Personne n’a osé avant elle. Traverser l’Europe à pied ? Trop commun pour Dora Alcover. Elle, elle préfère marcher en… talons. Armée de ses bottes pouvant aller jusqu’à quinze centimètres, la jeune femme s’est lancée le 6 février dernier de Barcelone pour rallier Craiova en Roumanie. Un challenge de 3 000 kilomètres que la Québécoise de 24 ans réalise pour lever des fonds en faveur de la lutte contre le trafic des femmes.

« En mars de l’année dernière, je me trouvais dans un tuk-tuk au Sri Lanka et j’ai eu cette idée. J’ai toujours voulu réaliser un projet au nom de ma mère, quelque chose qui avait du sens. »

Sa boussole placée sur l’est et sa main sur le cœur en pensant à sa maman disparue, elle se déplace sur les trottoirs des villes et campagnes avec ses chaussures féminines, poussant une poussette où se trouvent ses affaires.

Pas du genre à avoir froid aux yeux, elle cumule 17 à 25 kilomètres par jour.

« C’est aussi un défi mental »

« Une fois je suis montée à trente. Ce n’était pas une bonne idée, même de ma vie je n’avais jamais fait ça ! », s’amuse-t-elle en précisant que non, elle n’a pas le profil d’une sportive. « J’ai évité de m’entraîner avant le premier jour, j’avais peur de me bousiller les pieds. » Et justement la douleur ? « Franchement c’est une fois dépassé la bonne vingtaine de kilomètres que ça commence. J’écoute mon corps et je sens qu’il s’adapte. Et je sais pourquoi je fais ça, c’est aussi un défi mental. » Ses convictions pour défendre les femmes poussent cette globe-trotter à poursuivre la route, coûte que coûte.

« 50 % du temps je suis seule. J’ai de la chance, je n’ai pas eu de mauvaise rencontre. J’ai des amis et de la famille qui me rejoignent pour des étapes, je suis très bien accompagnée ! » Sur les réseaux sociaux, elle raconte – en français, espagnol et anglais – son pèlerinage vers le siège de l’association pour laquelle elle récolte des dons : Reaching Out Romania qui aide les victimes à se reconstruire.

De la galère à Agay jusqu’à la Promenade des Anglais

Au terme de ce trajet, elle deviendra officiellement la première personne à avoir traversé l’Europe en talons. Dont… le Var et les Alpes-Maritimes. C’est d’ailleurs à Agay, sur la commune de Saint-Raphaël, qu’elle a fait face à un imprévu. « On m’a dit qu’il n’y avait pas de place pour que je marche le long de la nationale. Je fais attention à ça. Alors je suis passée ailleurs… » A savoir : le massif de l’Estérel. Alors oui, elle n’y a croisé aucune voiture. Mais des bons reliefs. Le sourire communicatif, elle s’en souvient comme d’une bonne histoire : « J’étais avec deux gros sacs sur mes épaules à marcher dans les roches avec mes talons. Un ami était avec moi, il n’en pouvait plus. Il y a des fois où l’on a dû ôter chaque sac de la poussette, les monter un à un pour continuer. Et ensuite… il s’est mis à pleuvoir ! » Avec le recul, elle reconnaît : « Si j’avais su que c’était aussi galère, je ne serais pas passée par là. »

Ce qu’elle retient de son passage sur la Côte d’Azur ? « Des vues incroyables, surtout sur la Promenade des Anglais. Je pense que ce sont les plus belles images de mon voyage. » Mais aussi une immense émotion arrivée à Menton, en apercevant le panneau marquant la frontière avec l’Italie. Comme si un énorme pas avait été franchi. Ne reste plus qu’à poursuivre, sûrement jusqu’à l’automne. À la rencontre de nouveaux panoramas et inconnus. « Je me rends compte que j’évolue aussi. J’avais des stéréotypes associés aux Français, j’avais peur du jugement. Et franchement j’ai reçu tellement de gentilles interactions avec les gens du Sud, que j’ai changé ma façon de voir. » Parfois, le voyage peut être tout aussi intérieur.

Pour suivre le projet : www.instagram.com/projet.alcover/