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Augustin Delaporte

Publié le

17 juin 2025 à 19h22

Le café, c’est l’endroit choisi par Marion Waller pour faire campagne. C’est là que la directrice du Pavillon de l’Arsenal, 32 ans, rencontre à tour de bras des militants socialistes depuis mars, en vue de la primaire socialiste prévue les 30 juin et 1er juillet 2025. C’est aussi là qu’elle nous a donné rendez-vous, à une adresse du quartier Saint-Ambroise, à Paris (11e). Elle y a ses habitudes, et arrive avec dix petites minutes de retard et des heures de sommeil à rattraper, visiblement. « C’est intense », répétera-t-elle deux fois en nous quittant, après une interview de près d’une heure. 
Comme si, d’une certaine manière, le challenge de faire campagne pour la Mairie de Paris surpassait l’idée qu’elle s’en était faite. Depuis le banc de la terrasse éphémère, les promesses et les paillettes du meeting du 5 juin avaient, déjà, quelque peu perdu en éclat. Plusieurs relances auront été nécessaires pour obtenir des réponses concrètes de la part de « la challengeuse ». Son œil s’est cependant illuminé quand on a évoqué le défi qui l’attend, face aux favoris Emmanuel Grégoire et Rémi Féraud. Il lui reste désormais treize jours pour renverser la table. Entretien.

actu Paris : Lors de la présentation de votre programme, vous avez dit à plusieurs reprises que le féminisme avait jalonné votre parcours. Comment cela s’est-il exprimé ?

Marion Waller : Ça vient de très loin… Je pense que ça me travaille depuis le collège, que, quelque part, j’ai toujours été assez énervée. En classe, je faisais des interventions sur ces sujets. C’est quelque chose que l’on retrouvait dans mes devoirs, mes rédactions. Ça a rapidement été une évidence, parce que je suis une jeune femme, tout simplement.

Au travail, je n’ai jamais accepté que moi ou une autre se fasse couper la parole lors d’un événement. Il m’est arrivé d’envoyer des mails pour faire remarquer une différence de traitement. En 2020, j’ai aussi créé le collectif Fortes, pour porter les sujets féministes dans la campagne [d’Anne Hidalgo]. Il y avait déjà le sujet du congé menstruel, notamment. 

Paris est un lieu refuge, il ne doit pas y avoir d’ambiguïté

Marion Waller

actu Paris : Pourtant, dans votre programme, mis à part celle concernant le congé parentalité, aucune des 14 mesures ne cible directement la cause des femmes, ou la communauté LGBTQIA+.

M.W. : Je crois, avant tout, que c’est une posture à assumer, un débat idéologique. La droite a beaucoup attaqué sur ce sujet-là, mais c’est également un point de clivage à gauche. Rémi Féraud, par exemple, ne veut pas être considéré comme « woke », c’est ce qu’il a dit lors du débat socialiste. Cela nous différencie. 

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La benjamine à la primaire socialiste 2025 avait officiellement lancé sa candidature le 16 mars dernier. (©AD / actu Paris)

actu Paris : Vous dites que c’est principalement une posture, plus que des mesures à prendre ?

M.W. : Oui. Paris est un lieu refuge, il ne doit pas y avoir d’ambiguïté. 

actu Paris : Concrètement, comment cela s’illustrerait dans votre politique ?

M.W. : Nous devons mieux accueillir les femmes victimes de violences, en créant des lieux comme la Maison des femmes à Saint-Denis, où il y a un vrai accompagnement psychologique. L’espace public doit aussi être plus sécurisé, grâce à la police municipale.

actu Paris : C’est-à-dire, en formant ses agents ?

M. W. : Oui, par exemple. Même si je ne dis pas qu’elle est n’est pas bien formée aujourd’hui.  

actu Paris : Lors de votre meeting du 5 juin, vous avez aussi évoqué l’éclairage public. Êtes-vous êtes sensible à la notion d’urbanisme féministe ?

M. W. : Je pense effectivement qu’il faut se mettre à la place des usagères. Parce que, si l’on pense les choses de façon neutre, on les fait pour un homme, d’une certaine taille, etc.

Nous sortons de deux mandats de transition… Le prochain servira à réguler tous ces changements

Marion Waller

actu Paris : Vous dites vous inscrire pleinement dans la continuité de la maire sortante, Anne Hidalgo. Si vous deviez retenir une chose de ses deux mandats, ce serait laquelle ?

M.W. : La vitesse à laquelle l’espace public a été transformé, sans aucun doute. C’est fantastique. Il suffit d’en parler à l’étranger, personne n’a fait aussi vite. Que cela soit les pistes cyclables, la végétalisation, etc. Selon moi, il y a un dossier qui illustre bien ça et auquel je suis fière d’avoir participé, c’est celui des rues aux écoles.

Marion Waller, candidate surprise de la primaire socialiste à Paris.
Marion Waller, avec son programme « Partager Paris » dans les mains. (©AD / actu Paris)

Aujourd’hui, il y en a un peu partout et c’est un très bel exemple de tout ce qui a été fait à Paris ces dernières années. Nous sortons de deux mandats de transition et je crois désormais que le prochain servira à réguler tous ces changements d’infrastructures et leur impact sur les comportements, à mieux cohabiter.

actu Paris : Il y aura moins de travaux à Paris dans les mois et années à venir ?

M.W. : Une certaine sobriété budgétaire est nécessaire, mais, d’autre part, lorsqu’on investit dans le logement, ça n’est pas de l’argent jeté par les fenêtres. Nous voulons beaucoup investir sur les thématiques des inégalités sociales.

Les jeunes doivent pouvoir « vivre Paris », même si c’est dans une chambre de bonne. Aujourd’hui, le risque qu’ils ne puissent plus venir s’y installer est présent

Marion Waller

actu Paris : Votre engament a commencé avec la campagne d’Anne Hidalgo en 2014, vous avez dit être fière d’avoir voté pour une femme de gauche et vous assumez entièrement son bilan. Avez-vous, de fait, accepté son choix de désigner Rémi Féraud comme successeur ? Ou avez-vous été surprise ?

M.W. : Oui, j’ai été surprise [silence]. Ça n’est pas d’une intronisation dont Paris a besoin pour son avenir, mais d’un élan, d’un projet fort. Il n’y a pas qu’une seule manière d’être fidèle à un bilan et, quoi qu’il en soit, il y a une primaire…

actu Paris : Savez-vous comment Anne Hidalgo a accueilli votre candidature, avez-vous été en contact à ce sujet ?

M.W. : Non.    

actu Paris : Si vous deviez dégager deux grands enjeux du prochain mandat, quels seraient-ils ?

M.W : Il y a d’abord celui de la jeunesse. J’ai eu une discussion à ce sujet avec Bertrand Delanoë, qui m’a beaucoup émue. Elle tournait autour de « la promesse de Paris », du fait que les jeunes doivent pouvoir « vivre Paris », même si c’est dans une chambre de bonne. Aujourd’hui, le risque qu’ils ne puissent plus venir s’y installer est présent. 

Marion Waller
Marion Waller est arrivée à Paris à 17 ans pour les études. (©AD / actu Paris)

L’autre enjeu, c’est celui du Grand Paris. Nous devons repenser notre politique à une autre échelle. Paris n’est pas une île. Quand on pense à la pollution, on ne peut pas s’arrêter aux frontières de notre ville. Lorsqu’on transforme le périphérique, il faut réfléchir à le faire sur les autoroutes urbaines de la région. Idem pour le logement, les transports, etc.

Aujourd’hui, la coordination n’existe pas vraiment, pourtant, il y a un outil avec la Métropole du Grand Paris. Beaucoup n’y croient plus, ils disent qu’elle est à droite… Mais le changement peut être impulsé par la Mairie de Paris et cela démarre dès la campagne. 

Je crois que si la gauche n’est que dans la continuité, nous perdrons

Marion Waller

actu Paris : Dans les faits, comment comptez-vous procéder ?

M.W. : Il faut présenter un projet commun. Si 100 élus de gauche portent une mesure, cela aura du poids…

actu Paris : Certains vous soutiennent déjà ?

M.W. : Il y a Soraya Jebari, qui était à mon meeting… J’ai aussi échangé avec une dizaine d’entre eux avant de me lancer dans la primaire. 

actu Paris : Quand le projet commun pourrait-il être finalisé ?

M.W. : Actuellement, le sujet est un peu sur pause avec la primaire, mais probablement fin 2025.

actu Paris : Trivialement, quels sont les atouts de votre candidature ?

M.W. : J’incarne le nouvel élan, la voie pour raconter une nouvelle histoire. Cela s’appuie sur des choses sur lesquelles j’ai travaillé ou que j’ai vécues. Je suis aussi la candidate la plus progressiste, la plus avant-gardiste. J’ai un rapport différent à la politique que les deux autres candidats, plus osé.

Je me présente du haut de mon expérience de jeune femme de 32 ans, et quand je dis ça, j’estime que c’est un plus. J’apporte un regard neuf. Je crois que si la gauche n’est que dans la continuité, nous perdrons. Il y a besoin de fraîcheur. 

Marion Waller
Avant la primaire, Marion Waller multiplie les rencontres avec les militants du PS. (©AD / actu Paris)

actu Paris : À la primaire socialiste du 30 juin, vous partez avec un important déficit d’image par rapport à l’ancien premier adjoint, Emmanuel Grégoire, et au candidat désigné par Anne Hidalgo, Rémi Féraud. Quelle est votre stratégie pour combler ce retard ?

M. W. : Avec un travail de terrain. C’est un petit monde et j’essaie de rencontrer un maximum de militants, en me rendant dans toutes les sections et en proposant des cafés à ceux qui le souhaitent pour discuter. C’est intense [elle répète]… Ils ont tous les deux dirigé la fédération socialiste de Paris, je suis clairement la challengeuse

actu Paris : Si vous étiez élue maire de Paris en mars 2026, vous avez dit que votre première mesure serait celle d’instaurer le revenus jeunes. Pouvez-vous nous en dire plus sur l’agenda de sa mise en place et la manière dont vous comptez le financer ?

M. W. : C’est une mesure que nous voudrions mettre en place dès la première année du mandat. Elle sera financée par une taxation supplémentaire sur la spéculation des transactions immobilières élevées, comme la vente d’un hôtel particulier à 100 000 euros. Concrètement, cela sera 3000 euros par an, sous conditions de ressources. C’est un exemple de ce que nous voulons faire en matière de redistribution. 

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