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Ce n’était rien comparé à ce qui l’attendait à Paris où les chansons qui avaient bercé son enfance (Dans les yeux d’Émilie de Joe Dassin) étaient moquées par ses nouveaux potes « de gauche ». En citant de nombreux chercheurs (Bourdieu, Benoît Coquard…), Rose Lamy analyse très finement le déterminisme social, l’entre-soi et le mépris des milieux intello-bourgeois censés, selon le discours affiché et le vote, défendre les classes populaires et porter aux nues l’égalitarisme alors « que les valeurs ne suivent pas vraiment ».
Elle prend, notamment, pour exemples, une séquence de l’émission Quotidien, un article de Technikart sur la Creuse ou encore le stand-up d’une humoriste chaudement applaudie dans l’émission de Charline Vanhoenacker sur France Inter : « Y a moyen qu’un jour en France y ait un président qui s’appelle Jordan. »
De quoi donner du grain à moudre au RN pour l’autrice qui « n’est pas dupe » des intentions du parti de Marine Le Pen. Rose Lamy, dont plusieurs membres de la famille ont déjà voté pour l’extrême droite, rappelle qu’il ne faut pas réduire les gens à leur vote et « que le racisme nous traverse tous.te ».
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Elle dénonce aussi les faux « transfuges de classe » qui se cherchent un « capital prolo », la « gentrification culturelle » (l’attrait des « bobos » pour les PMU, les reprises pop de chansons populaires qui les rendent acceptables, le casting sauvage pour les films sociaux…).
Comme sur Instagram, Rose Lamy fait un pas de côté pour détricoter les mots régulièrement utilisés dans les médias : la France périphérique, la Diagonale du vide. Des termes définis d’un point de vue parisien… « Ces idées donnent une fameuse couleur à l’existence et à ce qu’on est en droit d’attendre de l’avenir. »
Un livre à passer à tous ses amis intello-bourgeois méprisants qui s’avère touchant par la franchise de son autrice. Cette dernière se dévoile, mais jamais gratuitement, en évoquant sa santé mentale, l’impact du mépris sur son corps, de son origine sociale sur ses relations amoureuses, les reproches éhontés adressés à sa mère qui n’a plus les mêmes codes qu’elle ou le décès de son père mort prématurément d’une crise cardiaque.
Ascendant beauf Essai De Rose Lamy, Seuil, 167 pp. Prix 18,50 €, numérique 13 €