Exit Exide Technologies. Le 18 juin, le spécialiste des batteries au plomb a confirmé son intention de fermer son site de Lille (Nord). Le plan social annoncé devrait concerner l’intégralité des 211 emplois directs du site.
«Une fermeture doublement regrettable»
Si la nouvelle ne surprend pas entièrement, elle n’en reste pas moins un choc pour les salariés. L’usine, implantée depuis 1921, fait depuis plusieurs années l’objet d’accusations de pollution au plomb, notamment dans les sols du quartier Lille-Sud. En 2024, des analyses menées par une association de riverains et des élus écologistes du groupe Lille Verte révélaient une contamination importante : près de 30 des 74 échantillons prélevés dépassaient le seuil de 300 mg/kg fixé par le Haut conseil de la santé publique, et 17 d’entre eux excédaient même les 1 000 mg/kg, seuil déclenchant une obligation de dépollution dans la zone couverte par la Servitude d’utilité publique (SUP).
Ces révélations ont été mal vécues en interne, certains salariés percevant leur médiatisation comme une menace pour l’image de l’entreprise dans un secteur très concurrentiel, alors que la pollution est liée à des activités anciennes du site.
En parallèle, l’usine subissait un lent déclin industriel. De 10600 tonnes de plomb traitées en 2000, la production était tombée à 4600 tonnes en 2024. «C’est doublement regrettable, pour les salariés qui perdent leur emploi comme pour les riverains qui devront s’occuper de la pollution», déplore Frédéric Louchart, conseiller municipal écologiste. Il dénonce aussi la responsabilité des autorités dans le périmètre «trop restreint» de la SUP, qui laisse selon lui de nombreuses parcelles contaminées sans prise en charge. Contactées, la DREAL et la préfecture n’ont pas répondu à ce jour.
Une décision « stratégique » selon Exide, brutale selon les syndicats
Dans son communiqué, Exide Technologies justifie la fermeture par une «réorientation stratégique» rendue nécessaire par «l’attrition du marché» et «la surcapacité structurelle» du secteur des batteries industrielles de traction. Le groupe affirme vouloir mener un dialogue «transparent et responsable» avec les parties prenantes, dans le cadre de la procédure d’information-consultation.
Une annonce qui n’atténue en rien la colère des syndicats. Selon Rachid Ljabli, délégué syndical FO, les représentants du personnel n’ont même pas été présents lors de la réunion du Comité social et économique central, faute d’avoir reçu les documents préparatoires dans les délais légaux. «Nous avons appris par mail que le site allait fermer. C’était un coup de massue. Les salariés sont sonnés», témoigne-t-il.
La loi Florange au cœur des tensions
La question de la recherche de repreneur cristallise les crispations. Exide assure «rechercher activement des acteurs industriels» pour s’implanter sur le site de Lille, et se dit prête à collaborer avec les autorités locales. Mais du côté syndical, le scepticisme domine. «Qui voudra d’un site centenaire avec des sols pollués et une responsabilité environnementale aussi lourde ?», interroge M. Ljabli, qui évoque également les pressions urbaines pour libérer un terrain convoité dans un quartier en pleine mutation.
Les négociations sur le Plan de Sauvegarde de l’Emploi (PSE) débuteront fin juin, avec une première réunion fixée au 30. Les licenciements devraient s’échelonner entre janvier 2026 et la fin de l’année. La direction affirme vouloir proposer des «opportunités de reclassement internes et externes» et accompagner les salariés dans la construction de leur avenir professionnel.
De leur côté, les syndicats se préparent à une bataille sur tous les fronts. «On ne laissera personne sans solution», promet Rachid Ljabli, qui dénonce un «gâchis industriel» et fustige l’incapacité du groupe à anticiper les évolutions du marché.
Symptôme d’un virage technologique raté
Pour le délégué syndical, la fermeture du site lillois est avant tout le reflet d’une stratégie manquée. «Exide a raté le virage du lithium, n’a pas investi, a perdu ses marchés au profit d’acteurs asiatiques plus agiles», accuse-t-il. Il pointe aussi l’abandon progressif des pouvoirs publics locaux. À Lille, le sentiment d’injustice domine : ni les riverains, ni les salariés n’en sortent indemnes.