Le 17 mai 2022, Jean-Luc Reynes fête ses 57 ans avec sa mère et son fils aîné dans un restaurant du port de Perros-Guirec (22). Au cours du repas, qu’il touche à peine, son teint se cuivre, puis se dore. Ses proches s’inquiètent. « Tout va bien », minimise-t-il, camouflant sa souffrance, comme d’habitude. Près de quatre mois plus tôt, le diagnostic d’un hépatologue du CHU de Pontchaillou, à Rennes, a bouleversé sa vie : il est atteint d’une stéatose, maladie héréditaire du foie. La greffe sera inévitable.

En décompensation, l’organe touché « crache » de l’ascite, un liquide qui lui « flingue tout » dans l’estomac. On lui en ponctionne quatre à six litres chaque jour. Jean-Luc Reynes brave la douleur. Jusqu’à cette terrible journée d’anniversaire. En rentrant chez lui, à Lannion (22), il s’écroule dans la cour de sa maison. Transféré à Pontchaillou, son pronostic vital est engagé. « J’étais inconscient, je n’ai même pas pu profiter du voyage en hélicoptère », plaisante ce grand blagueur.

Débute « une logistique de champion du monde dont les gens ne se rendent pas compte » et un sombre compte à rebours s’enclenche. « On doit me trouver un foie dans les douze jours ou alors, c’en est fini. Il est arrivé au bout du dixième. À ce niveau-là, on est un cran au-dessus du miracle », sourit l’ancien chef d’entreprise.

Il perd 50 kg à l’hôpital

L’opération chirurgicale dure près de dix heures, compliquée par une crise cardiaque – « quitte à être sur le billard, autant tout faire d’un coup ! ». Durant ses deux mois et demi d’hospitalisation ponctuée de « délires » médicamenteux, Jean-Luc Reynes perd 50 kg. « Après une greffe, le corps prend une énorme baffe. » Le moral aussi. Difficile pour ce « viandard » de ne plus goûter une côte de bœuf et de se contenter de blanc de poulet, « évidemment sans la mayo ».

Pénible, aussi, de ne plus toucher un club de golf, dont il a pu reprendre la pratique il y a un an. Sans parler des soins quotidiens, des examens hebdomadaires et, plus tard, des anti-rejets (sudations nocturnes, crampes, tremblements, diarrhées) qu’il devra supporter toute sa vie.

« Un cadeau de la vie »

« C’est tout un mode de vie qui s’écroule, mais j’ai vite eu conscience de ma chance. J’ai reçu un cadeau de la vie et je ne compte pas le gâcher, c’est le respect au donneur, explique-t-il, soudain très sérieux. Je ne bois, par exemple, plus d’alcool, même si j’y suis désormais autorisé. Je suis un nouveau-né. »

Pour remonter la pente, Jean-Luc Reynes a aussi pu compter sur Transhépate et son ancien président régional, Patrick Rault. « Il a toqué à ma porte, un jour. J’ai longuement écouté. Sa visite, a, elle aussi changé ma vie. Je me suis totalement investi dans cette action. »

En plus de bénéficier du soutien de l’association venant en aide aux malades et transplantés hépatiques depuis 1985 à l’échelle nationale, le Lannionnais en devient à son tour délégué, visiteur de greffés, chaque mercredi. « Des moments délicats, car nous ne sommes pas psy. Il y a donc tout un discours à adopter. Il faut aussi savoir se protéger, car chaque visite nous renvoie à notre propre maladie. Il m’est souvent arrivé de pleurer. »

Une mission : communiquer et convaincre

Élu président de Transhépate Bretagne-Ouest le 23 mars 2024, il devient aussi éducateur thérapeutique, conférencier en école d’infirmières, prend la parole devant des chirurgiens expérimentés, suit une formation en diabétologie. Avec, chaque jour, la même mission : communiquer, « encore et encore », persuader les villes, mais aussi les entreprises, comme il en a eu l’idée, de devenir des ambassadrices du don d’organes « pour que partout, on se décide à évoquer le sujet et que chacun y réfléchisse ».

Mais aussi lever le tabou du prélèvement d’organes, même en Bretagne, la région de France où le taux de refus des familles de défunt reste d’année en année le moins élevé (21,3 % en 2024 contre 36,4 % à l’échelle nationale). « Les proches craignent pour l’intégrité du corps ou y voient une seconde mort, alors que c’est une occasion de sauver une vie », insiste Jean-Luc Reynes.

En France, 20 000 patients sont actuellement en attente d’un organe. Chaque année, près de 1 000 personnes décèdent par manque de greffons disponibles.