« À 10 ans, plus de la moitié des enfants scolarisés dans des écoles proches de points de deal ont déjà été approchés par des dealers. » À Rennes, le constat de Frédéric Breubion, chef du bureau de police du Blosne, est sans appel. Pour éviter le recrutement d’enfants dans le trafic de stupéfiants, ce mardi 17 juin, la police rennaise organisait une matinée de découverte du commissariat. 79 élèves de CM1 scolarisés dans les écoles primaires Volga et Thorigné au Blosne participaient.

« Plus de la moitié d’entre eux a déjà eu des propositions des dealers, souffle le chef de police. Au départ, les trafiquants présentent un visage sympathique. Ils proposent des bonbons ou des kebabs. Après, quand ils les connaissent un peu plus, ils leur demandent des petits services moyennant des rémunérations. Voilà comment ils recrutent des enfants pour devenir des guetteurs. »

Sur le sujet, les enfants ont en effet tous des anecdotes à raconter. Bountouraby, 10 ans, explique : « Je jouais au parc Slovène avec mes trois petits frères quand les dealers nous ont proposé des bonbons. Mes frères se sont précipités, mais moi j’ai dit : « non ». En classe on m’avait prévenue que cette proposition était intéressée pour nous faire rentrer dans leur trafic, je sais maintenant qu’il faut dire non. » Et l’élève de CM1 de continuer : « Mais il n’y a pas que le trafic, il y a aussi les rodéos en scooter. Le mois dernier, on jouait au parc quand un gars est passé à fond sur son scooter. Le petit frère d’une copine courait mais il est tombé. La moto n’a pas pu l’éviter et lui a roulé dessus. Le pauvre… Il a 7 ans… Il a eu le front ouvert et la jambe cassée. Il y avait du sang partout… »

Le récit de Bountouraby déclenche de nombreux souvenirs chez ses copines de classe. Toutes ont été témoins de faits similaires. Trafic, rodéos ou fusillades… Elles ont toutes des choses à dire.

« La situation se dégrade depuis 5 ou 6 ans, ajoute Maud, institutrice à l’école Thorigné depuis 12 ans. L’ambiance n’est pas propice au travail. On a mis des grandes bâches noires en maternelle pour éviter que la drogue ne soit cachée dans la cour de récré, on a occulté les fenêtres. Nos élèves arrivent à l’école avec plein de choses dans la tête. Quand il y a eu les fusillades pour le point de deal de Banat l’an dernier, les élèves n’étaient pas concentrés du tout la semaine suivante. Les trafics mettent à mal notre travail. On explique aux élèves qu’il faut travailler à l’école, qu’il y a des règles, qu’il faut s’entraider, que l’empathie est importante… Et en sortant de l’école, ils se confrontent à une réalité totalement différente. »

Démonstration de drone.Démonstration de drone. (Le Télégramme/Claire Staes)

C’est la deuxième année que la police de Rennes crée un partenariat avec les écoles du Blosne pour tenter d’éviter que les enfants n’entrent dans le trafic. C’est également l’occasion de faire changer l’image que les jeunes peuvent avoir de la police. « On est allé rencontrer les élèves à deux reprises dans leur classe durant l’année scolaire, explique Maud Le Jossec, lieutenant en charge du dispositif. On se présente. Ils nous connaissent. On explique notre métier et on rappelle qu’on est là pour protéger la population. »