Cela n’a jamais été un parti et ce n’est plus un collectif mais bien une association qui compte peser et pèse probablement déjà sur les Municipales 2026 à Saint-Etienne. Pas seulement pour servir de « plateforme » à une union de la gauche qui reste à ficeler – du NPA au PS en passant bien sûr par LFI, EELV et le PC – mais aussi et surtout pour orienter la politique qu’elle porterait via une « nouvelle manière » d’exercer la démocratie communale. Rencontre avec des porte-paroles de « Sainté Populaire ».      

Tractage de présentation place Albert-Thomas à Saint-Etienne fin mai. Photo issue du FB de Sainté Populaire

« La Ville est à nous, prenons la mairie », titre ce tract distribué au marché de la place Albert-Thomas fin mai. Il pose l’ambition d’une démocratie la plus directe possible, bien au-delà de l’esprit « consultatif » actuel jugé « biaisé », avec un ancrage très clairement revendiqué à gauche. Ce que ne dément sûrement pas ce logo composé d’une moitié d’étoile inclinée et coupée, vraisemblablement, par des reliefs stéphanois évoquant les emblématiques crassiers. Le tout sur fond rose faisant graduellement équipe avec du vert. A gauche donc. Et à gauche très « largement ». D’où sort le paramètre « Sainté Populaire », d’abord collectif et depuis cet automne passé carrément au statut d’association affichant 200 adhérents pour 80 membres actifs ?

« Officiellement, cela remonte au printemps… à avril 2024, cherche un instant Hedi Zennaf porte-parole actuel (c’est appelé à être renouvelé) vis-à-vis des médias, aux côtés de Fanny Vincent. C’est parti de discussions entre plusieurs associations militantes de gauche, de syndicats, de collectifs, parfois d’individus, tous motivés afin de créer une plateforme qui donnerait une nouvelle orientation à la politique municipale. » Une orientation qui trancherait radicalement, promet l’association par rapport aux modes de gouvernance et ses effets vus jusque-là et qui fait référence dans son état d’esprit au « municipalisme », au « communalisme » (dans un monde ô combien différent de 2025, Saint-Etienne eut d’ailleurs en 1871 quelques jours durant sa « Commune » dans la foulée de celle de Paris qu’elle imita à son échelle et toutes proportions gardées).

Acteur central de convergence

A la manière d’un parti, l’association qui n’en est pas un, pas même l’ersatz local de ce qu’elle considère à ce stade ses « partenaires » de discussions – PC, EELV, PS LFI, NPA -, fait campagne. En tractant sur les marchés, en collant des affiches, en allant frapper aux portes dans les quartiers, pour susciter et capter la motivation de « tous ceux qui en font vraiment la vie ». Objectif, clame-t-elle : intéresser les désintéressés de la politique publique locale et sympathisants de la gauche au sens très large, pour les convaincre qu’ils peuvent être cette fois écoutés. Car cette fois entendus par les leurs… Et donc contributeurs aussi bien dans la « prise » de la mairie, que dans sa gouvernance et le contenu porté par cette même gouvernance. Contenu qui n’est pas prêt : à 9 mois des Municipales, comme partout ailleurs, il se discute logiquement encore. Tandis que de manière « plus croisée que parallèle », décrivent Fanny Vincent et Hedi Zennaf s’élabore aussi l’union avec les partis de gauche. « Tout cela avance graduellement, bout par bout. »

Le but est bien de sortir des accords habituels de partis et d’impliquer des personnes motivées par la gestion publique mais non encartées, des associations, des acteurs du quotidien de Saint-Etienne.

Hedi Zennaf, porte-parole de Sainté Populaire

Sainté Populaire semble avoir au moins remporté cela à ce stade : elle porte LA plateforme d’échanges pour la formation d’une union à gauche, troisième version à Saint-Etienne depuis 2022. Mais entre elle et les appareils politiques des partis cités plus haut, l’union définitive, plus ou moins avancée, est encore à concrétiser et les différentiels (insolubles ?) – programme ou qui en tête de liste -, restent entiers. Il n’empêche que la démarche de Sainté Populaire compte de manière majeure et inédite dans cette tentative de convergence. « Le but est bien de sortir des accords habituels de partis et d’impliquer des personnes motivées par la gestion publique mais non encartées, des associations, des acteurs du quotidien de Saint-Etienne même si oui, certains de nos adhérents sont aussi en parallèle dans des partis de gauche ou l’ont été. Mais cet investissement est indépendant. La démarche ne consiste pas à créer un nouveau parti », insiste Hedi Zennaf, lui-même passé par les Jeunes Communistes comme il l’indique d’emblée.

« Assemblées populaires »

Consciente que l’élection d’une majorité de gauche aux Municipales stéphanoises, ne pourrait pas se passer de « politique classique », donc de l’union des différents partis à gauche, c’est accélérer, influencer et intégrer au maximum sa mise en œuvre, sa nature et son programme que Sainté Populaire vise. Démarche – comme les autres – votée par les adhérents, pas à pas. Samedi encore, dix jours après notre rencontre, sa dernière « assemblée populaire » en date a « approuvé à 96 % » la « stratégie politique à adopter » et « la validation des premiers partenaires, notamment La France insoumise et les Écologistes, dans son ICE (instance consultative élargie, qui façonne la convergence avec les partis, Ndlr) ». Elle a en revanche « rejeté, à 77 %, l’intégration de Place Publique »… 3e vote du week-end : « Les premiers noms des têtes de liste que portera Sainté Populaire pour les négociations dans l’ICE ». Approuvés à 87 %.

Pour ce qui est des interlocuteurs / représentants de l’interne comme de l’externe, « nous souhaitons que Sainté Populaire soit incarnée par de nombreux et différents visages successifs, afin de toujours représenter au mieux ce qu’est vraiment Saint-Etienne, que l’initiative ne soit pas confisquée par quelques individus. Tous les six mois, nous réinterrogeons les mandats des animateurs des cinq pôles de notre organisation (vie militante, communication, relations, coordination, garantie des valeurs initialement votées) », souligne Fanny Vincent. Antithèse voulue et revendiquée de la personnalité providentielle, du guide conducteur infaillible. Logique qui ne peut malgré tout se passer d’imposer aux partis partenaires une bonne proportion de ses propres noms dans une future liste afin justement d’en assurer l’application. Cette synthèse-là attendra, probablement l’automne. En haut de la liste pour l’instant, un programme interne qu’il convient de finaliser avant de le croiser avec celui des partis.  

« Une gestion de la Ville qui répond aux besoins »

Ce n’est donc pas en ce début du mois de juin, que l’on saura si Sainté Populaire veut rendre les transports en commun gratuits comme le PS. Ou alors non, comme EELV, sinon « pas toute de suite » comme dit LFI, dans les deux derniers cas afin de dégager des marges d’investissement pour les développer. Ni si tout sera fait pour acheminer la gestion de la distribution de l’eau – autre vaste affaire de convergence, d’ordre métropolitain elle – et son assainissement, comme l’aimerait des membres venant de l’association Eaux & services publics, dans une régie publique jugée plus apte qu’une DSP car détachée de velléités commerciales sur un enjeu aussi fondamental qu’ignoré du grand public jusqu’à ce qu’un problème émerge. Pas plus qu’une position sur le fait de maintenir la présidence de la métropole dans les mains du maire de Saint-Etienne…

« Ce qui est certain, c’est que nous voulons une gestion de la Ville qui ressemble à ses habitants et répond à leurs besoins, pas à des tentatives permanentes de séduction de l’extérieur, des investisseurs, de pseudo attractivité réalisées au détriment des Stéphanois et dont les énormes manques font fuir. Les quartiers de cette ville sont coupés du centre-ville : comment peut-on ne pas avoir poussé le tram jusqu’à Montreynaud alors qu’il a été amené au Soleil ? Au lieu de ça, on parle d’une ligne pour Steel qui a, lui, déjà vidé le centre-ville… La majorité municipale n’est pas responsable de tous les reculs de services publics mais y participe largement. Le périscolaire, les associations, les amicales laïques… Oui, elles ont une autonomie financière mais la majorité Perdriau a épousé très vite et à fond cette logique délétère et absurde du financement projet par projet. Toutes les associations les savent : ça ne peut pas fonctionner selon ce mode là sans les mettre sans cesse en difficulté. »  

« Il faut donner confiance »

Sainté Populaire revendique, elle, de façonner étape par étape les bases d’une démocratie directe, en allant chercher ces gens « qu’on ne voit jamais mais qui peuvent tant amener, en faisant comprendre à chaque acteur, qu’il n’a pas qu’un avis potentiel sur tel ou tel sujet mais aussi des compétences, des expertises, des connaissances dans ses domaines. Il faut donner confiance dans la légitimité, la capacité à agir de chacun. C’est aussi pour cela que nous voulons des élus représentants régulièrement mis en cause, révocables. » Avec aussi une différence de « statut » beaucoup moins marqué entre conseillers, adjoints et maires, beaucoup moins pyramidal. Ce qui passe par des montants d’indemnités moins forts au sommet.      

En plus des désormais classiques conseils de quartier, aux périmètres remodelés en 2020 – grand classique des débuts de mandat -, la majorité argue pourtant d’un exercice de consultations citoyennes très poussé, en particulier sur ses projets urbanistiques… « La démocratie participative actuelle, n’est que de façade, les consultations de la poudre aux yeux, estime Fanny Vincent. C’est le vernis de décisions déjà prises. Sociologiquement, les quelques personnes qui participent ne reflètent pas dans leur ensemble Saint-Etienne et sont acquises à la mairie. Ce mode opératoire s’adresse volontairement à des CSP +, les plus âgés, les initiés… La plupart des gens ne se sentent pas légitimes pour s’y exprimer et renoncent d’eux-mêmes, découragés par ce qu’ils constatent de toute façon depuis longtemps. Il n’y a pas dans ces instances, les gens qui font réellement les quartiers au quotidien. »

La démocratie participative actuelle, n’est que de façade, les consultations de la poudre aux yeux.

Fanny Vincent, porte-parole de Sainté Populaire

La Primaire à gauche proposée par le PS pour désigner une tête de liste n’était-elle pas un signe de démocratie directe ? Pas pour les deux porte-paroles qui s’expliquent : « Ça n’a pas pour autant mis fin aux discussions pour une union complète mais oui, notre association s’est opposée à cette idée : il y a la défi technique, financier et d’équité – être certain de mobiliser un maximum d’électeurs de gauche, donc obtenir un résultat vraiment représentatif – à réaliser. Il y a, aussi, la question du renouveau de la représentation politique que la Primaire ne favorise sûrement pas. Enfin, une primaire acterait l’échec à ne pas se mettre d’accord. »