Le regard las, les épaules affaissées, Anthony Jung a traversé son procès tel le fantôme qu’il est depuis des années déjà. Une de ces ombres qui hantent nos trottoirs, invisibles et indésirables.

Un sans-abri polytoxicomane, détruit par la rue et l’alcool.

Un être humain malgré tout. Considéré et jugé comme tel en ce début de semaine par la cour d’assises du Var. Condamné à 22 ans de réclusion criminelle pour avoir ôté la vie d’un autre homme, Farid B., le 30 novembre 2022 à Toulon.

À l’issue, Anthony Jung, 39 ans aujourd’hui, devra observer un suivi socio-judiciaire de 10 ans comprenant une injonction de soins.

Il encourt cinq ans d’emprisonnement en cas de non-respect de ses obligations.

« Cette peine est très longue, mais c’est pour mieux vous permettre de prendre le temps de vous fixer un objectif de retour à cette vie sociale que vous avez quitté il y a si longtemps, lui explique le président Patrick Véron à l’issue du verdict. Il ne faut pas que vous redeveniez un SDF. »

Un meurtre « sauvage voire barbare »

Dans la rue, Anthony Jung était « un animal » selon son oncle. Dans ce deuxième sous-sol du parking Lafayette, emplacement 255, « un volcan » en éruption selon l’experte psychiatre. Un meurtrier.

Depuis ce funeste 30 novembre, Anthony Jung n’a jamais pu véritablement expliquer ces 60 coups de poing et 22 coups de pied assénés à son compagnon d’infortune.

L’alcool, bien sûr – les deux hommes présentaient un taux d’alcool de près de 2,5g/L de sang -, y a joué un rôle. Son passé d’enfant battu aussi, moteur d’une rage que sa victime a encaissé sans jamais être en état de répliquer. Mais de mobile, point.

« Nous tentons de répondre à une situation médicale par une décision répressive, regrette Me Julien Garry en défense. En tuant son frère de galère, il s’est tué lui-même. »

Un meurtre-suicide long et horrible. Qualifié de « sauvage voire barbare » par l’avocat général Laurent Robert.

« Les faits ont duré deux heures, rappelle-t-il. Anthony Jung s’est souvent arrêté, pour fumer une cigarette, boire du vin. Puis est revenu à sa besogne. Il a dépassé le simple passage à l’acte pulsionnel. Battre à mort, c’est la vision longue de la vie qui s’en va. »

« Un mois avant tout ça, je lui avais sauvé la vie, se souvient l’accusé dans l’un de ses rares moments de clarté. Il avait pris de la méthadone et avait failli tomber du bateau entre Toulon et La Seyne. Je l’avais retenu puis appelé les pompiers. »

Un jour ami, le lendemain monstre. Le reste du temps dans l’ombre. Là d’où il vient.