« L’entendre me dire qu’elle regrette de m’avoir mis au monde, ça fait mal, les mots sont durs, mais je suis quand même là, à ses côtés, dans sa maison à Rouen. » Depuis le retour de Côte d’Ivoire de sa mère , Marie-Jo, lundi 9 juin, c’est la douche froide pour Xavier. Cela faisait neuf mois que le Côte-d’Orien de 61 ans espérait retrouver sa mère saine et sauve. Neuf mois d’angoisse durant lesquels il a remué ciel et terre pour que la veuve, tombée amoureuse de Christ, un Ivoirien de 28 ans, «  revienne à la raison et comprenne qu’elle est victime d’une arnaque sentimentale , d’un brouteur ».

Mais les retrouvailles sont explosives, nous confie Xavier, son fils unique. « Elle est dans un tel état d’esprit… Elle ne voulait même pas monter dans la voiture à son arrivée à l’aéroport », raconte-t-il. « Dans le VTC qui la conduisait, quand elle a su que mon père et ma sœur l’attendaient à Rouen, elle est devenue hystérique, elle a menacé de se jeter de la voiture », explique Charlène, sa petite-fille. « Le chauffeur a dû appeler mon père, qui est venu lui-même la récupérer. Depuis, la cohabitation est très dure. »

« C’est dur, mais j’ai décidé de jeter l’éponge »

Et pour cause, Marie-Jo, qui a perdu une trentaine de kilos, n’est pas rentrée pour voir sa famille, ni reprendre son quotidien. « Elle est venue pour régler tous ses papiers, et elle ne fait que répéter qu’elle va repartir à Abidjan, que sa vie est là-bas avec Christ, qu’elle est heureuse, qu’elle fait ce qu’elle veut… », souligne Xavier. « J’essaie de la faire changer d’avis, de lui ouvrir les yeux mais c’est peine perdue. Même son banquier lui a démontré que ce n’était pas normal, qu’elle se faisait avoir et qu’elle avait déjà dépensé plus de 100 000 € là-bas. Elle a reconnu que c’était bizarre, mais dès qu’elle a Christ au téléphone, elle balaie tout d’un revers de la manche. »

Le Côte-d’Orien est dépité par l’attitude de sa mère. « Elle me renie, elle est méchante, je ne la reconnais plus », admet-il. « Elle est tout le temps au téléphone avec Christ ou avec les autres brouteurs. Quand elle lui avance qu’il y a des choses anormales, il lui répond qu’elle ne doit pas oublier qu’il l’aime, qu’il prend soin d’elle… Et finalement, les méchants, c’est nous. Si aucun de ses amis ne lui a rendu visite depuis son retour, ils l’ont appelée. Mais elle se met en colère, leur dit de la laisser tranquille, qu’elle ne se mêle pas de leur vie. Pareil si un journaliste tente de la contacter, elle rentre dans une fureur ! »

Xavier aimerait la retenir, mais après une semaine passée aux côtés de sa mère, il s’est résigné. « Elle m’a dit que si je l’empêchais de repartir, elle se tuerait ! Qu’est-ce que je dois faire ? C’est dur, mais j’ai décidé de jeter l’éponge, j’ai fait tout ce que je pouvais, maintenant je suis à bout », confie-t-il, fatigué. « Ça fait neuf mois que je ne vis plus, que je m’en rends malade, que je délaisse ma famille, j’arrête. »

Pour Charlène, cette situation est devenue sans issue. « On a sorti toutes nos cartes, notamment celle de la justice et des médias. C’est triste car on a toujours été proches de notre grand-mère, mais il faut qu’on tourne la page, que mon père se reconstruise, car il souffre tellement, c’est abominable », assure-t-elle. « Les brouteurs lui ont lavé le cerveau. Quand ma petite sœur, qui l’a vu la semaine dernière, m’a dit qu’elle n’avait même pas une larme quand on lui parlait de mon fils, son arrière-petit-fils, qui pourtant la réclame et ne comprend pas pourquoi il ne la voit plus, ça fait mal. Elle a dit qu’elle avait d’autres enfants en Côte d’Ivoire. Et que moi, je suis une pestiférée. »

Malgré tout, Xavier profite de ces derniers jours auprès de sa mère, qui devrait repartir mercredi ou jeudi. « Je me suis fait une raison, une fois partie, pour moi, elle sera comme morte », lâche-t-il, ému. « Je sais que la prochaine fois que j’aurai de ses nouvelles, c’est soit parce qu’elle n’aura plus d’argent, soit parce qu’elle sera décédée. » Charlène conclut : « Si notre histoire peut servir de leçon et éviter à d’autres familles de vivre la même chose, ce sera déjà ça. »

Note : nous avons tenté d’entrer en contact avec Marie-Jo, en vain.



Marie-Jo, 82 ans, n’a qu’une hâte, retourner en Côte d’Ivoire rejoindre Christ, 28 ans.  Photo DR

▶   Marie-Jo auditionnée par la police

Xavier avait déposé deux plaintes, après le départ en septembre 2024 de sa mère. En mai, lorsque nous avons révélé l’affaire , le procureur de Rouen, Sébastien Gallois, nous avait confirmé que « deux enquêtes ont bien été ouvertes à l’automne 2024, l’une pour disparition inquiétante, l’autre pour escroquerie, mais les deux sont demeurées vaines ». Si ces deux dossiers avaient été classés, la médiatisation de cette histoire a finalement permis de relancer l’enquête récemment.

Psychologiquement lucide

La mamie était donc aussi très attendue par les autorités judiciaires. Selon nos informations, elle a été auditionnée toute la journée du mardi 10 juin par la police de Rouen. Elle n’aurait cessé de leur répéter, comme à sa famille et aux caméras, que sa vie est en Côte d’Ivoire, qu’elle est heureuse et fait ce qu’elle veut de son argent. Elle serait apparue psychologiquement lucide et déterminée face aux forces de l’ordre. Mais, selon nos sources, les policiers auraient constaté qu’elle n’était pas libre de ses mouvements et déplacements dans l’appartement qu’elle partage avec Christ et d’autres personnes à Abidjan.

Contacté lundi, le procureur de Rouen n’a pas répondu à nos sollicitations. La famille de Marie-Jo, elle, dit ne plus avoir vraiment d’espoir concernant la justice française. « On espère maintenant que le gouvernement ivoirien va se pencher sur ce Christ, qu’il sera inquiété par la justice de son pays », déclare Xavier.