Ce mardi 17 juin marque la fin théorique du conclave sur les retraites organisé par le Premier ministre, François Bayrou. Outre la pénibilité au travail ou l’âge de départ, de nombreux sujets sont abordés par les partenaires sociaux, syndicats et Medef. Parmi ceux-ci, l’un d’entre eux flotte dans l’air du temps : la mise en place de la retraite par capitalisation.
Un système établi dans différents pays du monde, et sous différentes formes (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, Suède, Pays-Bas…), véritable serpent de mer en France, qui a été relancé au début d’année par la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). « Cela doit faire partie des discussions », a renchéri Astrid Panosyan-Bouvet, la ministre du Travail, soutenue par Benjamin Haddad, ministre de l’Europe, qui envisage l’idée d’introduite « une dose de capitalisation ». Même la CFDT, par la voix de sa secrétaire générale, Marylise Léon, a déclaré qu’il n’y avait « pas de tabou » à ce sujet.
Mais concrètement, de quoi s’agit-il ?
Depuis 1945, le système des retraites en France est un système dit « par répartition », synonyme de solidarité entre les générations : les actifs cotisent pour payer les pensions des retraités actuels.
Dans un système « par capitalisation », les cotisations des actifs sont placées sur les marchés financiers (actions, obligations, fonds, etc.) ou auprès d’organismes spécialisés comme des fonds de pension. Et les rendements de ces placements sont destinés à payer leur future pension. Une forme d’épargne/investissement destinée à constituer un capital qui financera sa propre retraite à chaque travailleur.
Ce capital peut, une fois l’heure de la retraite sonnée, être perçu soit en une fois, laissant libre cours à son détenteur d’en disposer à sa guise, soit être converti en rente viagère, avec une somme versée tous les mois jusqu’à son décès.
Une addition au système actuel plutôt qu’un remplacement
Aujourd’hui, aucune des parties concernées n’envisage un remplacement complet du système de répartition par un système de capitalisation. Mais le patronat défend l’idée d’ajouter une « brique » ou un « pilier » de capitalisation au système actuel pour soulager la tension sur les caisses de retraite et dont l’importance resterait à définir (10 %, 15 %, 25 % ?).
Un procédé déjà mis en place dans la fonction publique (retraite additionnelle de la Fonction publique – RAFP), à la Banque de France, ou encore pour les pharmaciens. C’est le même procédé que proposent certaines solutions individuelles ou d’entreprises comme avec des Plans épargne retraites (PER).
Ici, la différence viendrait de l’aspect obligatoire et généralisé de cette solution.
Comment financer cette mesure ?
Même chez les favorables à la retraite par capitalisation, le financement de ce pilier fait débat. Bien qu’ardant défenseur, le patronat insiste pour que les cotisations des entreprises n’augmentent pas. Aussi, celui-ci suggère tantôt la suppression de trois jours fériés qui serviraient à financer cette capitalisation, tantôt l’augmentation de la durée hebdomadaire de travail.
L’économiste à l’OFCE (l’Observatoire français des conjonctures économiques), Vincent Touzé, propose d’accroître d’un ou deux points les cotisations des salariés et des employeurs pour les flécher vers la capitalisation.
Un régime qui peut être profitable, mais qui peut être (très) risqué, et inégalitaire
La retraite par capitalisation induit une introduction des cotisations en Bourse et peut alors rapporter à ses investisseurs. Ainsi, si, par exemple, la RAFP propose un taux de rendement annuel moyen de 4,2 % via un fonds de pension public, l’investissement en Bourse comporte toujours des risques.
Et ce sont ces risques qui représentent un des motifs principaux de refus des opposants au régime de capitalisation. Outre le fait d’introduire cette notion dans le système de retraite des Français (une sorte de pied dans la porte qui pourrait mener vers plus), cette solution expose l’investissement des cotisants aux aléas de la spéculation et des crises.
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Aux Etats-Unis, les retraités tremblent à chaque crise politique, financière, internationale ou environnementale. Ils craignent de voir leur pension diminuer comme ce fut le cas en 2007 avec la crise des subprimes qui a vu de grands fonds de pension s’écrouler, et avec, les pensions de retraite s’envoler. Au Royaume-Uni, des milliers d’employés ont été totalement privés de leur pension après le détournement de fonds révélé dans l’empire Maxwell. En 2001, 45.000 petits actionnaires auront perdu tout ou partie de leurs économies dans les fonds de pension placés en actions et les salariés ont perdu 1,2 milliard de dollars d’épargne-retraite dans le scandale Enron.
Un système inégalitaire et coûteux
De plus, les syndicats et de nombreux économistes pointent l’aspect inégalitaire d’une telle réforme. En effet, la capitalisation et ses revenus dépendent de l’investissement consenti. Aussi, les plus hauts revenus, par une cotisation ou des participations plus importantes, bénéficieront plus largement des rendements et de placements.
De plus, ces dispositifs sont coûteux pour les finances publiques du fait des niches fiscales dont ils bénéficient comme en témoigne la Cour des comptes dans son rapport de février 2025 « Situation financière et perspectives du système de retraites » : « Même s’ils sont limités, ces dispositifs [de capitalisation ou de plans d’épargne retraite] sont coûteux pour les finances publiques. En effet, les cotisations à ces régimes bénéficient de réductions de cotisations sociales et de déduction de revenu imposable, pour un coût estimé à 1,8 milliard d’euros par an. » Des coûts qui pourraient, selon plusieurs économistes, être injectés dans le système de répartition actuel…