À moins de 300 jours des municipales, il est désormais temps pour Pierre Jakubowicz de penser « Strasbourg en grand ». Même s’il n’est pas encore officiellement candidat, le conseiller municipal d’opposition présente sa stratégie économique. Au programme : mois de l’Europe, forfait de stationnement pour l’ensemble des salarié(e)s, nouveaux parkings, culture, moins d’éphémère et plus de fonds européens. Présentation.

Brique par brique, Pierre Jakubowicz construit patiemment son projet pour les municipales de 2026, bien qu’il soutient mordicus qu’il n’y est pas (encore) candidat. Après le tram avenue des Vosges et les Koeurs de quartier, le conseiller municipal d’opposition s’est doté de délégué(e)s de quartier, visant à quadriller toute la ville.


Désormais, il est temps de rentrer un peu plus dans ce qui pourrait ressembler à un programme, tout particulièrement sur le volet économique. Alors que les comptes de la municipalité ont été passés au crible par la chambre régionale des comptes [et qu’ils seront discutés au prochain conseil municipal, ndlr], l’élu Horizons muscle son jeu et se prend à rêver « Strasbourg en grand », comme il nous l’explique sur plus d’une heure d’entretien au QG de son mouvement, au Neudorf.

pierre jakubowicz © Nicolas Kaspar / Pokaa

« Strasbourg en grand » : une bonne dose d’optimisme… et un fonds FIERTÉ

Avant de passer dans le concret des propositions, attardons-nous un moment sur l’expression « Strasbourg en grand ». Pour Pierre Jakubowicz, cela signifie « mobiliser tous les moyens en notre possession et saisir toutes les opportunités possibles pour renforcer Strasbourg et nos acteurs locaux ». Le tout, avec trois piliers : (re)faire de Strasbourg une ville propre et sûre, soutenir les acteurs locaux et (re)faire rayonner Strasbourg en tant que capitale européenne.

Des piliers que n’a pas su exploiter Jeanne Barseghian selon le conseiller d’opposition, déplorant les « occasions manquées » durant le mandat écologiste. Pêle-mêle, il cite le refus de la Fondation Gandur de s’implanter à Strasbourg, de ne pas avoir candidaté au label Strasbourg Capitale de la démocratie en 2020 ou à l’appel « Ville neutre en carbone » de la Commission européenne qui aurait pu rapporter 30 millions d’euros à la ville en 2022. Ainsi, avec « Strasbourg en grand », Pierre Jakubowicz souhaite donner à la ville les moyens de « nous autoriser à nouveau à étonner, à être audacieux, à rayonner, à faire parler de nous pour de bonnes raisons. »

On peut, sans augmenter la dette et sans augmenter les impôts, faire plus pour l’ensemble des acteurs du territoire sur ces enjeux de transition et d’innovation.

Pierre Jakubowicz

Une large dose d’optimisme et de bonne volonté, alors que Strasbourg fait face à une conjoncture compliquée. Mais qui ne doit pas ternir la volonté de continuer à investir pour faire rayonner la ville. Sauf que, dans la tradition du centre et de la droite, les projets d’investissement de Pierre Jakubowicz ne reposeront pas beaucoup sur la dette ou sur l’impôt. À la place, il souhaite non seulement « mettre fin au gadget et à l’éphémère » mais il vise surtout à une meilleure utilisation des fonds européens, comme le Contrat triennal, ou sa nouvelle idée : le fonds FIERTÉ, pour Fonds pour l’innovation, l’économie, le rayonnement, les transitions et l’Europe.

Un fonds qui serait principalement financé par la capitalisation d’acteurs publics comme les SEM et des SPL. Et dont les investissements seraient destinés « à tous ceux qui contribuent à l’attractivité, donc autant aux associations qu’aux acteurs de l’économie sociale et solidaire, les acteurs sportifs et culturels, du numérique, commerce, entreprise, artisans et tous les acteurs de la transition écologique. » Interrogé sur le fait que ce fonds se substituerait à l’investissement de la collectivité, Pierre Jakubowicz réfute, assurant « qu’il ne remplacerait pas mais viendrait en complément. »

jakubowicz © Strasbourg on y croit / Document remis

La grande proposition : un mois de l’Europe à Strasbourg pour faire rayonner la ville et sa culture

On l’a compris, « Strasbourg en grand », en somme, c’est pour le moment lutter contre la conjoncture et la sinistrose ambiante, en se concentrant sur quelques priorités. Quand on entend Pierre Jakubowicz dévoiler les premières propositions d’un potentiel programme politique, comme souvent, les yeux brillent encore plus fort lorsqu’il s’agit de parler de Strasbourg capitale européenne.

C’est d’ailleurs une de ses plus grandes propositions : ne plus seulement organiser une journée de l’Europe à Strasbourg, mais faire du mois de mai « le mois de l’Europe ». Aujourd’hui, selon Pierre Jakubowicz, « il n’y a quasiment absolument rien qui distingue la façon dont Strasbourg célèbre le mois de l’Europe de l’ensemble des autres grandes villes françaises. Or, quand on est capitale de quelque chose, vous êtes censés être le centre de toutes les attentions et avoir un rayonnement et un impact beaucoup plus fort. »

Dans une Europe où il y a 23 langues officielles, le langage universel, c’est la culture, c’est la musique, c’est la création.

Pierre Jakubowicz

Il compte donc y remédier, souhaitant d’abord faire du 9 mai à Strasbourg « l’équivalent du 14 juillet à Paris », avec un grand défilé, une cavalcade et un concert « avec des artistes venus de toute l’Europe, de toutes les esthétiques pour vraiment être une convergence culturelle ». Il compte même organiser un grand feu d’artifice tiré depuis le bassin devant le Parlement européen, afin de mettre en valeur les institutions européennes et que « l’ensemble des citoyens s’approprient le moment ».

Autour de cette journée, Pierre Jakubowicz voit donc plus grand, souhaitant organiser un mois de l’Europe, sorte de second temps fort dans l’année strasbourgeoise après le marché de Noël. « Une vraie ambition culturelle » selon l’élu d’opposition, qui souhaite que « Strasbourg soit vraiment la convergence de toutes les cultures européennes avec des grandes expositions qui attirent toute l’Europe ». Pour cela, il compte se donner les moyens de ses ambitions, en allant discuter avec des musées des 27 pays européens pour que chaque année, ils puissent prêter des œuvres.

parlement européen strasbourg © Hugo Favre – Napoli / Pokaa

Les autres premières idées : « aller du petit au plus grand »

Au-delà de sa vision européenne et culturelle, Pierre Jakubowicz a déjà plusieurs idées pour mettre en application sa volonté de penser « Strasbourg en grand ». Dans ses propositions, le conseiller municipal d’opposition souhaite « aller du petit au plus grand » car, selon lui, « l’attractivité d’une ville c’est la somme de tous les acteurs qui la rendent dynamique et agréable à vivre ». Dans le détail, et sans être exhaustif :

  • Mettre en place un forfait stationnement de 15 € par mois pour les professionnel(le)s et les responsables associatifs/ves. Une façon de mettre fin à « l’usine à gaz » qu’est le système actuel selon Pierre Jakubowicz.


Voitures stationnement

  • Créer une brigade de propreté urbaine et renforcer les moyens et les effectifs de la police municipale « pour faire face aux nouveaux enjeux de tranquillité et de sécurité sur l’espace public ».
  • Faire de Strasbourg le « carnaval des carnavals ». Dans la même logique que le mois de l’Europe, Pierre Jakubowicz souhaite dynamiser le carnaval de Strasbourg en le transformant en « point de rencontre et de convergence de tous les carnavals rhénans existants, avec un grand défilé avec des représentants de tous ces autres carnavals, et ensuite une grande fête et une grande rencontre. »

Carnaval (45) dragon © Marie Goehner-David / Pokaa

Il faut mettre fin à ce qui peut être gadget et éphémère pour pouvoir à nouveau financer les projets d’une manière durable.

Pierre Jakubowicz

  • Améliorer l’accessibilité en ville, en créant trois ou quatre nouveaux parkings. Si « le but n’est pas de remettre la voiture partout », Pierre Jakubowicz souhaite identifier trois ou quatre portes principales d’accès à Strasbourg, « qui soient liées directement à des parkings en ouvrage pour qu’on puisse facilement accéder à la ville ». Exemples : secteur des Halles, secteur de la Gare, secteur de l’Étoile et place de Haguenau [des secteurs où existent déjà un ou plusieurs parkings, sauf place de Haguenau, ndlr]. Sur ce dernier, il souhaiterait « un parking de plusieurs centaines de places potentiellement accessible directement par un souterrain depuis les sorties d’autoroute de la place ».
  • Imaginer un pôle municipal et eurométropolitain de recherche et d’innovation. Alors que Strasbourg est déjà une terre d’innovation, Pierre Jakubowicz souhaite aller plus loin en créant une structure, dont la forme n’est pas encore arrêtée juridiquement, liant les collectivités, la recherche publique et privée, l’Université, les start-ups, les laboratoires et les entreprises.
  • Organiser chaque année un « Davos de l’Europe de demain » à Strasbourg. Une sorte de forum qui porterait sur une thématique précise et qui réunirait les dirigeant(e)s politiques, les acteurs/rices des think-tanks, des médias, les grands responsables associatifs et des O.N.G.. Une façon de « replacer Strasbourg sur la carte politique et la faire exister à nouveau dans les cercles de décideurs ». Un projet qui pourrait bénéficier au tissu local, puisque cela engendrerait « de potentielles retombées économiques aux petits artisans, aux petits prestataires et aux petits commerçants ».

parking P3 halles © Nicolas Kaspar / Pokaa

Pour 2026, il faudra un « maire stratège » et non un « maire militant sans écoute »… Ce sera lui ?

Toutes ces propositions ne sont pas gravées dans le marbre et seront soumises au débat public selon Pierre Jakubowicz. Mais elles donnent déjà une idée du type de maire que le conseiller d’opposition serait, s’il décidait de se présenter : un « maire stratège », et non pas un « maire militant sans écoute » [une référence à Jeanne Barseghian, qui s’était définie comme maire militante, ndlr].

Concrètement, qu’est-ce que ça veut dire ? « C’est celui qui fédère tout le monde dans une même vision et dans une même ambition du territoire, mais aussi celui qui est capable de penser le local et le global, à la fois les petits sujets du quotidien et le cadre de vie avec les plus gros projets. » Pour lui, cela signifie être capable de se projeter dans trois temporalités différentes : six mois, six ans et une génération. D’abord pour « régler les situations d’urgence », ensuite pour fixer un cap pour le mandat et enfin pour « initier les transformations qui dépassent le temps politique », comme l’écologie et l’intergénérationnel.

jakubowicz breitmann Pierre Jakubowicz et Rebecca Breitman (Modem). © Strasbourg on y croit / Document remis

Le maire stratège, c’est aussi celui qui est capable de dialoguer avec l’ensemble des partenaires, que ce soit les autres collectivités, que ce soit les autres acteurs du territoire, mais aussi les acteurs privés.

Pierre Jakubowicz

Mais ce maire stratège, est-ce que ce sera lui ? Quand on lui pose la question, Pierre Jakubowicz vous regarde en silence dans les yeux, et un ange passe, la durée qu’il faut pour faire un aller-retour sur l’avenue des Vosges en heure de pointe. S’il refuse toujours de se porter candidat, il assène tout de même : « On ambitionne clairement l’alternance à Strasbourg, donc on a aucune ambiguïté sur le fait de dire sur quoi on travaille. » Mais, in fine, toujours la même réponse : les propositions et le projet, avant la personne.

En attendant, les discussions institutionnelles de convergence vont débuter avec les partis les plus proches idéologiquement de celui de Pierre Jakubowicz, comme Renaissance ou le Modem [enfin, normalement, ndlr]. Mais « souhaitant dépasser les clivages nationaux », il ne se refuse pas d’élargir les convergences à sa gauche ou à sa droite, dans la lignée des batailles communes menées en conseil municipal. Une potentielle union « qui ne doit pas être une union de rejet, mais une union de projet ». Pour plus de réponses, il faudra sans doute attendre septembre pour définir les forces en présence pour les prochaines municipales. Une chose est sûre, cela sera animé.