Ne cherchez plus la Joconde, elle a disparu derrière les smartphones. Le Louvre est fermé, pas pour des raisons techniques, mais parce que ses employés sont à bout de nerfs. Lundi matin, les agents d’accueil, de sécurité et de surveillance ont cessé leurs activités par surprise, bloquant l’ouverture du musée jusqu’à 14 h 30. Une fréquentation devenue ingérable, des effectifs qui fondent comme neige au soleil, et une fatigue qui s’accumule : tels ont été les motifs avancés. À l’entrée, des touristes hagards patientaient à même le sol, sans comprendre ce qu’il se passait.
Ce qui se trame dans l’un des plus beaux musées du monde n’est que le symptôme d’un mal plus important, affectant l’Europe entière. Venise, Lisbonne, Majorque, toutes nos splendides villes croulent sous le tourisme de masse.
Le Louvre, ou la lente agonie d’un musée qui n’est plus admiré
Chaque jour, 20 000 visiteurs se pressent pour apercevoir, ou plutôt photographier, la Mona Lisa. Dans cette salle devenue complètement irrespirable, le tableau de Léonard de Vinci n’est devenu qu’un fond d’écran grandeur nature pour selfies fébriles. Si vous avez déjà visité la Salle des États, dans laquelle est situé le tableau du grand maître italien, peut-être avez-vous déjà eu un aperçu de cet enfer climatisé : une foule compacte, téléphones en main, bras tendus, où toute notion de contemplation ou de politesse s’est évaporée quelque part entre deux perches à selfie. « On ne voit pas un tableau. On voit des téléphones. On voit des coudes. On ressent de la chaleur. Et on est poussé dehors », résume Ji-Hyun Park, une touriste sud-coréenne.
Le ras-le-bol des agents est aussi nourri par une réalité sociale exaspérante. Selon nos confrères du Monde, en quinze ans, le musée a perdu près de 200 postes en équivalent temps plein, alors même qu’il frôle les 9 millions de visiteurs annuels, dont 80 % de visiteurs internationaux.
La jauge officielle est censée être de 30 000 personnes par jour, un plafond régulièrement atteint, au point de mettre les équipes et les infrastructures à rude épreuve. Le sous-effectif est donc devenu ingérable, et les conditions de visite ressemblent de plus en plus à une file d’attente dans une gare bondée.
Un musée fatigué à repeindre
En plus d’être surpeuplé, le Louvre vieillit, menacé par les infiltrations et des problèmes de température qui fragilisent la conservation des œuvres. Sa directrice, Laurence des Cars, a attiré l’attention des pouvoirs publics dès le mois de janvier sur la vétusté de ce gigantesque bâtiment datant de 1190.
En réponse, l’Élysée a promis un projet pharaonique de rénovation d’ici 2031 : nouvelle entrée, salle dédiée à La Joconde, tarification différenciée pour les touristes non-européens, et objectif affiché d’absorber 12 millions de visiteurs par an. Un projet à 800 millions d’euros, qui s’étalera sur une dizaine d’années selon l’entourage d’Emmanuel Macron, répondant au nom de « Nouvelle Renaissance du Louvre ». Annoncé par le président au mois de janvier de cette année, aucune information n’a cependant été donnée quant à un possible regonflement des effectifs, même sur le site de l’Élysée.
Le Louvre croule sous son succès, mais celui-ci n’est plus gage aujourd’hui de vitalité. Il est devenu, comme bien d’autres grands musées internationaux, une institution culturelle qui tente de survivre dans un monde qui n’a plus le temps de regarder. Quel cruel paradoxe que celui-ci : l’art ne nous a jamais été aussi accessible, mais il ne nous a jamais été aussi lointain émotionnellement parlant. On en reparle dans dix ans, après le grand chantier ?
- Le musée du Louvre fait face à une crise majeure due à l’afflux incontrôlable de visiteurs et à la réduction de ses effectifs.
- L’expérience de visite, notamment devant la Joconde, est gâchée par le tourisme de masse qui privilégie la photo à la contemplation, un problème symptomatique de nombreuses villes européennes.
- Un vaste plan de rénovation est prévu pour moderniser les infrastructures et gérer l’affluence, mais sans garantie d’amélioration des conditions de travail du personnel.
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