L’édition 2025 du Salon du Bourget a ouvert lundi sur une grosse polémique. Plusieurs stands israéliens de l’armement exposant des « armes offensives » ont vu leurs accès condamnés, sur décision du gouvernement français, provoquant la colère d’Israël. Pour le ministère israélien de la Défense, qui a dénoncé une « ségrégation », cette mesure « rompt avec les pratiques habituelles des expositions de défense dans le monde ».

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Officiellement, aucun des industriels de l’armement que nous avons interrogés n’a souhaité s’exprimer sur cette polémique. En « off », certains nous glissent cependant qu’elle serait passée relativement inaperçue dans les travées du salon. « Il n’y aurait pas eu de news là-dessus lundi, je n’en aurais rien su », nous assure l’un d’eux, mardi.

« Deux fois plus de délégations qu’il y a deux ans »

Plusieurs d’entre eux nous expliquent que les nombreuses délégations présentes au salon, se soucient d’ailleurs « davantage du conflit en Ukraine que de l’opposition entre Israël et Iran », même si tout le monde suit évidemment de près les évolutions du conflit entre ces deux derniers.

« La guerre entre l’Ukraine et la Russie regroupe tous les types de batailles, puisque cela se joue dans les airs, sur terre, avec des drones et un bon nombre d’innovations… Et c’est un conflit qui s’inscrit dans la durée », explique ainsi un industriel. C’est également « une guerre qui se déroule sur le territoire européen, pas loin de chez nous », pointe un autre exposant. « On ne discute pas nécessairement d’un conflit en particulier, mais les tensions internationales se font ressentir » explique encore un autre.

Que ce soit au Moyen-Orient ou en Europe, l’évolution du contexte géopolitique marque en effet les esprits, et fait se bousculer les délégations étrangères, notamment européennes, à ce salon, toutes à la recherche de solutions souveraines pour assurer leur défense. « Par rapport à il y a deux ans, qui était déjà une grosse édition, nous recevons deux fois plus de délégations », nous affirme ainsi un industriel.

Des innovations appelées One Way Effector, Veloce 330, Foudre ou RapidFire

Cette édition 2025 du Salon aéronautique et de l’espace, ou Paris Air Show, est d’ailleurs marquée par une kyrielle d’innovations côté défense, surtout inspirées de la guerre en Ukraine. L’offre de munitions téléopérées (MTO), ou drones kamikazes, se développe ainsi comme jamais. Comme la Veloce 330, l’une des plus abouties, conçue par EOS Technologie en partenariat avec KNDS. Dix-sept de ces MTO, d’une portée comprise entre 80 et 100 km pour une autonomie de 3 heures, vont être livrées aux armées françaises, pour des expérimentations. On peut aussi citer le partenariat entre KNDS (encore) et Delair, pour une MTO capable d’emporter une charge de 500 grammes sur une vingtaine de kilomètres.

Turgis et Gaillard présente de son côté son Foudre, un lance-roquettes multiple de nouvelle génération à longue portée (jusqu’à 1.000 km), conçu pour opérer dans des scénarios de haute intensité.

Le Foudre, projet de lance-roquettes présenté par Turgis Gaillard.Le Foudre, projet de lance-roquettes présenté par Turgis Gaillard. - M.Bosredon

Développée par KNDS et Thales, la tourelle téléopérée de 40 mm RapidFire, capable de cibler un « large éventail de menaces allant des avions légers aux drones en passant par les munitions rôdeuses, ou encore les missiles, jusqu’à 4 km », se décline désormais en version terrestre après sa version navale.

La guerre en Ukraine apporte « un retour d’expérience »

Mais l’une des grandes surprises de ce salon se trouve sur le stand de MBDA, leader européen de la conception de missiles, qui a dévoilé son « One Way Effector ». « C’est une munition adaptée à la haute intensité, et au nécessaire retour à la masse dans les forces armées, pour mener à bien les missions de frappes de saturation longue portée, nous explique Hugo Coqueret, responsable du Business Development dans le domaine du champ de bataille. Pour la produire à haute cadence, nous nous sommes alliés à un industriel automobile français, afin de capitaliser sur leur chaîne de production » ajoute-t-il. Les cadences envisagées seront de l’ordre de « 1.000 munitions par mois », quand, à titre de comparaison, MBDA produit 40 Mistral [missile sol-air courte portée] par mois, un produit certes plus complexe.

Maquette, à l'échelle 1/2, du One Way Effector, munition de saturation longue portée présentée par MBDA.Maquette, à l’échelle 1/2, du One Way Effector, munition de saturation longue portée présentée par MBDA. - M. Bosredon / 20 Minutes

Propulsée par un turboréacteur, le One Way Effector atteindrait une vitesse jusqu’à 400 km/h, et emportera une charge militaire d’une quarantaine de kilos, à une portée de 500 km. « Cette munition est tirée au sol depuis une rampe, vole à 1.000 mètres d’altitude, et atteint sa cible par coordonnée GPS, détaille Hugo Coqueret. L’idée est de saturer la défense antiaérienne ennemie, pour l’occuper à traiter cette munition. C’est clairement le retour d’expérience de l’Ukraine qui nous a amenés vers cette solution, car il nous a montré qu’il est nécessaire de produire à bas coût, et de retrouver de la masse. »

Habitué aux programmes sur de longues durées, parfois supérieures à dix ans, les industriels de l’armement se retrouvent bousculés par la cadence des innovations portées sur le front en Ukraine. « Outre le retour à la masse, la guerre en Ukraine nous enseigne la rapidité, l’agilité et l’innovation, confirme une responsable de MBDA. Les menaces évoluant rapidement, il faut que nous soyons en capacité de suivre ce rythme. » « Nous sommes partis d’une feuille blanche en décembre dernier, et aujourd’hui nous annonçons qu’un démonstrateur volera d’ici septembre ou octobre de cette année, souligne Hugo Coqueret. L’objectif étant de sortir un premier lot de munitions, qualifiées, à horizon 2027. »

« Une production de missiles doublée en deux ans »

MBDA travaille parallèlement sur de nouveaux missiles longue portée, « qui sont davantage des armes de décision, très sophistiquées, avec beaucoup de technologie. Le One Way Effector est, lui, pensé comme une arme de saturation, simple et bas coût. » Pour MBDA, l’objectif est de rendre ces systèmes d’armes « complémentaires ».

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L’industriel porte en tout une cinquantaine de programmes de missiles différents en Europe, et en a une trentaine supplémentaire en développement. « Dans le cadre de l’économie de guerre, nous avons réalisé énormément d’efforts pour accélérer notre production, ajoute une responsable chez MBDA, puisque entre 2023 et 2025, nous avons doublé la production de missiles, ce qui est énorme. »