À rebours du défaitisme ambiant selon lequel la France n’attirerait plus les talents, les étudiants du monde entier continuent d’affluer dans l’Hexagone, et notamment à Paris ou dans sa banlieue. Si l’ambiance n’a rien à voir avec Emily in Paris, ils sont toutefois ravis de leur expérience.

Rythem, de New Delhi à Créteil

C’est par curiosité, pendant l’épidémie de Covid que Rythem, 24 ans, alors étudiante en bachelor de commerce international à l’université de New Delhi, a commencé à apprendre le français. Séduite par la langue, attirée par le pays, en 2021 elle prend l’avion pour la première fois de sa vie, direction Avignon, dans le sud de la France, via un programme de l’ambassade d’Inde en France qui recrute des assistants de langue anglaise : « J’ai passé sept mois près d’Avignon, et j’ai adoré cette expérience. Quand je suis rentrée en Inde, tout me manquait de la France, surtout la cuisine, le pain, le fromage. »

Et c’est ainsi que Rythem enchaîne deux autres séjours de 7 mois en France, pendant lesquels elle donne des cours d’anglais à des jeunes Français de tous les âges, de la maternelle au BTS.

En avril dernier, elle se lance à la recherche d’un master à faire en France, pour compléter son profil, et choisit un master en administration et gestion des affaires proposé par l’AEI International school de l’université Paris Est Créteil. Il lui faut donc quitter Avignon pour la région parisienne : « Je crois que j’ai alors vécu le même choc que les jeunes Français qui arrivent de leur région pour étudier à Paris ! Je m’étais très bien adaptée à la culture du sud de la France, mais Paris est très différent, ça bouge tout le temps ici, tout le monde court partout comme à New Delhi ! »

Les premiers pas de l’étudiante à Créteil, où elle habite dans une résidence universitaire en face du centre commercial Créteil Soleil sont un peu difficiles : « En vivant en banlieue, j’avais peur de rater beaucoup de choses de la vie étudiante à Paris, ici à part le sport et le bord du lac qui est sympa, j’avais l’impression qu’il n’y avait pas grand-chose à faire… Mais je me suis rendu compte que Paris n’est pas si loin en transport en commun, et je profite de toutes les occasions pour y aller, comme par exemple les séminaires qu’y organise mon université. »

Rythem s’est aussi très bien adaptée à la pédagogie à la française : « Ici les professeurs nous laissent être très autonome, il y a beaucoup de travaux de groupe et de présentations à l’oral, alors qu’en Inde nous sommes très encadrés, les profs gèrent et contrôlent tout, on dépend beaucoup d’eux. » L’étudiante indienne loue aussi les aides proposées aux étudiants en France, pour acheter de la nourriture ou des vêtements moins chers, ou bien encore la carte étudiante qui permet de visiter les musées gratuitement.

« Côté négatif, j’ai quand même été très étonnée en arrivant ici de voir qu’il y a plein de produits fabriqués en Chine dans les magasins ! souligne Rythem. Quand on dit en Inde qu’on va venir étudier en France, tout le monde est en admiration, la France est vue comme le pays du luxe partout, et de la liberté ! Bon, pour le luxe, c’est un peu faux, j’essaie d’acheter des produits français mais c’est cher. En revanche, c’est vrai que j’apprécie beaucoup ma vie ici, qui est très indépendante, tellement autonome. »

« Je me suis rendu compte que Paris n’est pas si loin en transport en commun »

Rythem

Après son diplôme, Rythem espère monter une startup dans le domaine de l’environnement. Elle a aussi déjà trouvé un coin où elle rêverait d’habiter… en banlieue : « J’ai découvert Saint-Maur-des-Fossés, dont j’aime beaucoup les petites maisons qui me rappellent le sud de la France », s’enthousiasme l’étudiante. Qui, en quelques mois, est déjà devenue une vraie Francilienne, la preuve : elle commence à trouver qu’il y a quand même beaucoup trop de touristes à Paris.

Zeid, de Toronto à Cergy

Quand Zeid, 23 ans, étudiant à la Queen’s University de Toronto, a annoncé à ses camarades qu’il avait choisi l’ESSEC, à Cergy, pour son échange académique, le conseil donné par ceux qui étaient passés par l’école du Val-d’Oise avant lui a été sans appel : « Ils m’ont tous dit de m’installer à Paris, parce que j’y avais déjà des amis, et parce que je voulais commencer à y développer mon réseau professionnel ».

Arrivé en août en France, l’étudiant, très à l’aise en français puisqu’il a fréquenté une école française au Canada jusqu’au secondaire, a vite trouvé ses marques, et navigue aujourd’hui entre la banlieue, 3 jours par semaine, et Paris, où il habite.

« En fait, j’ai réalisé une fois sur place que Cergy n’est pas si loin de Paris en transport en commun. Il y a ici une ambiance particulière, que j’aime bien, avec beaucoup d’espaces verts, et en plus l’école est au centre de la ville ». À l’ESSEC, Zeid est en première année du Master in Management, ce qui lui permettra de décrocher un double diplôme Queen’s University-ESSEC d’ici 2 ans.

« Le style d’éducation est assez semblable dans les deux écoles, mais davantage axé sur la théorie à l’ESSEC, avec des professeurs très spécialisés, tandis qu’à Queen’s University, on met beaucoup l’accent sur les projets en équipe » souligne l’étudiant canadien.

En dehors des cours, Zeid cultive l’art de vivre à la parisienne : « Savourer un café en terrasse, avoir des conversations profondes avec des amis, s’asseoir sur une chaise avec un livre au Jardin des Tuileries… J’adore ! J’aime beaucoup le rythme de vie qui est très différent, plus lent que celui de Toronto. Et puis il y a la cuisine, l’art, l’architecture, Paris est un musée à ciel ouvert, alors qu’à Toronto, on ne voit pas le ciel, les bâtiments sont beaucoup plus hauts ».

Plus original, l’étudiant apprécie aussi beaucoup… les Parisiens : « Je pensais que ça serait peut-être un peu difficile de me faire des amis ici, mais en fait tout le monde est très gentil, et je sens que les gens que je rencontre apprécient beaucoup que je parle le français ».

Quand on demande à Zeid s’il trouve quand même des défauts à la vie en France, il a bien du mal à répondre : « Ici il y a un équilibre parfait entre la tradition et la modernité. D’ailleurs j’espère bien rester en France après mes études, pour travailler, dans le consulting, il y a vraiment beaucoup d’opportunités intéressantes ». En attendant, le Canadien a un planning de visites bien rempli, la Côte d’Azur, Bordeaux, Versailles, et puis « un château » dont le nom finit par lui revenir : « Le Mont-Saint-Michel, en Normandie ! ».

Kounady, de Conakry à Saint-Quentin en Yvelines

Après son bac, décroché dans un lycée français de Guinée-Conakry, Kounady avait bien envie de partir poursuivre ses études dans un pays anglophone. Mais c’était sans compter sur ses parents, qui après avoir envoyé sa grande sœur faire une école d’architecture à Paris, comptaient bien faire de même avec sa cadette. « La France leur paraissait plus safe, explique la jeune femme de 18 ans, et ils se sentaient plus rassurés que je parte dans un pays dont ils connaissent la langue ».

C’est ainsi que Kounady a débarqué il y a un an en région parisienne, pour commencer un Bachelor Agroécologie et systèmes alimentaires de l’ESA-Ecole supérieure des agricultures : « L’année a commencé par un mois à Angers (siège de l’ESA, NDLR), il a fallu s’adapter très vite. Mais ça a été l’occasion de faire connaissance avec les élèves de ma classe, de faire des sorties, de visiter des exploitations comme des vignes. C’était très intéressant. Puis je suis revenue en banlieue, aujourd’hui j’habite en logement Crous à Guyancourt, pas loin du campus parisien de l’ESA, à Saint-Quentin en Yvelines ».

Si lors de ses premiers mois en France, Kounady ne sortait pas de chez elle sans Google map, aujourd’hui elle est beaucoup plus à l’aise en région parisienne : « En banlieue, la vie est plus calme qu’à Paris, et les gens sont super sympas : quand je cherche ma route il y a toujours quelqu’un pour m’aider ». La jeune guinéenne est aussi très contente de ses relations avec les profs de l’ESA, qu’elle trouve plus ouverts et moins sévères que ses professeurs du lycée français, et apprécie sa vie d’étudiante loin de ses parents, en toute autonomie.

Côté vie étudiante, justement, Kounady a découvert la culture des bars, « vraiment typique de la France selon moi ». Mais, de nature calme et réservée, elle n’y met pas beaucoup les pieds : « J’aime bien rester dans ma bulle, et en un an je n’ai pas encore fait beaucoup de tourisme, même si je suis déjà allée à Strasbourg, et aussi à Montpellier ».

Parmi toutes ces découvertes en France, c’est la nourriture qui a le plus étonné la jeune femme, « l’apéro, la raclette, la charcuterie, je ne connaissais pas tout ça ». Et aussi le froid : « C’est difficile de se faire au climat d’ici. La neige c’est beau à voir, mais c’est très froid ! plaisante Kounady. Au début, on sort juste avec un sweat, et on se dit que ça va aller. Mais il faut se rendre à l’évidence, et apprendre à se couvrir beaucoup plus ».

Kounady est cependant bien décidée à endurer encore 2 ou 3 hivers, pour terminer son bachelor et peut-être le compléter par un master. Ensuite elle espère retourner en Guinée-Conakry, pour y retrouver sa famille et la chaleur, mais aussi toutes les opportunités professionnelles qui pourront s’offrir à elle avec un diplôme en agriculture.