Un «banc parental» a été inauguré mercredi dans la cité des Ducs. Cet équipement s’inscrit dans la démarche de la mairie socialiste qui vise à penser l’urbanisme à travers la question du genre.
Une voyageuse priée de quitter l’espace vente de la SNCF, alors qu’elle allaitait son bébé. Cette scène, survenue le 17 janvier en gare de Nantes, n’a pas que fait polémique. Elle a aussi inspiré le nouveau «mobilier premiers pas» inauguré dans la cité des Ducs le 14 juin. Derrière un arrêt de tram, sur le site Gloriette Petite-Hollande où le parking est en train d’être remplacé par de la verdure, ce nouvel équipement doté de deux bancs et d’une table à langer a été présenté à la presse mercredi.
Avec des dossiers inclinés, il doit permettre aux femmes d’allaiter, mais également à tout un chacun de donner le biberon ou changer les couches. «Ce n’est pas qu’un mobilier, c’est un espace de rencontres qui permet de faire communauté. Il vise aussi à aider les familles à sortir de l’isolement qu’elles vivent après avoir eu un bébé et à ce qu’elles se sentent légitimes d’utiliser l’espace public», explique Julia Goula, architecte et cofondatrice d’Equal Saree, agence féministe espagnole spécialisée dans la prise en compte des enjeux de genre dans l’espace public, missionnée par la métropole pour le projet. Expérimenté pendant un an, ce banc parental sera potentiellement pérennisé et dupliqué d’ici 2026 à Nantes, qui ambitionne toujours de devenir d’ici 2030 la première «ville non sexiste» de France.
Volonté politique
«L’objectif est d’avoir des actions correctives là où il y a des inégalités entre les femmes et les hommes, et de voir si chaque nouvelle décision prise va favoriser l’égalité», rappelle Mahaut Bertu, adjointe au maire, à propos de l’engagement «ville non-sexiste» dont elle est en charge. Pour ce faire, en plus du budget «sensible au genre» déjà mis en place, métropole et mairie veulent désormais intégrer la thématique à davantage de sujets, dont l’urbanisme.
De septembre 2024 à avril 2025, une communauté citoyenne composée de femmes et de personnes LGBTQIA+, en lien avec le réseau non-sexiste de la ville, a participé à une démarche d’évaluation intitulée «Contre le sexisme, imaginons ensemble les espaces publics de demain». «L’espace public n’est pas neutre : les aménagements ont un impact direct sur l’appropriation par les habitantes et les habitants», assure l’élue Mahaut Bertu. L’inauguration du banc parental témoigne ainsi de la volonté municipale de donner plus de place aux femmes. Dans le même style, la conseillère municipale nantaise cite l’exemple d’une planche de danse installée quartier Bottière, permettant aux jeunes filles de s’approprier les lieux.
Des «créneaux réservés aux femmes»
Ces installations ont vocation à se multiplier. La démarche évaluative genre et espaces publics a permis également d’élaborer dix préconisations. Parmi elles, se trouvent notamment, d’après le dossier de presse commun à la métropole et à la municipalité, les points suivants : «faire de la culture un vecteur de changement des représentations et des symboles dans l’espace public», «développer la pratique du vélo par les femmes» ou encore «proposer des toilettes publiques accueillantes et adaptées aux besoins des femmes et personnes LGBTQIA+».
Plus concrètement, les collectivités ont défini cinq grandes actions à mettre en œuvre à court terme, si ce n’est déjà fait. Cela passe par exemple par la formation d’agents du service public au harcèlement de rue, l’expérimentation de créneaux en mixité choisie, «c’est-à-dire des créneaux réservés pour des femmes ou des personnes se définissant comme femmes» dans certains équipements et espaces, l’instauration de parcours «plus sécurisants sur des trajets très empruntés» avec par exemple un éclairage revu ou une signalétique adaptée, ou encore la production «de nouvelles œuvres d’art représentant des femmes et des personnes LGBTQIA+ (statues, art urbain, fresques au sol…)». En mars dernier, lors d’une conférence de presse, la maire socialiste Johanna Rolland s’était targuée d’avoir féminisé davantage de noms de rues à Nantes au cours des dix dernières années, que dans le reste de l’histoire.