Les supporteurs d’Auckland City résisteront-ils à la tentation de faire des folies sur les sites de paris sportifs d’ici la fin de la Coupe du monde des clubs 2025 ? La cote pour une « simple » victoire de leur équipe, ce vendredi (18 heures) contre Benfica, y oscille en effet entre 70 et 200… contre 8,75 pour un 0-8 ! Il est même impossible de miser en ligne sur un succès du club lisboète au vu de sa cote rarissime à 1,01. Car si de sérieux doutes entouraient la compétitivité du champion néo-zélandais avant la compétition, le 0-10 ramassé contre le Bayern Munich, dimanche à Cincinnati, l’a fait basculer dans une autre sphère.
Canardés dans tous les sens (31 tirs à 3 dont 18 cadrés à 1), les joueurs d’Auckland City ont de quoi être traumatisés par l’air de (french) Can-Can de Jacques Offenbach, lancé par la sono du stade après chacun des buts de Kingsley Coman, Sacha Boey, Michael Olise and co, pendant que Manuel Neuer s’étirait dans le rond central en plein match.
L’effectif total représente… 4,58 millions d’euros !
Ne serait-on pas concrètement ici devant la farce dénoncée depuis de longs mois par les nombreux détracteurs de la compétition ? En additionnant les 28 joueurs retenus pour ce Mondial des clubs par Auckland City, on arrive à une valeur marchande totale… de 4,58 millions d’euros selon Transfermarkt, contre plus d’1 milliard pour le Real Madrid, Manchester City et le PSG.
Cela a-t-il du sens de qualifier un représentant d’Océanie, la plus petite zone Fifa au monde, pour un tel nouveau tournoi, sous prétexte qu’il prend le meilleur sur des clubs de Tahiti, des Fidji, de Papouasie-Nouvelle-Guinée et de Nouvelle-Calédonie ? Joueur d’Auckland City en 2023 et 2024, Rayan Tayeb (21 ans) a un avis tranché sur la question.
« J’ai pu lire sur les réseaux sociaux qu’Auckland City ne mérite pas d’être là. Mais c’est hors de propos, le tournoi a pour but de représenter le football du monde entier. Or c’est le meilleur club dans cette partie du monde et il devrait recevoir plus de respect. J’étais à la fois triste devant le résultat et heureux de voir mes amis dans ce match contre une si grande équipe. Après tous les sacrifices faits, alors qu’ils ne sont pas pros, ils ont mérité de vivre cette opportunité. »
Les temps ont bien changé depuis l’édition 2014
Sauf que la nouvelle formule de compétition à 32 équipes met en lumière de façon brutale le fossé séparant Auckland City d’un monstre européen comme le Bayern Munich. « C’est complètement fou de jouer contre le Bayern, soupire Michael Burgess, journaliste pour The New Zealand Herald. Auckland City a déjà battu le champion d’Afrique en 2014 pour atteindre les demi-finales de l’ancien format du Mondial des clubs [à sept équipes]. Mais là, c’est la première fois de son histoire qu’il affrontait un club européen en match officiel. »
C’est ce qu’on appelle un tableau d’affichage pour l’histoire, non ? - P. Ellis / AFP
Et il s’en souviendra un bon bout de temps. Michael Burgess dresse un lien entre cette mémorable raclée et le choix de la Fédération néo-zélandaise de « restructurer son championnat en 2021 ». Finie la formule à huit équipes semi-professionnelles, place depuis à 32 clubs totalement formés d’amateurs, avec des joueurs touchant « au maximum 75 euros par semaine ». Et ce afin de tenter de faire de la place pour de futurs potentiels All Whites, quitte à se priver du renfort d’Européens.
« Attention au récit fait partout depuis dimanche, confie Rayan Tayeb, désormais milieu de terrain pour le club de Western Springs. Je continue de croire qu’il y a un réservoir de talents formidable en Nouvelle-Zélande et que le football continue de se développer chez nous. Cette défaite triste à voir n’est pas une représentation précise de la valeur d’Auckland City. »
Onet-le-Château, Kamoulox de ce Mondial des clubs
Côté précision, Opta s’en charge avec son système de « Power rankings » s’appuyant sur les datas pour établir le classement du niveau de performance de 13.000 clubs de football dans le monde entier. Et figurez-vous que dans ce classement actualisé toutes les deux semaines, Auckland City figure à la 5070e place.
A défaut du PSG (leader du classement), le club français le plus proche d’Auckland City se trouve être… Onet-le-Château (5032e), 9e de National 3 (5e division) cette saison ! Ce club de l’Aveyron, plus petit budget de N3 avec moins de 300.000 euros, se retrouve donc cité dans les médias comme jamais en ce début de supposée plus grande compétition de clubs au monde.
Entraîneur d’Onet-le-Château, Yoan Boscus revient sur ce buzz Kamoulox de haut vol : « J’ai reçu environ 200 messages de tous les horizons pour me dire qu’on aurait pu affronter le Bayern. Ça m’a surpris et ça m’a surtout fait sourire. L’écart était tellement monstrueux sur ce match qu’au final, je trouve même que les Néo-Zélandais ne s’en sont pas si mal sortis que ça ».
A lui seul, et malgré ses 67 ans, Thomas Müller a selon Transfermarkt encore davantage de valeur (6 millions d’euros), que tout l’effectif d’Auckland City réuni (4,58 M€). - H. Andrey/SPP/SIPA« L’opportunité d’une vie » pour ces joueurs amateurs
Commercial dans la vie et milieu offensif de cette équipe d’Onet-le-Château composée à 100 % d’amateurs, Eloïs Durand (21 ans) complète : « Quand on voit cette rouste, ça montre bien que la présence d’Auckland à cette compétition est un peu ridicule. Ça m’a rappelé le match de Coupe de France entre Revel et le PSG [0-9 en janvier 2024]. On n’aurait pas fait pire que ça face au Bayern, enfin j’espère ».
Finalement, est-on face à un cadeau empoisonné de la part de la Fifa envers ce représentant océanien hors monde pro, qui va à présent enchaîner en quatre jours des matchs contre Benfica et Boca Juniors avant de prendre la porte ?
« Autant il y a surtout eu de l’excitation avec la qualification, autant depuis le tirage au sort en décembre, on a bien senti que tout le club était également effrayé par ce qui l’attendait aux Etats-Unis. On pensait qu’il y aurait vite plusieurs prêts de joueurs professionnels expérimentés en vue du tournoi, afin que ces matchs fassent un peu moins flipper. Ça n’a pas été le choix des dirigeants, et là on est au-delà de la mission impossible. »
Les deux seuls clubs pros du pays ne sont pas éligibles
Une autre subtilité a pu échapper aux observateurs européens que nous sommes : les Wellington Phoenix et Auckland FC, qui évoluent dans la A-League australienne professionnelle, n’ont pas pu bénéficier d’un sésame pour ce Mondial des clubs. « C’est une complication bizarre à laquelle est confronté le football néo-zélandais, précise le journaliste du NZ Herald. Les deux plus gros clubs du pays ne sont pas éligibles pour la Ligue des champions d’Océanie [remportée à 13 reprises par Auckland City], ni donc pour la Coupe du monde des clubs. Cela devrait changer d’ici quatre ans. »
La Fifa serait inspirée d’écouter le cri du cœur de Conor Tracey, qui a tout de même encaissé dix buts dimanche. - H. Andrey/SPP/Shutterstock/SIPA« Nous sommes tous fiers de cette équipe »
« Il y a depuis dimanche des blagues chez nous sur cette défaite ridicule, poursuit Michael Burgess. Aucun joueur d’Auckland City ne devrait faire partie des 23 pour le Mondial 2026 mais la réputation du football néo-zélandais est d’ores et déjà abîmée par cette Coupe du monde des clubs 2025. Le seul avantage, c’est qu’il y a à présent au pays une vraie curiosité pour ce deuxième match contre Benfica. »
Notre dossier sur la Coupe du monde des clubs
De manière surprenante, Rayan Tayeb se montre optimiste pour ses anciens coéquipiers : « Je suis sûr qu’ils vont rebondir vendredi. En tout cas, je pense que personne en Nouvelle-Zélande n’a honte de cette équipe, nous sommes tous fiers d’elle ». Gare simplement à un nouveau Galop infernal orchestré par Angel Di Maria et ses troupes, ce vendredi à Orlando.