. Un combat de plus de quinze ans que lui et ses proches s’attendaient à retrouver dans la fiction d’Arte.

« La série va trop loin ! »

Mais le Bigouden et sa femme Marcelle, son fils Loïc et sa fille Solène, sont battus froid par « 37 secondes ». Explication : le rôle de l’armateur Loïc Jouan, joué par Jonathan Turnbull, présente un visage peu reluisant. « On fait passer l’info qu’il n’y a que l’argent qui semble compter pour moi. Il y a ces histoires de chèques qui arrivent et me font sourire… Mon avocat, Michel Kermarrec, (NDLR : Me Bardol, joué par Volodia Serre dans la série) est présenté comme un avocat véreux qui me soudoie et duquel je suis aussi complice en lui donnant de l’argent sous le manteau ! Il doit se retourner dans sa tombe, le pauvre Michel ! »

Et l’armateur, qui a échangé avec son avocate, Me Gicquelay, de poursuivre : « Franchement, je pense que si j’avais été quelqu’un de fragile et de pas aussi bien entouré, ce genre de série, ça aurait pu être une goutte d’eau ! ». « 37 secondes » « va trop loin en ce qui me concerne. Ils se cachent derrière la fiction, changent mon nom et remettent sur la table des polémiques qui n’ont pas lieu d’être ! C’est pathétique ! ».

Le fils de l’armateur a appelé la production

Même regard pour Loïc, le fils de l’armateur : « Dans cette série, je n’ai pas reconnu mon père. Il est présenté comme un loup solitaire qui ne marche que pour sa gueule et pour son propre intérêt. Celui qui veut juste dédouaner son bateau. C’est archifaux. Il n’est pas comme ça », s’émeut celui qui veut défendre l’honneur de son père. « Dans la série, il reçoit son chèque pour l’assurance du bateau et la vie de ses marins, qu’il connaissait depuis longtemps et appréciait beaucoup, ne compte plus ! Ce n’est pas sain. »

Le fils indigné a signifié, cette semaine, sa façon de penser à la production de la série : « On a discuté entre gens bien éduqués mais je ne pouvais pas rester sans leur dire ma façon de penser. Quand on connaît l’affaire, on sait qui est qui. Une fiction, c’est trop facile : la mauvaise image donnée vaut pour mon père, pour Thierry Lemétayer, pour l’avocat de mon père, Me Kermarrec… Un méchant, un salopard, un avocat véreux… La production soutient que c’est un hommage aux proches des victimes ? Moi, je trouve que c’est plutôt un dommage supplémentaire causé ! ».

D’autres parties civiles « gênées »

Si la famille de l’armateur a été heurtée par la série, « c’est ma fille qui a bondi la première ! » dit Michel Douce, d’autres parties civiles de la vraie affaire ont également ressenti une gêne en regardant évoluer le personnage de Loïc Jouan, l’armateur sans scrupule de la série. « Spontanément, je me suis dit que Michel Douce n’allait pas être super content ! », lance ainsi Thierry Lemétayer, fils de Georges, qui était mécanicien à bord du Bugaled Breizh. Même analyse de Dominique Launay. Le président de l’association SOS Bugaled Breizh a plutôt apprécié la série… À un point près : « Ce qui me dérange, c’est l’image que l’on donne de Michel Douce, l’armateur. Il m’a raconté les difficultés qui avaient été les siennes dans cette affaire. Et là, il a le rôle du méchant. Ce n’est pas l‘homme que je connais ! ».

« 37 secondes », série de six épisodes » de 52 minutes réalisée par Laure de Butler. Disponible sur Arte.tv et diffusée, ce jeudi 3 avril (épisodes 1, 2 et 3) et ce jeudi 10 avril (épisodes 4, 5 et 6).