La librairie Kléber est l’une des plus grosses locomotives culturelles de Strasbourg, mais aussi du Grand Est. Elle dispose de 100 000 ouvrages dans les rayons sur trois niveaux. Cette offre et son chiffre d’affaires en font l’une des cinq plus importantes en France. « Trop à l’étroit pour accueillir sa clientèle mais aussi pour assurer de bonnes conditions de travail aux 50 collaborateurs (dont 30 libraires) qu’elle emploie », elle va faire l’objet d’un important chantier de sécurisation pour garantir la poursuite son activité, apprend-on dans le projet de délibération qui sera soumis au vote en conseil municipal le 23 juin prochain.

Une institution strasbourgeoise, du bar – dancing à la librairie

Le chantier est stratégique pour maintien d’une dynamique économique en centre-ville et de l’animation de la cité. Institution strasbourgeoise, la librairie Kléber est « garante, avec les 26 autres librairies du centre-ville, d’une dynamique culturelle et économique chère aux Strasbourgeois », souligne la Ville dans son document de présentation. Construit au 9, place Kléber en 1914, l’immeuble intègre le projet de la Grande percée initié à partir de 1910 au sein du tissu ancien de l’ouest de Strasbourg, sous la direction de Fritz Beblo.

Dans son descriptif, la Ville précise que son emplacement stratégique, à l’angle des rues du 22-Novembre et de la place Kléber, incite l’architecte municipal Fritz Beblo de marquer la fin de la percée par des arcades – qui devaient s’inspirer de celles de la rue parallèle des Grandes-Arcades. Cette idée ne sera que partiellement suivie – au 9, place Kléber – « afin de mettre plus en valeur les façades des nouveaux immeubles dont le Kaufhaus Modern (actuel Galeries Lafayette) ». En 1922, rappelle la délibération, le Grand Café de la République est installé au rez-de-chaussée. Il est remplacé en 1936 par le Rio, comprenant un café et plusieurs salles de dancing, dont une s’appelant 4 Z’arts. Enfin en 1950, la partie café du Rio devient le Pic-Pic, l’établissement conserve ses salles de dancing uniquement.

Arrivée des éditions Gallimard en 1962

C’est en 1962 que la librairie Kléber s’installe dans l’immeuble. Le dernier dancing, le Pic-Pic, ferme. Ainsi s’achèvent 50 ans de bars dansants et cafés dans l’immeuble. En 1979, un autre locataire historique s’installe dans l’immeuble : Lancel. L’enseigne de maroquinerie de luxe occupe aujourd’hui encore son local commercial.

À noter que le bail emphytéotique des frères Horn se termine en 1981, la Ville de Strasbourg devient à ce moment-là propriétaire de ce bâtiment situé aujourd’hui dans le Plan de sauvegarde et de mise en valeur de la Ville (PSMV). Concrètement, la librairie Kléber, exploitée par les éditions Gallimard, est titulaire de deux baux commerciaux : pour la partie commerce sur une surface totale de 1 465 m2 (ce bail est en tacite reconduction depuis 2022). Pour la partie bureau, la surface totale est de 102 m2  et le bail court jusqu’au 8 octobre 2029.

Sécurité, extension et conditions d’accueil

Cette délibération donne le feu vert au bailleur Habitation Moderne – qui gère le bâtiment –, à engager des travaux portant sur la toiture, les menuiseries extérieures, la plomberie et des travaux de mise en sécurité intérieure. Ces travaux doivent « permettre la location de l’ensemble des espaces du bâtiment ». En effet, une partie (environ 500 m2 ) est vide depuis de nombreuses années du fait des conditions de sécurité actuelles du bâtiment.

Les éditions Gallimard, actionnaire de la librairie Kléber, et la Ville, avec Habitation Moderne, ont ainsi travaillé à la définition d’un projet commun. Il concerne la sécurité incendie et l’extension du périmètre de la librairie Kléber dans le bâtiment. Il est question aussi, à l’intérieur, de la rénovation de la librairie : « Les conditions d’accueil ne correspondent plus aux standards actuels. » Les éditions Gallimard ont par conséquent engagé une étude de rénovation complète des espaces ouverts au public. Elle doit « rendre l’expérience clientèle plus attractive, les espaces de découverte plus aérés et plus lisibles ».

Partage des frais propriétaire et locataire

Les travaux pris en charge par la Ville vont durer environ cinq mois et sont estimés à 2,7 millions d’euros (4,3 M€ TTC). De leur côté, les éditions Gallimard prennent en charge, durant les cinq autres mois, les sols, les travaux d’aménagement et d’agencement. L’ensemble doit être réalisé dans un délai permettant de limiter la perte d’activité de l’enseigne. La réalisation des travaux est ainsi programmée de janvier à novembre 2026 dans le cadre d’une fermeture complète de la librairie sur son site actuel. « La librairie Kléber cherche un ou plusieurs points de chute en centre-ville pour continuer à accueillir les lecteurs et les rendez-vous culturels  », révèle ce mercredi 18 mai Mathilde Guiraud, qui a pris les commandes de l’institution en janvier 2024. « Nous avons des pistes, mais rien n’est décidé pour le moment », ajoute la directrice. Le Printemps ? « C’est une option, mais il y en a beaucoup d’autres », ajoute-t-elle. D’autant que seuls 1 000 m2  sont nécessaires sur les 7 000 m2  de surface que compte l’ancien grand magasin.

En vue d’indemniser les pertes d’exploitation, la Ville a conclu une convention avec les éditions Gallimard. Il y est mentionné qu’au titre des perturbations liées aux travaux qui sont du ressort du propriétaire (pendant la première moitié du chantier), une suspension du bail pendant les travaux et une prise en charge de 50 % du loyer de l’opération tiroir du commerce sont actées. Le montant de cette compensation est évalué à 325 000 euros. Il fera l’objet d’un décompte après travaux. La Ville procédera ensuite à une réévaluation du bail au regard des nouveaux mètres carrés occupés par les éditions Gallimard puisque la librairie gagnera environ 500 m2  de surface commerciale. Ce point reste à préciser car la directrice parle plutôt d’« une restructuration des espaces et non une extension ».

Conseil municipal lundi 23 juin à partir de 9 h en direct sur dna.fr