Publié le
19 juin 2025 à 12h52
En ville, dans certains quartiers, le retour des beaux jours va de pair avec un phénomène redouté par de nombreux habitants : les rodéos urbains. Roues avant levées (wheelings), dérapages bruyants et fumants (burns), conduite excessive et en zig zag : le bruit infernal et les risques d’accidents exaspèrent. Mais que fait la police ? Justement, elle développe de nouveaux moyens, en partenariat avec les villes, comme à Roubaix, Leers, Toufflers, Wasquehal et Hem. On vous les présente.
Un flou juridique
À Roubaix, le commissaire de police nationale Abdelkader Haroune veut montrer que la police agit contre les rodéos urbains, même si c’est compliqué. « Ce n’est pas parce qu’on n’intervient pas de suite qu’on ne fait pas le boulot », résume-t-il.
Il a expliqué que la première difficulté est le flou juridique qui entoure cette notion, car en droit, « le délit de rodéo urbain n’existe tout simplement pas ».
Le code de la route avec les articles L 236.1 et L 236.2 donne le cadre : « sont punis les comportements qui compromettent la sécurité ou troublent la tranquillité publique », avec une peine d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. « Mais il faut une répétition du trouble, si une personne fait un wheeling une fois sur un 100 mètres, ce n’est pas suffisant… »
La loi ne concerne pas les vélos, mais les trottinettes électriques ? « C’est difficile à dire, la loi ne précise pas », signale le commissaire roubaisien. Les rodéos dans les champs, les jardins et les parcs même publics échappent aussi à la loi. « La loi précise qu’il faut que ce soit sur la voie publique, donc pour verbaliser dans un parc municipal par exemple, on le fera par rapport aux infractions du code de la route, mais pas pour rodéo. »
Les « runs » et cortèges de mariages visés aussi
Trois sortes de « rodéos urbains » sont ciblés par la police :
- La définition « classique » de véhicules faisant des roues arrières et roulant en enfreignant le code de la route ;
- les « runs », rassemblement de voitures sur les parkings vides dans des zones éloignées ;
- les cortèges de mariage roulant à vive allure et bloquant des carrefours.
La ville de Leers est particulièrement concernée par les « runs », rassemblements de voitures pour faire la course notamment, car elle dispose de plusieurs zones commerciales autour d’Auchan. « On a mis des coussins berlinois, ralentisseurs, dans le parc d’activités des Verdiers car la nuit, les voitures roulaient à vive allure ! », dit Jean-Philippe Andriès, maire de Leers.
La loi autorise à sanctionner les organisateurs de ces rassemblements, et aussi ceux qui en diffusent les images, photos et vidéos, sur les réseaux sociaux. « Dans ce cadre, une cellule spéciale de policiers à Lille, assure la veille sur les réseaux sociaux et nous avertit en cas de rendez-vous donné », précise le commissaire Haroune.
L’équipe d’ilôtiers à Roubaix, brigade pédestre créée en septembre 2024, va à la rencontre des habitants. ©Anne-Sophie Hourdeaux/CDN Les caméras, un atout précieux
Concernant les cortèges de mariage, Hem en a connu un épique il y a quelques semaines, comme le signale Thibault Thieffry, conseiller municipal. « Grâce à la vidéoverbalisation, ce sont 130 amendes qui ont été envoyées aux conducteurs, pour une centaine de véhicules impliqués. » Il ajoute, déterminé : « On ne laissera plus passer les débordements, et on va intensifier les vidéo-verbalisations ! »
Les caméras sont un outil précieux dans la lutte contre les rodéos urbains. La ville de Wasquehal en a installé 400, Hem en compte 110 et ira jusqu’à 130 en 2026, Leers est en train d’en installer une quarantaine…
Chaque ville ayant un CSU, centre de supervision urbain, avec des agents qui décryptent les milliers d’heures de vidéos.
Des VTT et un service dédié anti-rodéo depuis quelques semaines
Deux nouvelles unités ont été créées récemment : une brigade pédestre et VTT avec 10 policiers ; et une unité d’enquête dite « Task Force anti-rodéos » de 4 policiers.
Les « îlotiers », de la brigade pédestre, sont apparus fin 2024, « dans le cadre de la police de rapprochement de la population », dit Roger David, chef de la brigade terrestre.
Les habitants sont contents de revoir des policiers dans les rues et les bus, à Roubaix, Toufflers, Leers. Depuis début juin 2025, nous disposons de VTT, ce qui nous permet d’aller sur des sites difficiles d’accès aux voitures, comme le canal.
Roger David, chef de la brigade terrestre de la police de Roubaix
Sur les berges du canal, les rodéos ont aussi lieu. « Le 11 juin 2025, on a croisé une moto conduite par un mineur, qui s’est enfui à notre approche, mais nous l’avons revu un peu plus loin, on l’a contrôlé et interpellé, la moto a été saisie immédiatement. »
Quant à la Task Force anti-rodéos, elle a été créée mi mai 2025. Comment elle fonctionne ? Encore une fois, la vidéo lui est d’une grande aide. Car la stratégie est davantage l’enquête approfondie que le flagrant délit.
« De toute façon, quand on arrive, on ne peut pas prendre en flagrant délit car les jeunes, souvent autour de 20 ans, fuient. On est alors dans le cadre d’un refus d’obtempérer, dont le risque est de causer un accident. Or, on veut protéger les habitants, la personne qui conduit et les policiers. Donc, on préfère réagir dans un 2e temps, en menant une enquête avec les images des vidéos. Et si on ne peut pas reconnaître le conducteur car il est masqué, on peut identifier le véhicule, souvent une motocross, et la confisquer ! », signalent les policiers.
55 véhicules saisis dans des rodéos urbains depuis janvier 2025
Côté chiffres, depuis janvier 2025 sur Roubaix et alentours, ce sont « 56 véhicules saisis pour rodéos urbains, dont 44 motos, un quad et 11 scooters », annonce le commissaire Haroune. « Sur les 56, 30 ont été détruits. Notre but est de voir détruits systématiquement les véhicules saisis. »
Dans le cadre des « runs » (rassemblements de voitures sur parkings isolés), 18 véhicules ont été saisis.
Pierre-Emmanuel Gilardeau, sous-préfet à la ville de Roubaix, résume : « C’est cette action concertée qui sera efficace, entre la police nationale, la municipale, les communes. Il y a aussi l’aménagement de la voirie pour entraver les rodéos. La politique de la ville a sa part pour animer les quartiers et occuper les jeunes ».
Les citoyens vigilants
Les élus ont une autre arme contre les rodéos : la vigilance des habitants, invités à signaler les comportements dangereux. « Par exemple, à Toufflers, nous avons un réseau de citoyens vigilants, différents des voisins vigilants, au nombre de 15 personnes, qui ont un numéro direct avec la police municipale en cas de problème », dit le maire, Alain Gonce. Sa commune n’est pas équipée de caméras, et il ne le souhaite pas, au vu du coût.
Autre outil des équipes policières, les drones, dans le cadre des flagrants délits par exemple.
Toutes ces mesures suffiront-elles à faire passer un bon été aux habitants, sans bruit de moteur et dans la sécurité ? Car les élus le savent bien, les nuisances des rodéos, « un fléau » pour tous, semblent augmenter. « On le voit dans les mains courantes déposées à la police municipale », remarque le maire de Leers. Le volet prévention peut-il aider ? « Nous, on remet une charte aux futurs mariés quand ils déclarent leurs bancs, avant le mariage, mais ce n’est qu’un document appelant au respect de certaines règles. On réfléchit à formaliser les choses un peu plus officiellement, à signer par exemple », dit encore Jean-Philippe Andriès.
Les élus et la police le savent tous : l’été sera encore chaud dans certains quartiers.
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