Par

Adrien Filoche

Publié le

19 juin 2025 à 20h06

Le procès d’Ab. Ba s’est ouvert le jeudi 19 juin 2025 à la cour d’assises du tribunal de Rouen (Seine-Maritime). Alors qu’il travaillait en tant que plongeur au restaurant Cancan, le mis en cause est accusé d’avoir poignardé un de ses collègues, et ce, à quatre reprises, le 19 juillet 2022. C., son collègue, était employé en cuisine. Grièvement blessé — il s’en est finalement sorti après avoir frôlé la mort —, le cuisinier s’est constitué partie civile.

Ce jeudi, pour l’ouverture du procès, la présidente de la cour est revenue en longueur sur les faits reprochés au jeune homme de 21 ans et pour lesquels il encourt 30 ans de réclusion. L’accusé est décrit comme psychologiquement fragile, des médicaments avaient notamment été retrouvés dans son sac.

Le gérant de l’établissement entendu

Des témoins ont été entendus ce jeudi. Interrogé, F., le gérant de l’établissement lors des faits, n’était pas présent lors de l’attaque. « J’ai été prévenu vers 22h45, j’ai pu vérifier la gravité des actes via les caméras de surveillance », explique-t-il.

Le soir de l’agression, les deux plus haut gradés de la cuisine sont également absents. Le plus ancien, c’est C. De son côté, Ab. Ba, est employé en tant qu’« extra », c’est-à-dire qu’il a un contrat temporaire, en tant que plongeur. Il a rejoint le Cancan en avril 2022, plusieurs mois avant la tentative d’homicide.

Au sujet d’Ab. Ba, « je l’ai toujours trouvé très volontaire », relate F., précisant qu’il ne le connaissait pas plus que cela. « Est-ce qu’il y avait des choses qui n’allaient pas ? », interroge la présidente de la cour. « On a déjà constaté qu’il fumait du cannabis, comme malheureusement beaucoup de personnes qui travaillent en restauration », répond-il.

Un peu plus tard, l’avocat d’Ab. reviendra sur cette déclaration, précisant qu’il n’y avait « aucune trace de cannabis dans les examens de son client réalisés après l’agression ».

Par ailleurs, le directeur du Cancan de l’époque — il a vendu l’établissement en 2024 — indique avoir déjà été interpellé une fois par son chef de cuisine après qu’Ab. lui a indiqué qu’il voulait se battre avec un employé sur les quais. Le gérant en parle avec le mis en cause, et lui explique qu’il ne veut pas d’histoire dans son établissement.

Au sujet de C., la victime, le gérant précise : « C’était un cuisinier modèle, il ne rechignait jamais à la tâche. Il était discret, il faisait son travail. »

Une « atmosphère de violence » dans la cuisine

Un second témoin est à son tour passé à la barre, Am., un serveur qui travaillait au Cancan lors de l’attaque, décrit comme « volontaire et travailleur » par son patron de l’époque.

Absent lui aussi lors des faits, ce jeune étudiant en droit raconte avoir appelé la police quelques jours après l’agression, et ce, de son propre chef, afin d’apporter des précisions dans cette affaire. Face à la cour, il relate une « atmosphère de violence » qui régnait dans la cuisine. Il évoque des moqueries, des épisodes d’humiliation à l’encontre d’Ab. Ba, notamment en raison de sa difficulté à comprendre parfaitement la langue française.

« L’équipe en cuisine pouvait se laisser aller à certains débordements professionnels qui ne sont pas corrects socialement parlant. Il y avait une certaine pression continuelle et un effet de groupe qui pouvait se diriger vers l’accusé », relate Am.

Le serveur raconte un épisode dont il a lui-même été victime : « Un jour, je suis arrivé avec des écouteurs, et on m’a demandé si je les avais volés, en référence à mes origines maghrébines. » Il n’a toutefois été témoin d’aucunes violences verbales à caractère raciste à l’encontre d’Ab. Ba.

Am., qui a quitté son poste en août 2022 au Cancan, raconte avoir travaillé pour d’autres établissements : « J’ai retrouvé l’aspect militaire, la pression, mais jamais cette déviance comportementale que j’ai pu constater au Cancan. »

Les collègues assistent à la scène, un tente d’intervenir

M., cuisinier au Cancan, était lui bien présent lors de l’agression. Il confirme l’altercation entre C. et Ab. Ba, liée à une planche à découper mal nettoyée. Lorsque la tension monte, il propose de s’occuper de la planche un peu plus tard, afin de calmer les esprits. Il voit alors Ab. se saisir d’un couteau. Il essaye de s’interposer, mais se fait bousculer par l’agresseur qui finira par asséner quatre coups de couteau à C.

« Est-ce que vous étiez bien traité ? », interroge la présidente de la cour. « Oui, on travaillait en équipe », relate M., indiquant qu’il n’y avait pas de mauvaise ambiance particulière. Nouvelle question de la cour : « Est-ce que vous aviez vu qu’Ab. était mis de côté ? ». « Non. Il était gentil Ab. », répond simplement M. Interrogé, il précise par ailleurs n’avoir été témoin d’aucun commentaire raciste au sein de la cuisine.

S., et R., tous les deux stagiaires en cuisine et présent lors des faits, confirment qu’il n’y avait pas de tension en règle générale au sein de la cuisine. Les deux cuisiniers racontent avoir vu la scène. « J’ai vu le premier coup de couteau », raconte R. Il s’enfuit ensuite, sort du restaurant et alerte les secours. De son côté, S. confie : « Je l’ai vu avec le coup de couteau, j’ai vu le coup. J’ai crié et je suis parti me réfugier dans les vestiaires. »

A., 21 ans, en pâtisserie au Cancan, confirme la version des trois derniers employés. Il raconte lui aussi que C. a demandé à Ab. de nettoyer plusieurs fois une planche à découper, avant l’attaque à l’arme blanche : « Je l’ai vu lever le couteau. »

Il indique par ailleurs « que l’ambiance était bonne » au sein de l’établissement. Concernant le mis en cause, il précise n’avoir eu que peu de contacts avec lui : « On pouvait rigoler ensemble, mais il pouvait être parfois dans un état bizarre. »

Le vendredi 20 juin, le procès doit se poursuivre avec, entre autres, l’examen de personnalité de l’accusé. Les réquisitions de la cour devraient être rendues en début de semaine prochaine, tandis que le délibéré est attendu mardi 24 juin.

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