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Rédaction Rennes
Publié le
16 juin 2025 à 18h38
Le Crous (Centre Régional des Œuvres Universitaires et Scolaires) de Rennes a demandé à la juge des référés du tribunal administratif de Rennes, ce mercredi 11 juin 2025, d’ordonner l’expulsion de quatre étudiants qui occupaient « sans droit » ni titre des logements étudiants depuis septembre 2024.
Une situation « pressante »
La magistrate, dans un élan « maternant », a proposé aux deux étudiants présents un délai « supplémentaire » s’ils parviennent à démontrer qu’ils ont amorcé les démarches pour régulariser leur situation.
La situation est en effet pressante : voilà une année scolaire que ces quatre étudiants, dont deux seulement ont fait le déplacement au tribunal administratif de Rennes, occupent indûment des logements à Rennes, dans les résidences universitaires de Patton, Beaulieu ou encore Beauregard.
Deux trajectoires de vie différentes
Sur le papier, leur exclusion imminente ne fait guère de doute. « Il y a 537 demandes pour 265 logements », détaille l’avocate du Crous pour justifier « l’urgence » de sa demande. En général, en pareil cas et si la procédure est respectée par l’administration, la Justice laisse donc « quinze jours » aux occupants pour libérer les lieux, explique la juge des référés.
Les deux jeunes hommes de 22 et 25 ans venus détailler leur situation à la juge comprennent vite qu’elle est inévitable, mais il s’agit déjà de bénéficier d’un « délai » plus important.
Ce mercredi 11 juin 2025, ils ont fait le déplacement sans avocat pour venir décrire deux trajectoires pourtant très différentes, mais qui semblent ne pas laisser la magistrate insensible.
Romuald, 22 ans
À seulement 22 ans, Romuald se retrouve en effet seul face aux démarches administratives. Il n’a quasiment « pas connu » sa mère, explique-t-il, et son père souffre de « problèmes de santé mentale », à cause desquels il ne le « voit plus ».
Il n’est donc pas parvenu à récupérer son dernier avis d’imposition, sur lequel il est pourtant rattaché et n’a donc pas pu constituer son Dossier social étudiant (DSE), sans quoi le Crous ne peut s’assurer qu’il remplit les conditions de ressources.
Cette année, l’étudiant en Master 1 Sciences et Vie de la Terre (SVT) a semble-t-il baissé les bras : il avait pourtant bénéficié d’une « décision de réadmission » pour l’année scolaire 2024-2025, explique l’avocate du Crous. Mais sans le DSE constitué, impossible de vérifier qu’il est toujours éligible. Finalement, après relances, il a donc été radié des « listes d’attribution ».
« C’est à vous de vous prendre en main »
Le Crous a pourtant fait preuve de patience à son égard, en lui envoyant « plusieurs « courriers » lui demandant de libérer les lieux, mais ce « boursier échelon 5 » n’y a jamais répondu et s’est maintenu toute l’année dans ce studio qui semble à tout le moins « en désordre ».
«C’est à vous de vous prendre en main, un coup de fil à une assistante sociale, on range et on nettoie », l’a donc houspillé la magistrate administrative, quelque peu sortie de son rôle après avoir expliqué qu’elle a, elle-même, « un enfant » du même âge.
Elle lui a donc proposé un arrangement : si Romuald parvient à lui démontrer d’ici au mardi 17 juin 2025 qu’il a entamé des démarches pour régulariser la situation et ainsi ne pas se retrouver « à la rue », alors elle lui accordera « quinze jours supplémentaires » pour lui laisser le temps de se « retourner », le temps de terminer l’année universitaire. « Sans garants », et même avec un job étudiant, le jeune homme explique qu’il n’a « aucune possibilité » de se loger dans le parc privé.
« Je suis un peu maternante », concède la juge. « Il va falloir vous prendre en main, grandir et vous faire aider », insiste-t-elle, lui proposant même « d’envoyer des photos » pour « montrer ce qui a été fait » dans la chambre universitaire. L’avocate du Crous, qui était donc venue réclamer son expulsion, propose aussi « d’envoyer un mail » pour qu’il soit accompagné. « On vous tend la main, on attend de vos nouvelles ! », conclut la juge des référés, qui s’apprête déjà à aborder le dossier suivant. Et le jeune homme repart, adresse mail du greffe notée à la va-vite.
Souleymane, 25 ans
Souleymane s’avance à son tour pour venir plaider sa cause. Lui vient d’être admis en 3ᵉ année de licence pour la rentrée de septembre 2025, mais il l’intégrera seulement s’il parvient à valider son BTS. Les résultats approchent et l’avenir de ce jeune Tchadien semble ainsi s’éclaircir, mais il a lui aussi loupé le coche de la phase de « réadmission » et n’a pas justifié auprès du Crous de « sa qualité d’étudiant ».
Je n’arrivais pas à trouver de stage en France, donc je suis retourné au Tchad où je l’ai fait dans le pétrole.
Souleymane
Mais à son retour en France, le Crous lui réclame des impayés de loyers et la « phase complémentaire » pour l’attribution des logements est déjà clôturée. L’étudiant se présente donc au guichet du Crous pour rembourser sa dette, « mais ils ne prennent pas d’argent comme ça », lui explique l’agent qui le reçoit. Le jeune homme se retrouve ainsi menacé d’expulsion.
Ce jeune de 25 ans est pourtant parvenu à décrocher un job étudiant pour « rembourser ses dettes » : le week-end, celui qui étudie dans « la fabrication de pièces aéronautiques et automobiles » officie sur le campus de Rennes-2 en tant qu’agent de sécurité incendie. Ce garçon, qui a « de la famille » à Tours (Indre-et-Loire), vient aussi d’entamer des « démarches » pour obtenir un logement social.
« Faites les démarches »
Vous avez une famille, un peu plus de revenus et l’air de faire des démarches… Je vais vous laisser un délai pour vous retourner.
Juge des référés
« Faites les démarches », répète-t-elle à plusieurs reprises à celui qui lui semble « suffisamment dégourdi » pour le faire. « Je sais, c’est casse-pieds de faire les papiers », s’amuse la magistrate, comme pour dédramatiser la lourdeur de ces situations.
Elle rendra donc « trois décisions cette semaine » – celles concernant Souleymane et les deux absents. Pour Romuald, en revanche, elle décide d’attendre « un peu », le temps de « voir si ça bouge ».
CB (PressPepper)
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