Par

Nicolas Zaugra

Publié le

16 juin 2025 à 17h09

Le réseau TCL est-il vraiment performant ? La lutte contre la fraude est-elle efficace ? Les tarifs sont-ils au bon niveau ? Le financement du développement et modernisation du réseau de tramways, de métros ou de bus est-il assuré ces prochaines années dans la métropole de Lyon ?
À toutes ces questions qui intéressent des milliers d’habitants de la métropole lyonnaise usagers chaque jour du réseau de transport, la Chambre régionale des comptes tente de répondre.
Dans un rapport publié en juin, les experts pointent une situation saine en 2023, mais qui pourrait se dégrader dans les prochaines années. Elle met en garde contre une situation « susceptible de devenir très tendue » face aux milliards d’euros engagés dans les travaux du réseau TCL.

Une situation financière saine mais qui pourrait déraper 

Le rapport publié le 4 juin assure que la situation de Sytral Mobilités (l’autorité organisatrice des transports qui pilote la stratégie du réseau TCL) est « saine » en 2023. La capacité de désendettement est inférieure à deux ans et l’autofinancement (recettes de billetterie, taxes…) couvre 80 % du programme d’investissement.

Mais, un vaste plan d’investissements (6,4 milliards d’euros entre 2024 et 2033, soit plus du double par rapport à 2015-2023) est prévu, « largement financé par emprunt (environ 340 millions d’euros/an) », pointe le rapport.

Le Sytral prévoit en effet un vaste plan de modernisation du métro (automatisation de la ligne A, amélioration de la D, de la C…), la réalisation du tramway express de l’ouest lyonnais (TEOL), de la future ligne T8…

Des dettes et charges importantes

« Il y a un risque de dégradation financière si la totalité du programme est réalisé : dettes et charges d’intérêt fortes, incertitude sur les recettes (versement mobilité plafonné, scénario gratuité enfants de moins de 10  ans, extension zonale TCL) », liste la Chambre régionale des comptes.

Cela risque de faire grimper la capacité de désendettement au-delà de 10 ans, seuil jugé critique par les experts publics.

La Chambre demande au Sytral et à son président Bruno Bernard des scénarios financiers contrastés (optimiste, médian, pessimiste), afin de prévoir l’impact des aléas (ressources, emprunts, investissements), plutôt que s’appuyer sur des hypothèses trop optimistes. Ce qui pourrait engendrer des projets décalés ou annulés…

La fraude, gros point noir du réseau TCL

Dans ce rapport, les experts de la Chambre critiquent la lutte contre la fraude inefficace. « Plus d’une personne sur dix voyageait encore en 2023 au sein du réseau TCL en situation de fraude », pointe le rapport.

Parmi les points noirs sur ce sujet : le manque de validation dans les bus (notamment en heures creuses), l’absence de contrôle dissuasif régulier sur certaines lignes, la tarification perçue comme trop complexe, ce qui dissuade les utilisateurs occasionnels de payer.

Le nombre d’amendes payées et recouvertes n’est pas suffisant (seulement 36,4 % en 2023, l’objectif étant de 43 %), critique aussi le rapport. Bruno Bernard le concède et assure à actu Lyon que le Sytral et l’État vont présenter cet été un nouveau plan contre la fraude mis en œuvre à l’automne 2025.

Les recettes de billetterie sont d’ailleurs vitales pour le financement du réseau, assume le Sytral. Les usagers contribuent à près de 50 % des coûts d’exploitation du réseau TCL en 2023, un ratio parmi les plus élevés en France.

Le nouveau billet rechargeable des TCL à une entrée de métro, à Lyon.
Le nouveau billet rechargeable des TCL à une entrée de métro, à Lyon. (©Ludivine Caporal / actu Lyon)La grille tarifaire et les prix des TCL critiqués

Le rapport note également que le tarif unitaire à Lyon « est l’un des plus élevés de France » : 2,10 € le ticket en 2023 (contre 1,70 € à Marseille ou Lille, 1,90 € à Toulouse).

La création de gratuités ou d’avantages pour certains utilisateurs (jeunes, enfants, plus pauvres) par les écologistes est critiquée. « Ce virage social a été globalement bénéfique en termes d’équité, mais mal anticipé sur le plan budgétaire. Il a fragilisé l’équilibre financier sans mesure d’impact détaillée ni compensation claire », attaque la Chambre.

La lisibilité complexe des différents tarifs de billets ou d’abonnements est aussi un problème. « L’empilement des mesures tarifaires nuit à la lisibilité du système. Cela peut freiner l’usage spontané et renforcer la fraude ou l’évitement », affirme le document.

Les usagers globalement satisfaits, des améliorations attendues

La Chambre régionale des comptes a fait une enquête de satisfaction des usagers du réseau (9 122 réponses exploitables) et montre une note de 6,5/10.
Les points forts soulignés sont la fréquence, la desserte, l’accessibilité et le confort. Ceux à améliorer : l’information en situation d’imprévu, la ponctualité, l’espace à bord, la température des wagons. Les usagers attachent plus d’importance à la qualité qu’au prix, estime également le rapport.

Bruno Bernard veut plus de soutien de l’État et vise les entreprises

Pour le président du Sytral, le doublement de l’investissement dans les transports est une nécessité. Il réclame un soutien financier plus significatif et pérenne de l’État.

L’élu réclame aussi un déplafonnement du versement mobilité, actuellement au taux maximal (2 %) dans la métropole, comme cela a été obtenu à Paris. Concrètement, les entreprises seraient davantage taxées pour financer les transports.

Il admet aussi les incertitudes financières et explique ne pas avoir présenté de prospective dans le budget 2025, invoquant justement cette imprévisibilité des ressources.

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