Face aux constats majoritairement négatifs d’une mission d’inspection, Élisabeth Borne a décidé d’«ajuster» à la rentrée ce dispositif, hérité de Gabriel Attal, avant de trancher définitivement à l’automne.

L’avenir des groupes de besoins au collège s’assombrit encore un peu plus. Une «organisation ajustée» à partir de la rentrée avant des «décisions» à l’automne : alors qu’un rapport intermédiaire dresse un constat majoritairement «négatif» du dispositif, ces groupes semblent plus que jamais fragilisés. La ministre de l’Éducation nationale Élisabeth Borne leur a cependant offert un sursis en décidant de les maintenir pour l’année scolaire 2025-2026 avant de trancher sur leur poursuite ou leur disparition.

Les groupes de besoin, à l’origine appelés groupes de niveau, constituaient la mesure phare du «choc des savoirs» lancé par Gabriel Attal en décembre 2023, lors de son passage Rue de Grenelle. Objectif affiché à l’époque : provoquer «un sursaut pour l’avenir de notre école». Outre la labellisation des manuels, les nouveaux programmes en primaire, le dernier mot donné aux enseignants en matière de redoublement, le brevet rendu obligatoire et une nouvelle épreuve de mathématiques en fin de première, le jeune ministre avait alors annoncé l’instauration de groupes de niveau en français et en mathématiques, en 6e-5e en 2024 et en 4e-3e en 2025. Cette mesure avait fait ruer nombre de syndicats dans les brancards. Et petit à petit, les successeurs de Gabriel Attal avaient commencé à la détricoter.

En novembre 2024, le Conseil d’État avait en outre estimé que la mise en place des groupes de besoins n’était pas contraire au «collège unique», mais qu’elle devait faire l’objet d’un décret de Matignon et non pas d’un «simple arrêté» du ministère de l’Éducation nationale. La juridiction administrative avait cependant autorisé la poursuite des groupes de besoin déjà instaurés, afin de «ne pas bouleverser l’organisation des collèges en cours d’année scolaire». En avril dernier, le premier ministre François Bayrou a donc signé un décret entérinant la création de groupes de besoins en 6e et en 5e.

La «grande difficulté scolaire» pas «résorbée»

En parallèle, en mai 2024, la Rue de Grenelle avait lancé une mission «de suivi et d’évaluation» du dispositif, confiée à l’Inspection générale de l’Éducation, du Sport et de la Recherche (Igesr). Dans son rapport intermédiaire, rendu il y a quelques semaines, celle-ci préconise «de revenir sur le caractère systématique de cette mesure pour tous les élèves de 6e et de 5e sur l’ensemble des heures de français et de mathématiques, en redonnant de l’autonomie aux chefs d’établissement dans les choix à opérer localement».

Les inspecteurs dressent en effet plusieurs constats «négatifs», concède le ministère de l’Éducation nationale. D’abord, les élèves ont très peu navigué entre les groupes au cours de l’année, contrairement à l’esprit initial du projet. Ensuite, la mise en place de ce dispositif, très complexe, a occasionné des «tensions» dans le fonctionnement des établissements. Enfin, estime l’Igesr, si les groupes de besoins ont certes «offert une réelle visibilité à la grande difficulté scolaire», ils n’ont pas permis de «résorber» cette dernière.

«Les élèves les plus fragiles, ’à forts besoins’, n’ont clairement pas bénéficié des avancées attendues de la mesure. Les raisons en sont multiples mais le risque est majeur de voir les écarts de compétences se creuser entre les élèves et ainsi fragiliser fortement le retour en classe entière en début de 4e», alertent les auteurs du rapport intermédiaire. «C’est la confirmation de l’échec de ces groupes. Il aurait mieux valu nous écouter!», triomphe Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, syndicat majoritaire dans le second degré, très opposé au dispositif.

Après étude de ce rapport, Élisabeth Borne a décidé de maintenir les groupes de besoins à la rentrée 2025 avec «une organisation ajustée». Il faudra notamment «clarifier les modalités de constitution des groupes» et «mettre en place un soutien fort des équipes avec un accompagnement de proximité», précise la Rue de Grenelle. À l’automne, lorsque seront rendues les conclusions définitives de l’Igesr, la ministre d’État «prendra les décisions pour la suite». «On attend d’en finir définitivement avec ces groupes de niveau, et avec le choc des savoirs!», conclut Sophie Vénétitay.