Elle et il sont les futurs visages du Barreau de Saint-Etienne, désignés, mi-mai par leurs confrères avocats. Me Valérie Rossard, en tant que prochaine bâtonnière et Me Franck-Olivier Lachaud en tant que futur vice-bâtonnier – rôle nouveau – à partir du 1er janvier 2026. Elus en avance donc, comme l’exige leur fonction, afin d’assurer la phase dite du « Delphinat ». Une période d’accompagnement du bâtonnier actuel, en l’occurrence Me François Paquet-Cauët, permettant de prendre progressivement ses marques. Entretien. 

Valérie Rossard, prochaine bâtonnière et le futur vice-bâtonnier Franck-Olivier Lachaud. ©If Media / Julie Tadduni

Décrivez-nous ce qu’est la période du « delphinat » que vous allez exercer en attendant de prendre vos fonctions d’ici 6 mois…

Valérie Rossard (V.R.) : « Le dauphin, la dauphine, c’est celui ou celle qui a été élu avant de prendre ces fonctions, ici au 1er janvier 2026, et qui va suivre durant cette période préalable le bâtonnier dans ses activités : l’idée est ainsi de bénéficier d’une « formation continue » à la fonction aux côtés de ce dernier et donc entrer en fonction dans les meilleures conditions possibles au terme de cette période. La notion de dauphin n’est pas spécifique au Barreau de Saint-Etienne et, d’ailleurs, évolue cette année chez nous puisque face au lourd investissement qu’exige cette tâche, nous avons décidé de le faire avec maître Lachaud à deux. D’autre part, il a été décidé de passer d’une année à six mois. »

Franck-Olivier Lachaud (F.-O. L.) : « Ce n’est pas quelque chose de nouveau en Auvergne-Rhône-Alpes : il y a de moins en moins d’ordres où il n’y a pas de vice-bâtonnier. Aujourd’hui dans les Barreaux, il y a de plus en plus de travail : former un duo pour y faire face, c’est sans doute mieux. »  

Pourquoi les avocats ont-ils de plus en plus de travail ?

V.R. : « Déjà, les avocats sont de plus en plus nombreux, particulièrement au sein de la juridiction de Saint-Etienne (environ 360 membres, Ndlr). C’est un Barreau qui a beaucoup grossi ces dernières années et s’est aussi rajeuni, féminisé aussi. Et puis parce qu’il y a de plus en plus de relations avec la Juridiction, et de difficultés potentielles, aussi avec les clients et parfois même entre avocats. Les prises de décision sont plus intenses, plus nombreuses. D’où la nécessité, encore une fois, d’avoir deux regards. »

A-t-il fallu aller vous chercher, vous convaincre de former ce duo ?

V.R. : « Non, il n’a pas fallu nous convaincre d’y aller. Nous sommes ravis que le Barreau se soit mobilisé pour les élections, nous témoignant ainsi de la confiance. C’est dans la continuité d’un investissement mené depuis longtemps. D’abord au sein du conseil de l’ordre de Montbrison (fusionné avec Saint-Etienne il y a environ 15 ans avec la réforme de la carte judiciaire, Ndlr) puis de Saint-Etienne. Après avoir vu différents bâtonniers successifs œuvrer, j’estimais que c’était le moment d’y aller pour poursuivre cette œuvre tout en apportant quelque chose de nouveau. Franck-Olivier aura lui, un regard totalement neuf. »

F.-O. L. : « C’est vrai que je n’ai pas eu un rôle aussi actif jusque-là au sein du conseil l’ordre mais justement, cela peut apporter quelque chose, ce regard extérieur utile. D’autant plus, vis-à-vis de ce manque de temps, en binôme, pour des discussions, des réflexions… Ce double regard est important. »

Nous nous attacherons à faire en sorte que les avocats puissent retrouver une place au sein de la juridiction dans l’intérêt des justiciables.

Me Valérie Rossard, future bâtonnière du Barreau de Saint-Etienne

V.R. : « Être deux, ça permet d’avoir un accès un peu différent, de se rendre plus accessibles en externe oui mais en interne aussi, au sein du Barreau, en particulier vis-à-vis des jeunes avocats pour qui les choses peuvent être un peu nébuleuses au départ, avec un accès parfois difficile à leurs aînés. Là, en étant deux, on se dit qu’ils pourront avoir un accès un peu plus facile, davantage de disponibilité pour faire part de leurs difficultés. »  

Vous êtes élus pour 2 ans, de 2026 à 2028, comment voyez-vous les grandes lignes de votre futur mandat ?

V.R. : « Nous serons bien sûr dans la continuité du travail effectué par nos prédécesseurs. Mais il y a des éléments récents à appréhender qui vont monter, je pense, en puissance durant cette période : je pense à l’IA dans le travail quotidien des avocats. C’est un sujet technique qu’il faudra forcément intégrer et bien intégrer. Sinon, nous nous attacherons à faire en sorte que les avocats puissent retrouver une place au sein de la juridiction dans l’intérêt des justiciables, pour leur assurer une défense la plus parfaite possible. Force est de constater que depuis quelques temps, il devient plus difficile de faire ce métier-là, d’être entendus. »  

F.-O. L. : « Les enjeux vis-à-vis des tribunaux sont évidemment multiples. Mais il y a cette problématique du temps très prégnante : la difficulté de plaider, de bien plaider. Ce qui exige de l’attention sur des points, des explications aussi poussées que nécessaires pour être juste. Certes, une longue plaidoirie ne se justifie pas toujours et côté avocats – c’est aussi notre mission – il convient de ne pas systématiquement y recourir, pour ne pas abuser d’un temps qui manque à tous. Systématiser, en revanche, un temps de parole chrono, sans distinction de la subtilité des cas, ce n’est pas pour autant une solution saine et cela, quel que soit le manque de moyens. C’est une problématique nationale pas spécifique à Saint-Etienne mais chaque barreau a son rôle à jouer localement pour améliorer la situation.

Nous n’oublions pas, sinon plus le volet « conseil » qui concerne la moitié des avocats moins en rapport direct avec ce que nous venons d’évoquer. Il y a des enjeux importants par rapport aux périmètres d’exercice des différents métiers du droit. Ce qui ne nous empêche pas d’avoir des bons rapports, comme avec les experts-comptables. Mais il y a différentes concurrences qui exigent des choses à privilégier, trouver des terrains d’entente. »  

D’une façon générale, les avocats doivent se montrer très très vigilants au respect du droit, des Justiciables. Cela fait naturellement partie de nos missions.

Franck-Olivier Lachaud, futur vice-bâtonnier

Comment percez-vous le rôle des avocats vis-à-vis des récentes évolutions législatives, sinon ou projets de loi dénoncés par le Barreau de Saint-Etienne, encore dernièrement avec la proposition Attal sur la Justice des mineurs ? Il y a aussi ce manque structurel de moyens pour la Justice…

V.R. : « C’est tout à fait notre rôle, nos mobilisations sont très importantes par rapport à cela : nous sommes des premiers acteurs à ce sujet, localement, pour relayer les inquiétudes majeures que relèvent le CNB (Conseil national des barreaux, Ndlr) ou encore la Conférence des bâtonniers à l’échelle nationale. Est-ce que nous avons le sentiment que la législation a tendance à restreindre notre champ d’actions ? C’est très variable et cela dépend du contentieux… »

F.-O. L. : « D’une façon générale, les avocats doivent se montrer très très vigilants au respect du droit, des Justiciables. Cela fait naturellement partie de nos missions. D’autant plus que nous sommes confrontés à une société schizophrénique qui demande plus de droits et plus de sécurité. Alors, il faut faire attention de ne pas tomber dans les extrêmes. Localement un Barreau est là pour sensibiliser directement les politiques, les parlementaires d’un territoire, leur faire passer notre point de vue. La problématique des moyens budgétaires est indéniable mais elle ne doit pas occulter, celle de la bonne volonté vis-à-vis de la société en général, des justiciables en particulier. Et là, cela dépend plus de la personnalité d’un magistrat que d’un budget. Les subtilités d’une affaire, l’impact qu’elle a sur les personnes concernées, l’humain, tout cela doit être pris en compte. Encore, une fois, stopper une écoute de plaidoirie sur une affaire complexe qui a fracassé une vie parce que l’on a dépassé les 8 min accordés, ce n’est pas acceptable. Nous œuvrons tous pour plus de Justice.»

Valérie Rossard a prêté serment en 2003. Elle a commencé sa carrière en collaboration puis ouvert en 2005 son cabinet individuel à Montbrison pour s’installer en 2011 dans la commune de Savigneux. Son cabinet compte une avocate collaboratrice et aussi un bureau à Saint-Etienne.

Franck-Olivier Lachaud a lui prêté serment fin 2009 et possède son cabinet éponyme à Saint-Etienne.

Les deux mènent une activité généraliste s’adressant aussi bien aux particuliers qu’aux entreprises.