Ce produit du laboratoire Pfizer n’était plus disponible depuis 2021 après un retrait du marché en raison de la détection d’impuretés.
C’est un médicament qui, près de vingt ans après sa mise sur le marché en Europe, a connu bien des déboires. Mais après presque quatre ans d’absence des pharmacies françaises, la varénicline (plus connue sous son nom commercial, le Champix) semble y être revenue pour de bon. Depuis le 16 juin, la molécule est de nouveau disponible sur ordonnance en France. Elle vient s’ajouter à la liste des autres moyens de sevrage tabagique, comme les patchs et les gommes. « C’est une très bonne nouvelle », réagit le Pr Bertrand Dautzenberg, tabacologue. « C’est un traitement très efficace pour l’arrêt du tabac, plus que les autres substituts nicotiniques , et il présente d’autres avantages », ajoute le spécialiste.
L’histoire du Champix a commencé en 2007, lors de son lancement sur le marché français par le laboratoire américain Pfizer. À l’époque, tous les feux étaient au vert, la Haute Autorité de Santé ayant jugé son intérêt médical comme « important », soit le niveau maximal pour un médicament. Mais très rapidement, une controverse avait éclaté aux États-Unis lorsque des patients avaient accusé le médicament de provoquer des effets secondaires graves, notamment psychiatriques. Dès 2008 en France, il avait alors été placé sous surveillance renforcée, avant d’être carrément déremboursé en 2011.
Un médicament à la réputation entachée
Par la suite, plusieurs études sérieuses ont finalement innocenté le médicament, prouvant qu’il n’augmente pas le risque de tentatives de suicides, ni de dépression. En 2016, une étude publiée dans The Lancet, menée sur plus de 8000 fumeurs, a par exemple conclu qu’il n’y avait pas plus de troubles psychiatriques chez les patients traités avec le Champix par rapport au groupe placebo ou à celui utilisant des patchs nicotiniques.
Malgré cela, l’image du médicament est restée durablement écornée, et les ventes du médicament ont plongé. « Tout ce qui a été dit sur le Champix était vraiment de la désinformation », fustige le Pr Dautzenberg, qui déclare n’avoir aucun lien d’intérêt avec le fabricant Pfizer.
Les choses ont perduré de cette manière jusqu’en octobre 2021, date à laquelle tous les lots de Champix ont été retirés du marché, à la demande de l’Agence européenne du médicament. Cela faisait suite à la détection d’une impureté à des taux supérieurs à la limite acceptable. L’impureté en question était de la nitrosamine, une substance formée par le contact entre les excipients et l’emballage pouvant « augmenter le risque de cancer pour les personnes qui y sont exposées au-delà des limites acceptables pendant de longues périodes », selon l’Agence française du médicament.
Un nouveau procédé de fabrication
Suite à cela, le médicament a été en rupture de stock. Entre-temps, Pfizer a planché pour rendre le médicament conforme aux standards de qualité. « Nous avons tout mis en œuvre pour reformuler notre spécialité et revoir le processus de fabrication, c’est cela qui a pris du temps », explique au Figaro Dimitri Galle, directeur de la division « soins de spécialité » chez Pfizer France, qui précise que le médicament est fabriqué en Allemagne et en Italie. « En septembre 2024, nous avons pu soumettre une demande de mise à jour de l’autorisation de mise sur le marché à l’agence du médicament », ajoute-t-il.
Le mode d’emploi du médicament n’a pas changé. Le traitement, uniquement disponible sur ordonnance, est à prendre sous la forme de comprimés chaque jour pendant trois mois (possiblement renouvelables). Il est réservé aux gros fumeurs qui ont une forte motivation pour arrêter de fumer, mais chez qui les autres méthodes de sevrage ont échoué. « Tous les fumeurs de plus de 35 ans ou presque ont déjà essayé d’arrêter de fumer, donc on peut très bien leur prescrire directement ce médicament, qui peut être utilisé en association avec le vapotage », précise le Pr Dautzenberg. Selon le médecin, l’un des avantages par rapport aux autres substituts est qu’il n’est pas nécessaire d’adapter les doses à chaque patient. « Dans la majorité des cas, la dose standard fonctionne pour tout le monde, ce qui simplifie grandement la tâche », indique-t-il.
Une efficacité bonne, mais loin des 100%
Le Champix n’est par pour autant un médicament miracle. Si des études ont montré qu’il fait mieux qu’un placebo et que les autres substituts nicotiniques au bout de trois mois de traitement, des travaux ont estimé que le taux d’abstinence à un an était d’environ 27 %. Autrement dit, le traitement fonctionne sur le long terme chez « seulement » un fumeur sur quatre. C’est tout de même mieux que le placebo, qui affiche une efficacité de 9 %.
Comme tout médicament, le Champix n’est pas dénué d’effets indésirables, même si ceux-ci n’ont rien à avoir avec les accusations de la fin des années 2000. « Les événements indésirables les plus fréquemment rapportés sont les nausées, les insomnies, les rêves anormaux et les maux de tête », résume la Haute Autorité de Santé dans son avis publié en mars 2025, en confirmant au passage que « l’ensemble des données n’a pas mis en évidence d’augmentation du risque d’effets indésirables graves neuropsychiatriques et cardiovasculaires ».
Pour le Pr Dautzenberg, il s’agit d’un « médicament qui guérit d’une addiction aux conséquences mortelles, avec des effets indésirables quasi-nuls ». « Si on arrête de fumer avant 35 ans, on remet quasiment les compteurs à zéro », insiste-t-il. Le Champix est remboursé à hauteur de 65 % par l’Assurance maladie, sachant que le coût total du traitement est de 165 euros, soit une soixantaine d’euros de reste à charge.
En France, le tabagisme reste la première cause de mortalité évitable, avec 78 000 décès par an. Le tabagisme est notamment responsable de 25 % de l’ensemble des cancers et est un facteur de risque important de maladies cardio-vasculaires. Si la proportion de fumeurs quotidiens est en baisse, elle reste à ce jour élevée (23 % des adultes).