Durant le mois de juin 2023, une véritable psychose s’est emparée des habitants des villages du Pays de Fayence. De Seillans à Tourrettes et parfois au-delà – des délits ont été commis à Séranon et Valderoure dans les Alpes-Maritimes – conducteurs de voitures, de trottinettes ou simples passants étaient susceptibles de se faire dépouiller par trois hommes, souvent cagoulés et armés.
Dix-sept délits en 22 jours
Entre le 7 et le 29 juin, pas moins de 17 délits ont été recensés par les gendarmes. Tous ont été attribués selon la justice à Tristan H., Matis L. et Yohann Q., avec un rôle plus important pour les deux derniers. En début de semaine, le tribunal correctionnel a condamné les trois amis à deux ans (Tristan H.) et quatre ans (Matis L. et Yohann Q.) d’emprisonnement ferme.
La première attaque recensée, le soir du 7 juin à Fayence, et attribuée à Matis et Yohann résume à elle seule le caractère aussi dérisoire que violent du comportement des prévenus à l’époque. Alors qu’il rentrait chez lui à trottinette, Alan (le prénom a été changé) voyait une voiture noire se porter à sa hauteur. Un individu cagoulé en sortait et lui braquait une arme au visage.
« C’était une scène de film, en tremble encore la victime, invité à relater les faits par la présidente Julie Gadiollet. J’étais tétanisé. J’ai reconnu Matis, avec qui j’avais eu une altercation quelques jours plus tôt. Il m’a mis à terre et donné des coups sur le crâne avec la crosse de son revolver. Le temps que je lui donne ma sacoche, j’étais en sang. J’ai cru mourir. »
Le butin est dérisoire : une chaîne, une bague, 30 euros et un paquet de cigarettes… Le traumatisme, lui, est toujours vivace chez Alan, qui quitte précipitamment la salle d’audience. « Ce n’est pas moi, se défend Matis. Je n’ai jamais vu cette personne. »
Quatre jours plus tard, un autre jeune homme échappe de justesse à une tentative d’extorsion. Tristan reconnaît à demi-mot les faits. Mais va nier fermement avoir participé le lendemain à un car-jacking entre Saint-Paul-en-Forêt et Bagnols-en-Forêt. Une conductrice, stationnant au bord de la route le temps d’envoyer un message sur son téléphone, était violemment tirée hors de l’habitacle de sa Golf par un homme cagoulé et armé.
« Excès de folie »
« C’était moi », concède Yohann Q., s’excusant de cet « excès de folie ». « Matis m’avait déposé sur la route et j’avais vu cette voiture. Je devais aller à Saint-Paul. Voilà quoi… J’étais con. J’ai fait tout ça pour l’appât du gain, dormir dans de beaux hôtels… »
Un peu plus tard le même soir à Seillans, un passant est agressé par un homme cagoulé descendu d’une… Golf. Après avoir reçu un coup de crosse au front, il est délesté de ses affaires.
Cette fuite en avant à toute vitesse et désorganisée dans la délinquance va se poursuivre à un rythme effréné. Le 15 à Saint-Cézaire-sur-Siagne (Alpes-Maritimes), deux amis sont agressés par, selon les enquêteurs, Matis et Yoann. Le duo partira avec la Clio de leurs victimes. Le 16 à Seillans, une conductrice échappe de peu à un même vol.
Le lendemain, un passant est invité à donner ses affaires à coups de gifles. Il résiste. Le 20, un autre met Matis et Yoann en fuite alors qu’ils partaient avec les vélos de la famille… Et ainsi de suite jusqu’aux interpellations. Celle de Matis se fera non sans quelques derniers délits – vol d’une Mégane et refus d’obtempérer notamment.
« La désinvolture des prévenus et la banalisation de leur violence sont effrayantes, soupire la procureure Estelle Bois. Ils ont fait tout ça pour l’argent et je ne vois aucune remise en question. Ils feront quoi à leur sortie de détention ? La même chose ? »
« On est loin du grand banditisme, tente d’équilibrer Me Lionel Ferlaud en défense de Yohan Q.. Il a compris le mal qu’il a fait. »
En détention, il a d’ailleurs demandé à être placé à l’isolement « car il ne supporte plus la violence ».