Depuis une semaine et l’attaque de l’Iran par Israël, chaque camp use de moyens de pressions pour faire craquer l’autre. L’un des derniers en date côté iranien : la menace de fermer le détroit d’Ormuz, considéré comme « le plus important du monde » par l’Agence américaine d’Information sur l’Energie.

Une pointe vers le nord appartenant à Oman, une grande courbe côté iranien et un détroit qui fait de 35 à 50 kilomètres de large, ce qui en fait l’un des plus larges du monde, une fermeture par l’Iran aurait de nombreuses conséquences économiques et géopolitiques. Voici cinq choses à savoir sur le détroit d’Ormuz.

Un détroit coincé entre trois Etats, mais qui n’appartient à personne

Bordé par l’Iran, Oman et les Emirats arabes unis, le détroit d’Ormuz, qui tient son nom de la petite Île d’Ormuz sur la côte iranienne, n’appartient officiellement à personne. Il pourrait être régi par le droit coutumier, et par la Convention des Nations unies sur le droit de la mer (CNUDM), dite convention de Montego Bay, selon Jean-Paul Budry, historien spécialiste du Moyen-Orient dans la revue Questions internationales, mais si Oman, les Émirats arabes unis et l’Iran l’ont signée, les deux derniers ne l’ont pas ratifié.

Ces eaux territoriales, gérées conjointement par l’Iran et par Oman sont ouvertes au « passage en transit », avec deux couloirs de 3,5 kilomètres de large. Le premier cité ne peut donc pas fermer unilatéralement le détroit, en vertu du droit coutumier, d’autant plus que le sultanat d’Oman s’est placé, depuis 1970 sous un double parapluie militaire américano-britannique.

Un lieu stratégique d’hydrocarbures, surtout pour les économies d’Asie

Si la question de ce détroit agite tant les foules, c’est en raison de son importance stratégique dans le secteur des hydrocarbures. Le détroit d’Ormuz concentre en effet une part massive du commerce mondial de pétrole et de gaz avec entre 30 et 40 % de l’approvisionnement brut mondial qui y transite.

Au total, cela représente 20 millions de barils de pétrole qui y passent chaque jour, soit un cinquième de la production mondiale, et le Qatar, important exportateur de gaz, y fait transiter 80 millions de tonnes par cet endroit. Selon des informations de l’agence Bloomberg, le Qatar a demandé aux méthaniers d’attendre à l’extérieur du détroit jusqu’à ce qu’ils soient prêts à charger

Pour Paul Tourret, directeur de l’Institut Supérieur d’Économie Maritime (ISEMAR), interrogé par nos confrères de France Culture, la région est particulièrement cruciale pour les économies d’Asie, qui dépendent fortement de ces flux énergétiques : « Pour des économies comme l’Inde, le Japon, la Corée et Taïwan, leur dépendance tourne autour de 57 à 60 %. La Chine, elle, dépend de 35 % à 37 % de cette zone. »

L’Iran peut-il vraiment le fermer ?

Ce n’est pas la première fois que le pays de l’ayatollah Ali Khamenei menace de bloquer le détroit d’Ormuz. Déjà lors de la guerre entre l’Iran et l’Irak (1980-1988), la menace avait pesé. En 2011, la République islamique avait menacé de ne plus laisser « aucune goutte de pétrole transiter par le détroit d’Ormuz » en cas de sanction. Elle avait réitéré cette menace en 2019, après le retrait des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien.

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Francis Perrin, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) expliquait ce mercredi à RFI que « le blocage du détroit d’Ormuz, c’est un peu l’arme atomique de l’Iran. Mais l’arme atomique, évidemment, on ne l’emploie que dans des situations qui paraissent pour l’État en question, comme les plus graves. »

Un tel blocage aurait des conséquences énormes et désastreuses pour l’Iran et son économie qui repose essentiellement sur la vente de son pétrole. Selon The Economist, le secteur des hydrocarbures aurait rapporté entre 35 et 50 milliards de dollars au pays en 2023 (soit entre 8,7 et 12,3 % de son PIB). De plus, 90 % de son pétrole brut iranien passe par le détroit d’Ormuz et 95 % de ses barils sont vendus à la Chine. Ce qui signifierait qu’en plus de perdre ces recettes, ce serait un risque de se mettre à dos son principal client, et l’un de ses plus importants alliés.

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Miner le détroit d’Ormuz permettrait une tactique visant à immobiliser les navires de guerre américains, très présents dans le golfe Persique. Les Etats-Unis, qui déploient déjà plusieurs porte-avions dans la région depuis mercredi, ne pourraient rester sans réagir, et le pays de Donald Trump dispose d’une importante base militaire à Bahrein, dans ce même golfe Persique. D’autres pays, très dépendants économiquement du détroit (Arabie saoudite, Émirats arabes unis, Koweït, Irak, Qatar et Bahreïn) pourraient également réagir et se retourner ouvertement contre la république islamique.

Les marchés, particulièrement fébriles depuis les premiers échanges de missiles entre Israël et l’Iran, pourraient également pâtir de cette escalade et voir le prix du baril exploser. Selon Jorge Leon, responsable de l’analyse géopolitique chez Rystad et ancien fonctionnaire de l’OPEP à nos confrères d’Euronews, « si l’Iran réagit en perturbant le flux de pétrole par le détroit d’Ormuz, en ciblant les infrastructures pétrolières de la région ou en frappant des actifs américains, le marché pourrait connaître une flambée des prix qui pourrait faire grimper les prix de 20 dollars le baril, voire plus. » Une flambée qui pourrait se faire sentir à la pompe…