Frédérique Dubois, Présidente du CIQ Endoume-Saint-Eugène

« Tellement d’histoires à raconter sur le village »

Frédérique Dubois aime tellement son quartier d’Endoume qu’elle a repris, avec son mari Alain, la présidence du CIQ, alors en sommeil.

Depuis 11 ans, elle arpente chaque ruelle, observe chaque façade avec attention. « J’organise aussi des promenades urbaines sur le quartier. Il y a tellement d’histoires à raconter sur le village où se sont mêlées les familles d’ouvriers et les grandes familles », sourit Frédérique. Parmi les noms qui ont marqué le passé de ce noyau villageois, ceux de Joseph Etienne, « un ouvrier savonnier qui s’est fait tout seul, en devenant fabricant de tonneaux puis en montant son commerce de salaison » ou de François-Auguste de Bompard : « Un marchand d’huile, propriétaire terrien qui possédait la majorité des terrains jusqu’à la mer. La corniche n’existait pas encore. » Le samedi soir, on peut l’apercevoir arroser les jardinières disposées autour de la place Saint-Eugène, réhabilitée en concertation avec les cafetiers et les collectivités, il y a dix ans.

« Bien sûr Endoume ne vit pas seulement dans le passé. Et avec l’afflux des nouveaux habitants, on a vu de jeunes familles s’installer ici après le Covid. Dommage qu’elles aient tendance à rester entre elles », souligne la présidente du CIQ. La fête des voisins n’a pas emballé tout le monde mais ne décourage pas les bénévoles « qui se bougent pour ce lieu qu’il faut sauvegarder » et qui continuent de tisser les liens. « Nous recensons aussi leurs problèmes : vitesse excessive, pénurie de stationnement, dangerosité des trottinettes… Heureusement, nous pouvons compter sur deux lignes de bus, la 80 et 61, qui fonctionnent plutôt bien », ponctue la présidente.

Serge Monaco, Boucher, boulevard Bompard

« On a beau partir, on finit toujours par revenir à Endoume »

Chez Serge, qui a repris les commandes de la boucherie ouverte par son père, René, la devanture n’a pas changée. Tout comme la qualité des produits proposés dans la vitrine. De l’autre côté de la voie, la maison Assaud, charcuterie traiteur depuis trois générations, est aussi un gage de bons produits. Mais une fois les commandes pour le prochain barbecue préparées, les morceaux de viande rangées dans la chambre froide, c’est ici, devant l’entrée de la boucherie à peine masquée par le traditionnel rideau chenille, que les passants marquent la pause. « Ici, tout le monde se connaît. Alors forcément, on s’arrête, on discute et ça peut durer… Reste une mentalité de village, on a tous grandi ici et on a été élevés avec ce sentiment ‘qu’en bas, à la ville, c’était mal fréquenté' », se marre l’artisan. Depuis, Endoume est devenu un haut lieu touristique de la ville. « Les touristes et les loueurs Airbnb s’ajoutent à la clientèle. Et cela vient de partout : du Montana, de Singapour. Je suis toujours perplexe et je leur demande ce qu’ils viennent faire à Endoume ! »

Le trottoir étroit du boulevard ne contient pas la petite troupe qui occupe maintenant un bout de la chaussée. Et ce n’est pas bien grave. Si Serge a vécu quelques années aux Cinq Avenues, il est revenu sur les lieux de son enfance. « On a beau partir, on finit toujours par revenir à Endoume. » Ce jour-là, les limites du quartier font débat. Qu’importe les frontières définies par la carte administrative, ici, on a tranché : « À chacun son Endoume. »

Serge Monaco.Serge Monaco. / Photo Ch.C.

Florence Bianchi, Fondatrice du Glacier du roi

« Endoume me faisait penser aux villages italiens »

Cette Parisienne « jusqu’au bout des ongles », née sur l’île Saint-Louis est tombée sous le charme du quartier lorsque son mari lui a fait visiter les rues de son enfance voilà près de 26 ans. « C’est Endoume qui m’a décidée à quitter Paris pour Marseille. La maison de mes beaux-parents était située sur la rue d’Endoume, on allait se baigner à Malmousque. Le village me faisait penser aux villages italiens, l’ambiance aussi. C’était bon enfant, tout le monde se parlait. Aujourd’hui, cela n’a pas tant changé que cela. L’esprit est le même : on se connaît depuis deux ou trois générations. On ne va pas jusqu’à rentrer dans les maisons, mais il y a toujours de la bienveillance, on prend des nouvelles des uns et des autres et c’est important de vivre ainsi », déroule Florence.

Elle fonde avec ses deux filles, Laure et Sandrine, le Glacier du roi, d’abord au Panier en 2007 puis aux Catalans en 2016. Référencée dans le célèbre guide Gault & Millau, qui loue la qualité de ses produits naturels et sa créativité, l’artisane compte parmi ses fidèles de nombreux amateurs du quartier. « Ils savent qu’ils retrouvent aussi un peu d’Italie dans les bacs », sourit-elle. À côté des parfums traditionnels et des nouveautés 2025 (bissap peach, avocat-vanille, céleri-citron), les nostalgiques de passegiatina seront toujours bien servis.

Florence Bianchi.Florence Bianchi. / Photo Ch.C.

Alexandre Pinna, Propriétaire de Chez Fonfon, Viaghji di Fonfon et Chez Jeannot

« Endoume, comme le Vallon, ne seront pas des cartes postales »

Au Vallon des Auffes, Alexandre Pinna, petit neveu de Fonfon (Alphonse Mounier), a repris les commandes de ces tables historiques qui proposent les incontournables bouillabaisse, seiches en persillade mais aussi les pizzas et les planches à partager. Gardien malgré lui des traditions familiales, Alexandre veille également au bon équilibre de ce repaire de pêcheurs italiens. « J’ai passé mon enfance à Endoume, le quartier a suivi l’évolution de la société, pas plus, pas moins. Ici, au Vallon, il y a toujours eu cet esprit de fête et de familles : quand mon grand-père faisait le plein, il servait une centaine de pêcheurs et je peux vous assurer qu’ils ne buvaient pas que de l’orangeade en silence. »

Il le sait, dès que l’été s’installe, Marseillais et touristes, toutes générations confondues, se croisent, là, sous ce pont dessiné au XIXe siècle par Jean-François Mayor de Montricher, et certains crient au danger et à l’authenticité qui serait menacée. « Il ne faut pas sombrer dans la nostalgie, Endoume, comme le Vallon, ne sont pas des cartes postales. On y vit, on y meurt, on s’organise. Comme là, autour de cette piscine naturelle bien connue de tous les enfants du coin. Aujourd’hui, c’est une association qui gère l’espace en louant des paddles, en assurant la sécurité, en proposant des sandwichs. Et c’est très bien. »

Alexandre Pinna.Alexandre Pinna. / Photo DR