Par

Antoine Grotteria

Publié le

15 juin 2025 à 11h57

Quand l’Histoire percute l’histoire au quotidien. Près de deux cents ans après la colonisation de l’Algérie, la question mémorielle reste vive dans l’espace public à Paris. Pourtant, les changements de voie se comptent sur les doigts d’une main depuis le début du 21e siècle. Le dernier en date a eu lieu en 2024. La maire de Paris Anne Hidalgo (PS) avait alors décidé de débaptiser l’avenue Bugeaud, du nom du maréchal Thomas Robert Bugeaud, acteur majeur de la répression des groupes de résistance algériens. À un an des élections municipales, le sénateur de Paris Rémi Féraud, soutenu par l’édile, n’a pas l’intention de baisser la garde. D’après Le Monde, le candidat à la primaire socialiste désire reformuler l’avenue Lamoricière, située dans le 12e arrondissement.

Le père de l’unité des « Zouaves »

Cette petite artère de 225 mètres pourrait bientôt changer de plaque. En cause, la visibilité conférée à Christophe Louis Léon Juchault de Lamoricière, un général de l’armée française né en 1806 à Nantes (Loire-Atlantique) et décédé au château de Prouzel, près d’Amiens (Somme) en 1865, d’après le site Larousse. Entre-temps, le militaire a joué un rôle majeur dans la colonisation du pays du nord de l’Afrique.

Selon Ouest-France, Louis de Lamoricière fait partie des principaux cerveaux à l’origine des guerres menées contre les résistants algériens, après le débarquement de l’armée française ordonnée en juin 1830 par le roi Charles X. À la tête des Zouaves, des unités d’infanterie membres de « l’Armée d’Afrique », le Polytechnicien a dirigé les prises de Constantine (1837) et d’Isly (1845). Ces conquêtes interrogent certains historiens sur les méthodes employées.

Dans un livre publié en 1964 aux Presses universitaires de France (PUF), l’un d’entre eux Charles-André Julien avait qualifié Louis de la Moricière comme « le plus inhumain » des « grands chefs d’Afrique ». Une citation reprise par le journaliste Jean-Michel Aphatie sur le réseau social X (ex-Twitter) en février 2022 pour dénoncer sa présence au fronton d’une école du 12e arrondissement.

Une carrière politique puis direction Rome

La colonisation française en Algérie n’est pas le fruit d’un jour. Elle s’est construite sur des années de lutte au terme des desquelles l’émir Abd El-Kader, chef de la rébellion algérienne, a fait reddition le 21 décembre 1847, comme le note Le Monde Diplomatique. Il sera maintenu en captivité dans l’Hexagone jusqu’en 1852. Cet épisode se révèle un moment charnière dans la constitutionnalisation du territoire algérien qui sera français durant plus d’un siècle.

Nanti de ses succès, Louis de la Lamoricière revient en France pour se faire élire député de la Sarthe et nommé ministre de la Guerre. En 1851, sa trajectoire politique est interrompue en écho au coup d’État orchestré par Louis-Napoléon Bonaparte. Forcé à l’exil, il reste en Allemagne sept ans, avant d’émigrer vers l’Italie, où il aidera militairement le pape Pie IX à combattre les Piémontais. Insuffisant pour empêcher l’unité du royaume transalpin en 1861.

Si ses actions s’avèrent fortement controversées, la Ville de Paris a décidé d’inscrire son nom sur les plaques d’une avenue du 12e arrondissement en 1932, un an après l’Exposition coloniale internationale organisée au palais de la Porte-Dorée, près du bois de Vincennes. Aujourd’hui, l’édifice héberge le musée de l’Histoire de l’immigration.

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